Le condylome acuminé anal est dû à une infection par le Papillomavirus humain (HPV), classiquement transmis par voie sexuelle. Des symptômes ne sont pas toujours présents et ne sont alors pas spécifiques. Malgré un traitement adéquat, visant la disparition des lésions (par exemple l'exérèse chirurgicale), des récidives peuvent survenir. Un suivi clinique strict doit donc être réalisé, afin de les identifier et les traiter précocement. Lors de l'analyse anatomopathologique des lésions excisées, une dysplasie ou un cancer peuvent être découverts fortuitement justifiant le recours systématique à cet examen. Le rôle des différents sous-types d'HPV en termes de récidive et d'oncogénicité n'a pas encore été élucidé. Une fois celui-ci déterminé, un typage des lésions condylomateuses extirpées pourrait être indiqué de manière systématique.
Le condylome acuminé anal a pour origine un groupe hétérogène de virus : le Papillomavirus humain (HPV), dont il existe plusieurs sous-types.1 Le HPV est très contagieux. Il contamine l'épithélium humain et peut donner naissance à des lésions muqueuses ou cutanées. Au niveau vaginal, pénien ou anal, un condylome acuminé, une néoplasie intraépithéliale ou un cancer épidermoïde peuvent se développer suite à une transmission par voie sexuelle. Le diagnostic est avant tout clinique, dans un contexte parfois asymptomatique et souvent peu spécifique. Un examen anatomopathologique de routine, sous forme d'une biopsie ou d'une exérèse, permet de confirmer le diagnostic. Le traitement a pour objet la disparition macroscopique des lésions. Le virus peut toutefois persister et être à l'origine d'une récidive de la maladie, du développement d'une dysplasie intra-épithéliale ou d'un cancer invasif dont l'allure macroscopique peut être bénigne.
Cet article a pour objet de souligner l'aspect sérieux du condylome acuminé, en termes de transmission, de persistance, de récidive et d'évolution histologique défavorable. A cette fin, il s'appuie sur l'expérience lausannoise de la prise en charge de cette affection.
Un tiers des HPV, parmi la centaine identifiés à ce jour, infecte l'épithélium muco-cutané de la région ano-génitale, pouvant donner naissance au condylome acuminé. Le cycle de reproduction de l'HPV est bien connu. Par contre, tous les mécanismes de sa transmission n'ont pas encore été élucidés.
En 1998, Label et coll. ont défini l'infection à HPV comme étant la maladie sexuellement transmissible la plus répandue aux Etats-Unis.2 La voie classique de contagion est le rapport sexuel. Une transmission digitale, génitale ou anale, a été évoquée un an plus tard par Sonnex et coll.3 Ces auteurs ont en effet décrit la présence d'HPV sur les doigts de 38% des femmes et 64% des hommes présentant ou ayant présenté des condylomes acuminés. Si le rapport sexuel représente la voie la plus fréquente de transmission de l'HPV, il ne faut pas exclure l'existence d'autres mécanismes.
La régression spontanée de l'infection à HPV représente une autre matière à débat. Deux tiers des verrues cutanées régressent dans un délai de deux ans. Lorsque des manifestations inflammatoires surviennent, la lésion disparaît dans les quatre semaines.4 Trente pour cent des condylomes acuminés gynécologiques régressent spontanément. Une évolution similaire au niveau anal n'a pas été rapportée à ce jour.
Le type d'HPV à l'origine d'un condylome acuminé est déterminé par polymerase chain reaction (PCR). Cet examen permet, en complément à l'anatomopathologie, de préciser le profil viral de la lésion.
La disparition macroscopique des lésions condylomateuses après traitement n'a pas pour corollaire celle de l'HPV au sein d'un épithélium guéri. Peu de données concernant la fréquence et les facteurs favorisant la persistance d'HPV en pareille circonstance sont actuellement disponibles. Rosenfeld et coll. ont observé que, parmi des femmes HPV positives lors d'un premier contrôle, 20% le sont encore lors d'un deuxième examen, réalisé 6-36 mois plus tard.5 Lorsqu'une typisation s'est révélée positive, le même type d'HPV n'est retrouvé ultérieurement que chez 5% des patientes. En 1994, Hildesheim et coll. ont rapporté que la persistance de l'HPV diminue en fonction du temps.6 Cette situation s'observe plus fréquemment lorsque le virus est d'un type exposant à un haut risque de développer un cancer (cf. ci-dessous). La prédisposition au développement d'une néoplasie intraépithéliale du col (CIN) ou de l'anus (AIN) augmente par ailleurs avec la persistance virale.
Des dysplasies légère, modérée ou marquée peuvent se développer au sein de lésions dues à un HPV. Il s'agit au niveau gynécologique de CIN I, II et III, au niveau anal, d'AIN I, II et III, respectivement. Les dysplasies marquées correspondent à des carcinomes in situ, susceptibles d'évoluer en cancer invasif au gré du temps. Ce dernier peut disséminer et donner naissance à des métastases.
