A la veille des fêtes langues de feu et antique esperanto de la Pentecôte, voilà que nous nous retrouvons confrontés depuis Paris à un étrange rituel ; c'est un rituel printanier, programmé depuis un demi-siècle ou presque, autorisant les frasques de la famille onusienne dans sa version sanitaire. Un demi-siècle déjà . Dieu sait si certains attendaient beaucoup de l'arrivée, à la tête de l'OMS, du Dr Gro Harlem Brundtland. Las. Communiqué officiel dans la plus belle des langues de bois internationales, ce magma qui, à force de consensus, ne signifie plus rien.
«Le Dr Gro Harlem Brundtland a félicité aujourd'hui les délégués des Etats Membres de l'Organisation mondiale de la santé pour s'être attachés à placer la santé au premier rang des préoccupations mondiales, et a noté avec satisfaction l'augmentation en valeur réelle du financement affecté à la santé publique partout dans le monde» affiche l'OMS. «Nous avons fait bouger les choses et nous allons maintenant continuer sur notre lancée», a déclaré le directeur général de l'OMS en s'adressant aux représentants des 191 Etats Membres. Des premiers ministres et des présidents, des chanteurs de rock, des sportifs de haut niveau et des dirigeants d'entreprises partagent notre position».
La belle affaire ! On se moque, bien sûr, de cet échafaudage mondialisant. La belle affaire, pourtant, qui nous explique que les réalisations dans le domaine de la santé comprennent : la réduction de 99% des cas de poliomyélite ; l'accord sur les objectifs et les stratégies de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, maladies qui tuent plus de 5 millions de personnes par an ; les programmes élargis de vaccination contre les maladies de l'enfant qui marquent une augmentation de 8% dans certains pays ; l'unité de vue des pays qui négocient une convention cadre de lutte antitabac, et l'accent plus grand placé sur la maladie mentale, cause majeure de souffrance et d'incapacité.
Philosopher ? «Le monde vit dangereusement soit parce qu'il n'a guère le choix, soit parce qu'il fait les mauvais choix en matière de consommation et d'activité», déclare le Dr Brundtland qui fait valoir qu'à l'une des extrémités de l'échelle de risque, il y a la pauvreté, la faim et la malnutrition, les rapports sexuels non protégés, l'insalubrité de l'eau, les mauvaises conditions d'assainissement et d'hygiène, la carence en fer et la fumée de combustibles solides à usage domestique.
Hiérarchiser ? Ces facteurs font partie des dix principales causes de morbidité et sont beaucoup plus fréquents dans les pays et les communautés les plus pauvres.
Et depuis Genève, on dira une nouvelle fois à la planète qu'«à l'autre bout de l'échelle de risque, l'hypertension et l'excès de cholestérol, qui ont une incidence directe sur les cardiopathies et les accidents vasculaires cérébraux, sont aussi étroitement liés à la consommation abusive de nourriture grasse, sucrée et salée». On expliquera encore que l'obésité est également un risque sérieux pour la santé. Les conséquences du tabagisme et de la consommation excessive d'alcool sont mortelles. On ajoutera que ces facteurs mortifères, s'ils prédominent dans les pays riches, voient leur prévalence augmenter dans les «communautés en développement». Agir ? Le Dr Bruntland annonce depuis le Palais des Nations qu'elle lancera, à l'occasion du Sommet mondial pour le «développement durable» à Johannesburg en septembre prochain une «nouvelle initiative» visant «à promouvoir des milieux favorables à la santé à l'intention des enfants».
Et encore ? L'OMS «redonnera vigueur aux efforts concernant le régime alimentaire, la salubrité des aliments et la nutrition». Pour en dire un peu plus sur le décorum quasi-soviétique, le communiqué de presse rédigé à Genève nous dit : «Présidées par des ministres de la santé, quatre tables rondes se tiendront demain dans le cadre de l'Assemblée pour débattre de la surveillance, de la notification et de la réduction des risques pour la santé ainsi que de l'intensification nécessaire de l'action pour lutter contre les maladies des pauvres». Et arguant que l'autre «défi important à relever» est «celui de créer de meilleurs systèmes de santé financés de manière équitable et suffisante et qui répondent aux besoins et aux attentes». Mme le Dr Brundtland a annoncé le lancement de deux nouvelles initiatives : l'une «pour apporter des conseils concernant le financement des soins de santé dans différents cadres» ; l'autre «visant à développer les ressources humaines dans les systèmes de santé nationaux, notamment ceux dont le financement est insuffisant et qui perdent leur personnel de santé au profit de pays où la rémunération est plus élevée».
Faut-il le rappeler ? L'OMS «s'attache de plus en plus à appuyer les pays pris séparément en assurant à la fois le renforcement du potentiel des nationaux et des équipes de l'OMS dans le pays». Ces prochaines années, l'OMS «mettra davantage l'accent sur les mesures exceptionnelles pour la santé prises dans des situations d'urgence et de crise dans le monde entier». A cette fin, elle «réunira des informations sur les situations et les réactions dans le domaine de la santé», et «collaborera avec toutes les parties concernées en profitant d'un effet de synergie afin d'améliorer avec elles l'accès aux produits, aux matériels et au personnel indispensables à la santé».
«Baroque» ? Ecoutons Robert : (1788, «nuance du bizarre», en architecture ; sens modifié, 1912 repris de l'allemand barock). Se dit d'un style qui s'est développé aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, d'abord en Italie, puis dans de nombreux pays catholiques, caractérisé par la liberté des formes (en particulier, recherche de l'irrégulier) et la profusion des ornements. A sa manière inimitable la famille onusienne permet de reproduire à sa façon, à Genève, une belle forme de baroque du début du XXIe siècle.
On trouvait ainsi, au menu de l'Assemblée mondiale 2002 «La thrombose veineuse et les voyages aériens cohabitant avec les "médecines traditionnelles ou parallèles"».