Nous poursuivons ici la relation des conclusions du séminaire de recherche clinique sur l'infection par le VIH que vient d'organiser à l'Institut Pasteur de Paris l'Agence nationale française de recherches sur le sida (ANRS) et qui a réuni plusieurs centaines de chercheurs et cliniciens. Outre la question des complications métaboliques des antirétroviraux (Médecine et Hygiène du 5 juin et du 12 juin), ce séminaire a notamment permis de faire le point sur les notables progrès réalisés dans l'évaluation de la réponse immunitaire grâce à la mise au point de nouvelles techniques. «Jusqu'à présent, les immunologistes disposaient de méthodes uniquement qualitatives pour mesurer la réponse immunitaire dirigée contre le virus. Ces méthodes nécessitent des périodes de culture assez longues, d'une à trois semaines, et présentent l'inconvénient d'apporter une information limitée ; elles ne permettent pas de quantifier l'intensité de la réponse immunitaire, en particulier aux préparations vaccinales», résument les responsables de ce séminaire.Les nouvelles techniques immunologiques développées récemment permettent de comptabiliser le nombre de cellules T impliquées dans la réponse contre le VIH (ou contre d'autres agents infectieux). Grâce à ces tests, il est désormais possible d'avoir une appréciation beaucoup plus fine de la réponse immunitaire. De plus, ils sont rapides puisqu'ils nécessitent de 6 à 24 heures de réalisation. «Nous sommes ainsi passés de tests laborieux, lents et qualitatifs à des tests rapides et quantitatifs, explique le Pr Brigitte Autran (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris, responsable du groupe «standardisation» de ces techniques à l'ANRS). Cela a totalement bouleversé la méthodologie d'analyse de la réponse immunitaire».Deux autres innovations récentes sont également à souligner. Tout d'abord, une nouvelle technique extrêmement simple et rapide permet désormais de compter directement les cellules T spécifiques dirigées contre le virus. La seconde innovation repose sur l'utilisation de nouveaux réactifs permettant d'analyser de façon exhaustive l'ensemble de la réponse immune dirigée contre le VIH. «Nous disposons désormais d'un arsenal tout à fait considérable qui nous est très utile, d'une part pour mesurer la reconstitution immunitaire sous traitement antirétroviral, d'autre part pour évaluer les stratégies vaccinales en cours d'expérimentation» ajoute le Pr Autran. Les interruptions thérapeutiques. Bien qu'indéniablement puissante, l'activité des multithérapies antirétrovirales actuellement disponibles ne permet malheureusement pas d'envisager une éradication du virus. Corollaire : un traitement à vie s'impose pour les personnes infectées par le VIH. «La poursuite à très long terme des multithérapies antirétrovirales apparaît toutefois difficilement envisageable, estime-t-on auprès de l'ANRS. D'une part, les traitements restent contraignants au quotidien, en dépit des simplifications obtenues ces dernières années (moins de comprimés, moins de prises journalières). D'autre part, les effets indésirables grèvent la qualité de vie des patients et leur observance des traitements. De plus, les troubles métaboliques font craindre des complications à long terme, notamment cardiovasculaires».L'arrêt programmé du traitement constitue une alternative éventuelle pour contrer ces difficultés. «Nous devons nous placer dans une démarche de long terme, explique ainsi le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l'ANRS. La question de l'épargne thérapeutique et de l'alternance de périodes avec et sans traitement devient ainsi centrale». Quelles sont les modalités d'interruptions thérapeutiques envisageables ? Pour ce qui serait un traitement intermittent personnalisé la durée de l'interruption n'est pas définie a priori. En pratique, la reprise du traitement est fondée sur l'évolution des marqueurs immunologique et/ou virologique. Un traitement intermittent fixe ? L'arrêt des médicaments est alors déterminé au préalable, soit dans le cadre de schémas courts (7 jours avec traitement, 7 jours sans par exemple), soit dans le cadre de schémas plus longs (interruption de 2 à 4 semaines, avec reprise pendant 4 à 8 semaines par exemple). Quels sont les patients pour lesquels une interruption thérapeutique peut être envisagée ? On peut, selon l'ANRS, distinguer trois situations principales : les patients traités au cours de leur primo-infection ; les patients en succès thérapeutique ; les patients en multi-échecs thérapeutiques. Pour les patients traités au cours de leur primo-infection, deux essais sont en cours l'ANRS 086 (Primoferon A) et ANRS 100 (Primstop). Les premiers résultats disponibles, qui ont fait l'objet de communications au cours du séminaire, montrent notamment que les interruptions thérapeutiques n'ont pas d'effets délétères à court terme pour les patients. «Ces interruptions peuvent être réalisées dans de bonnes conditions de sécurité chez les patients traités durant la séroconversion» indique le Pr Bruno Hoen (Hôpital Saint-Jacques, Besançon), coordinateur de l'essai Primstop.Pour les patients en succès thérapeutique, il paraît aujourd'hui raisonnable de proposer une interruption thérapeutique aux patients qui ont obtenu, sous multithérapie antirétrovirale, une restauration immunitaire satisfaisante et un contrôle de la charge virale depuis au moins six mois. Enfin, pour les patients en multi-échecs thérapeutiques, la prise en charge est particulièrement compliquée, en raison notamment de l'existence de résistances virales croisées. Les options thérapeutiques sont le plus souvent très limitées. Un essai, coordonné par le Pr Christine Katlama (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris), a permis de montrer qu'une interruption thérapeutique programmée avant un traitement de «sauvetage» permettait d'améliorer notablement l'efficacité de ce dernier.