En Suisse, le condylome acuminé n'est pas considéré comme une affection opportuniste chez les patients porteurs du virus d'immunodéficience humaine (VIH). Pour Breese et coll., les cancers développés au sein d'une lésion due à un HPV ont pourtant un comportement opportuniste.7 Ils sont en effet plus fréquents chez les sujets avec immunité cellulaire défaillante, tels les transplantés. Le phénomène est similaire chez les patients infectés par le VIH. En effet, chez ceux-ci l'incidence de CIN, d'AIN (quel qu'en soit le stade) et de cancer invasif est élevée. Les données épidémiologiques et moléculaires permettent d'établir un lien direct entre infection à HPV et cancer, tant du col utérin que de l'anus. Au niveau utérin, les HPV peuvent être classés en deux groupes : les types 6, 11, 30, 34, 40, 42, 43, 44 et 57, considérés comme étant à bas risque de développer un cancer et les types 16, 18, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52 et 56 correspondant à un haut risque à cet égard.8 Au niveau anal, il n'existe pour l'instant aucune classification de ce type.
Le traitement actuel de la maladie condylomateuse vise la disparition macroscopique des lésions. Elle peut s'obtenir par voie cytotoxique (acide trichloroacétique, podophylline, 5-fluorouracile), ablation physique (cryothérapie, laser CO2, excision chirurgicale) ou immunomodulation médicamenteuse locale (AldaraTM).9
Le vaccin représente une alternative thérapeutique future. Malheureusement, son efficacité n'est que partielle sur un modèle animal et il n'est appliqué, pour l'instant, que dans un contexte expérimental.
Malgré les nombreuses modalités thérapeutiques du condylome acuminé, aucun traitement n'est efficace de manière absolue. Les lésions peuvent en effet persister ou récidiver. Ceci s'explique par la persistance d'HPV ou par une réinfection.
Le suivi clinique après traitement a une importance primordiale. Il permet d'identifier toute récidive qui devra être traitée précocement, afin de prévenir une reproduction virale (synonyme de multiplication des lésions), la contamination d'un partenaire sexuel et, enfin, une évolution défavorable vers la dysplasie ou le cancer.
De 1990 à 2001, 89 patients ont bénéficié dans notre institution d'une exérèse chirurgicale de condylome acuminé anal. Aucune des lésions extirpées n'était macroscopiquement suspecte de malignité. La totalité de celles-ci (n = 115) a fait l'objet d'un examen histologique : onze (9,6%) lésions montraient une dysplasie légère, dix (8,7%) une dysplasie modérée, cinq (4,4%) une dysplasie marquée et quatre (3,5%) un cancer invasif. Ceci signifie que 26 (22,6%) spécimens montraient déjà des signes d'évolution vers la malignité alors que quatre (3,5%) étaient franchement malignes, quand bien même aucune d'entre elles n'était cliniquement inquiétante. Les quatre patients avec lésion maligne ont bénéficié d'un traitement adjuvant à la chirurgie, consistant en une radiothérapie et/ou une chimiothérapie.
Les malades ont été suivis cliniquement, en général douze mois après traitement. Ceux porteurs d'une dysplasie l'ont été de manière d'autant plus stricte que le stade de cette dernière était avancé. Quatorze récidives (15,7%) ont été mises en évidence et traitées chirurgicalement. Quatre (28,6%) sujets ont développé une seconde récidive alors que quatre autres en ont présenté trois ou plus, également identifiées lors d'un contrôle. Une typisation virale, réalisée dans le cadre d'une étude clinique, a été effectuée sur toutes les lésions excisées, primaires et secondaires. Aucun HPV spécifique n'a été identifié comme étant à l'origine d'une récidive. Par contre, la présence simultanée de plusieurs HPV dans une lésion donnée, dont l'une est de type 11, semble être un facteur la favorisant.
Le condylome acuminé anal se développe suite à une infection par un HPV transmis à l'occasion d'un rapport sexuel. Malgré un traitement adéquat, notre expérience montre que 22 (24,7%) patients ont présenté une récidive découverte lors du suivi. Aucun HPV n'a été, à ce jour, identifié comme favorisant le développement de celle-ci. Lorsque l'HPV 11 est présent simultanément à un autre type d'HPV au moins, la récidive est vraisemblablement plus fréquente. Ces données sont toutefois préliminaires et devront encore être confirmées.
L'examen histologique des lésions excisées a mis en évidence 22,6% de dysplasies et 3,5% de cancers invasifs, malgré un aspect macroscopique bénin. L'examen microscopique est dès lors le seul qui permette de poser un diagnostic de certitude.
Une modification cellulaire peut être mise en évidence par un frottis du col utérin, pratiqué lors des examens gynécologiques de routine. Lorsque celle-ci est présente, une typisation virale par PCR est réalisée. Elle permet de définir la présence d'HPV à haut risque de développer un cancer et d'adapter le traitement et le suivi. Au niveau anal, une classification des virus en fonction de ce risque n'est pas disponible.
Le condylome acuminé anal est dû à l'HPV. Dysplasies ou cancers sont parfois découverts fortuitement à l'occasion d'un examen histologique. Ce dernier doit donc impérativement être réalisé de manière systématique, afin d'identifier le degré de gravité de la maladie et d'en adapter le traitement. La propension d'un type viral spécifique à générer une récidive ou un cancer au niveau anal n'est pas établie. Si l'existence d'une telle corrélation devait être démontrée, une typisation virale devrait être réalisée de routine, permettant d'adapter le follow-up et le traitement en fonction du type d'HPV. En attendant de disposer d'un facteur pronostique fiable de l'évolution de la maladie condylomateuse, un suivi clinique strict demeure capital.