Les nausées et vomissements représentent une complication majeure du traitement antitumoral. Le médicament utilisé et des facteurs liés au patient déterminent la sévérité de ces troubles. La physiopathologie des nausées et vomissements est discutée par les auteurs. Le traitement dépend du type de vomissement (aigu ou retardé) et aussi du potentiel émétisant du traitement antitumoral. Les différentes classes de médicaments utilisés sont revues. Différents schémas thérapeutiques en fonction de la situation clinique sont proposés par les auteurs.
Qu'il s'agisse d'oncologie ou d'hématologie, les effets secondaires qui surviennent dans le décours d'une chimiothérapie sont nom-
breux. Un des plus fréquents (> 90% dans certains cas) et des plus redoutés par les patients est le risque émétisant. En dehors de son impact majeur sur la qualité de vie, il occasionne également la perte de poids et l'altération de l'état général.
Mais surtout, il peut diminuer la compliance nécessitant réductions et/ou espacements des doses et, dans les cas extrêmes, arrêt du traitement, ce qui compromet son efficacité. Il est donc impératif de prévenir cette complication ainsi que de la traiter au moyen de l'ensemble de l'arsenal pharmacologique disponible et ce avec une stratégie optimale.
Au cours d'une chimiothérapie anticancéreuse, les mécanismes induisant nausées et vomissements sont multiples. On distingue les facteurs de risques liés à la chimiothérapie des facteurs de risques propres au patient.
Facteurs liés au médicament utilisé
En fonction de leur risque émétisant, on peut distinguer trois groupes de chimiothérapie : une chimiothérapie à potentiel émétisant élevé (> 60% de vomissements ; grades IV et V), une chimiothérapie à potentiel émétisant moyen (entre 30 et 60% de vomissements ; grade III) et une chimiothérapie à potentiel émétisant faible (1,2
Facteurs liés au patient
L'altération de l'état général, l'état de performance élevé, l'âge jeune (3
En fonction de la durée avant l'apparition des vomissements, on distingue trois types de vomissements : les vomissements aigus, tardifs ou anticipés.
Ils apparaissent durant les vingt-quatre premières heures suivant l'administration du cytostatique. Par différents mécanismes encore mal connus, une libération de sérotonine (induite par les cytostatiques) dans la zone chémoréceptrice stimule les récepteurs 5-HT3 de celle-ci. La zone chémoréceptrice envoie alors des influx au centre du vomissement cérébral.
Ils apparaissent entre deux à sept jours suivant l'administration du cytostatique. Leurs mécanismes ne sont pas encore clairement connus.
Ils apparaissent avant l'administration du cytostatique. Ils sont liés à un réflexe de type Pavlov en relation avec des vomissements survenus lors de cures précédentes.4,5,6
Les nausées et vomissements sont considérés comme des mécanismes protecteurs de l'organisme afin d'éviter l'ingestion d'une part et d'expulser d'autre part des substances potentiellement toxiques.
Sensations désagréables associées à l'envie de vomir et parfois accompagnées d'un ou plusieurs des symptômes suivants : salivation, sueurs, pâleur, arythmies, etc. Elles sont caractérisées par une augmentation du tonus duodénal et d'une diminution de l'activité motrice de l'estomac avec pour conséquence, un reflux du contenu duodénal dans l'estomac. Les mécanismes précis sont encore mal connus.
Expulsions du contenu gastrique avec «sensation de libération». Ils sont caractérisés par une séquence complexe impliquant les muscles des parois duodénales, gastriques et sophagiennes, du diaphragme, de la ceinture abdominale, des muscles intercostaux et de la sphère ORL. De manière simplifiée, on observe au départ une contraction rétrograde du duodénum accompagnée d'une contracture de l'sophage avec pour conséquence un reflux brutal du contenu duodénal dans l'estomac puis dans l'sophage. L'expulsion est ensuite provoquée par une contraction complexe et coordonnée des muscles respiratoires, abdominaux et intercostaux accompagnée de la fermeture de la glotte.
