Nous achevons ici la relation des troisièmes journées internationales sur la pathologie médullaire qui viennent de se tenir du 10 au 13 avril à Deauville (Calvados). Après la question de la régénération neuronale à la régénération axonale dans les traumas médullaires (Médecine et Hygiène des 15 et 22 mai), les participants à ces journées ont abordé le «traitement par tapis roulant dans les lésions médullaires incomplètes». A. Wernig (Allemagne) a exposé le fruit de ses douze années d'étude et d'expérience sur le traitement par tapis roulant (Laufband therapy, LBT) objectivant des résultats probants de reprise de la marche chez des patients incomplets, malgré des possibilités de contraction musculaire volontaire extrêmement faibles.La LBT s'inspire de la marche spinale ou activité locomotrice du chat dit «spinalisé» et de la marche automatique observée chez le nouveau-né humain. Elle a pour objectif de réapprendre au patient les schémas de marche par un travail actif aidé. Un harnais permet de supporter le poids du corps, ce qui limite l'appréhension du patient, les risques de chute, favorise l'expression des mouvements locomoteurs et libère le thérapeute pour aider et contrôler le travail des mouvements et du déroulé du pas sur le tapis roulant. «La rééducation doit être commencée le plus précocement possible après une évaluation neurologique permettant de fixer les objectifs en fonction des déficits, peut-on lire dans les conclusions de la manifestation. L'arrêt de l'entraînement induit une perte lentement progressive des acquisitions, alors que la reprise du travail de marche permet de rattraper rapidement les possibilités acquises préalablement. Ceci traduit très probablement les possibilités d'apprentissage et de mémorisation de la moelle épinière humaine.»Au chapitre des avancées dans les neuroprothèses et la chirurgie pour les tétraplégiques, M. Keith (Etats-Unis) a rappelé que la perte de fonction des membres supérieurs réduit les patients médullo-lésés à une dépendance importante pour les gestes de la vie courante, notamment pour les patients tétraplégiques C5 spastiques présentant des contractures limitant le coude en flexion-supination. L'auteur a proposé de combiner une stratégie chirurgicale et technologique pour optimiser les habilités fonctionnelles et limiter les dépendances des patients. Afin d'améliorer l'extension du coude et la pronation de l'avant-bras, il préconise une libération antérieure du coude par allongement notamment du long biceps, associée à une capsulotomie antérieure du coude, voire à une ostéotomie de dérotation du radius en cas de supination irréversible.Sept membres supérieurs ont été opérés de la sorte chez quatre patients tétraplégiques spastiques C5. Les résultats présentés par l'auteur montrent une augmentation de 31° en passif et de 39° en actif de l'extension du coude, une pronation de 70°, permettant une amélioration fonctionnelle pour la communication, la mobilité en fauteuil roulant, et pour la prise des repas avec orthèse. Cette chirurgie rend surtout possible la réalisation de transferts tendineux et d'électrostimulation. L'auteur a conclu son exposé en résumant brièvement les différents procédés de stimulations fonctionnelles visant à restaurer en partie les fonctions vésicales, intestinales, de la marche, de la préhension, etc. La stimulation électrique fonctionnelle implantable est une des voies d'avenir pour la restauration des principales fonctions neurologiques chez le blessé médullaire ou le patient victime d'accident vasculaire cérébral. Cependant, le câblage, les différents composants implantés et les systèmes de contrôle externe doivent être simplifiés. Une variété de modules adaptés munis de systèmes de feed-back sont à l'étude.J. Wasserberg (Royaume Uni) a par ailleurs exposé les modalités de l'étude «MRC CRASH» concernant l'usage des corticostéroïdes dans les traumas crâniens. Cette étude multicentrique (impliquant 112 hôpitaux dans 35 pays) et randomisée évalue l'efficacité et les effets secondaires d'une injection de méthylprednisolone sur 48 heures contre placebo. Tout patient traumatisé crânien ayant un score de Glasgow inférieur ou égal à 14 pouvant être pris en charge en moins de 8 heures après le traumatisme est incluable. Cet essai thérapeutique a débuté en avril 1999 et devrait inclure 20 000 patients fin 2005. L'auteur a présenté à Deauville les résultats généraux sur les 1000 premiers patients.«Les traumatismes crâniens sont répartis en 33% de traumatismes mineurs, 29% de modérés et 38% de sévères, résument les organisateurs. 71% des patients ont été randomisés dans les trois premières heures après l'accident. Le suivi à 15 jours a été de 99%, parmi lequel on note 17% de mortalité. A six mois, le suivi a été de 93%. 21% des patients étaient décédés, 17% présentaient de lourdes séquelles, 22% avaient des séquelles modérées et 34% avaient eu une bonne récupération. La mortalité augmente avec l'âge et avec la diminution du score de Glasgow initial. L'étude a inclus à ce jour 2552 patients et le nombre d'inclusion est en augmentation exponentielle, ce qui laisse prévoir l'inclusion des 20 000 patients escomptés.» Cette étude à très large échelle devrait permettre non seulement de tester l'hypothèse initiale sur l'efficacité (ou non) de la méthylprednisolone et de collecter un nombre élevé d'informations cliniques, radiologiques et thérapeutiques concernant les traumatismes crâniens.«En conclusion, il est apparu au cours des conférences et des débats qui les ont suivies que la recherche sur la pathologie médullaire vient de franchir un cap essentiel : le développement des connaissances fondamentales en physiologie et en biologie cellulaire et moléculaire a pulvérisé le dogme de la non-régénération dans le système nerveux adulte des mammifères, résume le Pr Alain Privat (INSERM, Montpellier). Des stratégies cliniques nouvelles sont actuellement en émergence et se traduiront dans les toutes prochaines années par des essais cliniques totalement innovants et des thérapeutiques multiples associant pharmacologie, greffes cellulaires et thérapie génique.»