«Depuis deux ans, nous assistons à une recrudescence indiscutable des cas de syphilis précoce (chancres de la syphilis primaire et atteinte multisystémique de la syphilis secondaire). Actuellement, 80% des personnes touchées par la syphilis sont des homosexuels masculins dont beaucoup sont déjà infectés par le VIH (58%)», résume Nicolas Dupin, (service de dermato-vénérologie, Hôpital Tarnier, Paris). «Cette recrudescence est particulièrement inquiétante car elle traduit un relâchement indiscutable de la prévention et une reprise des conduites sexuelles à risque, avec comme conséquence prévisible une réaugmentation des contaminations par le VIH».Au risque «d'anthropomorphiser», il faut rappeler que la syphilis est une «grande simulatrice».Le diagnostic de syphilis doit être évoqué systématiquement devant : une ulcération génitale, anale ou buccale, quel que soit son aspect ; une éruption cutanée fugace maculeuse ou maculopapuleuse ressemblant à une virose ou une toxidermie ; une éruption papulosquameuse, surtout si elle touche les paumes et plantes et qu'elle s'accompagne de lésions muqueuses ; un tableau pseudo-viral (fièvre, céphalées, polyadénopathies, hépatite) ; une uvéite ou une rétinite ; une méningite ou méningoradiculite ; une paralysie des nerfs crâniens. De plus, la syphilis est extrêmement contagieuse à partir des lésions primaires (chancre génital, anal, buccal, ces deux derniers passant le plus souvent inaperçus) ou secondaires (plaques muqueuses buccales, génitales et anales). La contamination peut donc se faire lors de tous rapports sexuels «y compris la fellation».«La quasi-disparition des cas de syphilis précoce au début des années 1990 fait que nombre de jeunes médecins n'ont jamais vu de syphilis et que le diagnostic est trop rarement évoqué devant des lésions pourtant typiques», précise Nicolas Dupin. En cas de comportement sexuel à risque (homosexuels, hétérosexuels avec partenaires multiples et patients infectés par le VIH), même en l'absence de signe clinique évocateur, un dépistage sérologique régulier (TPHA-VDRL) est indispensable. La confirmation du diagnostic est aisée. Le TPHA et le VDRL sont toujours positifs, sauf au tout début de la maladie (7 à 14 premiers jours du chancre). Dans ce cas, la recherche de tréponème dans les lésions muqueuses (avec un microscope à fond noir par un laboratoire spécialisé) et une sérologie de contrôle permettent de porter le diagnostic.Le test de Nelson est totalement inutile, dans la mesure où le TPHA et le VDRL sont tous deux positifs dans les syphilis évolutives. Un VDRL isolé n'est pas synonyme de syphilis (syndrome dit des anticardiolipides). Une syphilis traitée se surveille sur le VDRL quantitatif et non sur le TPHA. Enfin, la comparaison avec une sérologie antérieure est toujours très utile, et la discussion avec le biologiste ou un spécialiste des MST riche d'enseignement. Le traitement ? Dans les syphilis précoces (syphilis primaire et secondaire) chez les patients non immunodéprimés, le traitement repose sur une injection i.m. de 2,4 millions d'unités de benzathine pénicilline G, en respectant les contre-indications que sont le suivi d'un traitement anticoagulant et l'allergie à la pénicilline.