Dans le cas précis de nausées et vomissements chimio-induits, différents récepteurs du tube digestif et du système nerveux central sont stimulés. Ce sont principalement les fibres du nerf vague et accessoirement les fibres sympathiques qui transmettent l'information au système nerveux central et plus précisément à la zone chémoréceptrice située dans l'aréa postrema à proximité du plancher du quatrième ventricule. Cette zone chémoréceptrice est elle-même connectée par le faisceau solitaire au centre du vomissement qui est à son tour stimulé. Plusieurs neurotransmetteurs et récepteurs sont impliqués mais les principaux sont respectivement la sérotonine et les récepteurs 5-HT3.7,8
Les différentes classes thérapeutiques disponibles pour lutter contre les nausées et vomissements chimio-induits sont : les anti-5-HT3, les gastroprocinétiques, les corticoïdes, les neuroleptiques et les benzodiazépines (tableau 2).
Avant l'apparition des anti-5-HT3, les anti-émétiques de référence étaient les gastroprocinétiques qui gardent une place importante dans la prévention des nausées et vomissements postchimiothérapiques. Ils agissent par action antidopaminergique centrale et périphérique et à haute dose permettent un blocage des récepteurs 5-HT3. Récemment les anti-5-HT3 les ont remplacés en raison de leur efficacité supérieure dans le contrôle des nausées et vomissements aigus ou tardifs. Leur mécanisme d'action est un blocage sélectif des récepteurs 5-HT3 empêchant ainsi l'action de la sérotonine au niveau de la région chémoréceptrice. Les neuroleptiques sont moins utilisés mais gardent une place en association dans les cas sévères. Leur action est essentiellement antidopaminergique. Enfin les corticoïdes sont efficaces en association soit avec un anti-5-HT3, soit un gastroprocinétique par un mécanisme inconnu. Les benzodiazépines sont quant à elles utilisées pour leurs propriétés anxiolytiques. Elles sont surtout efficaces dans les vomissements anticipés.2,4,9,10
En fonction du type de vomissements que l'on veut prévenir (aigu, tardif ou anticipé), le traitement de choix sera différent (tableau 3).
D'autres molécules sont actuellement à l'essai avec des résultats fort encourageants. Il s'agit d'antagonistes des récepteurs de la neurokinine 1 (normalement stimulée par la substance P). Les études précliniques et cliniques en cours semblent montrer une excellente efficacité sur les nausées et vomissements tant aigus que retardés. De plus, cette nouvelle classe semble dénuée d'effets secondaires majeurs.
L'association anti-5-HT3 et corticoïde est le traitement de choix. La voie intraveineuse, trente minutes avant l'administration de la chimiothérapie, est préconisée. Les différentes molécules (granisétron, ondansétron ou tropisétron) ont des efficacités équivalentes.
Il n'existe pas de traitement spécifique établi. Toutefois, on préconise la poursuite du traitement par l'association d'un anti-5-HT3 et d'un corticoïde par voie orale durant trois à cinq jours après chimiothérapie hautement émétisante.2
Leur mécanisme dépendant d'un réflexe de type Pavlov, l'idéal est une prévention optimale lors des premières cures. Leur traitement de choix sont les benzodiazépines.2,6
Les nausées et vomissements chimio-induits sont parmi les complications les plus fréquentes des chimiothérapies. Elles nécessitent donc une approche optimale avec pour objectif une prévention aussi complète que possible. L'arsenal thérapeutique nous offre de nombreuses molécules efficaces mais le traitement de choix à ce jour est un anti-5-HT3. Cette classe s'est en effet montrée supérieure aux autres molécules utilisées seules ou en association. Mais, d'autres molécules sont actuellement à l'étude et semblent très prometteuses. Il s'agit des antagonistes des récepteurs de la neurokinine 1 qui semblent plus efficaces que les autres substances et surtout plus efficaces sur les vomissements retardés actuellement toujours mal contrôlés.