Edito: Maladies infectieuses : défis persistants et à venir
Gérard Praz et Nicolas Troillet
Rev Med Suisse
2002; volume -2.
22525
Résumé
De tout temps et à travers toutes les civilisations, les humains ont eu à relever des défis dus aux maladies infectieuses. Notre faculté d'adaptation nous a permis d'y faire face, parfois au prix de lourdes pertes. Les grandes épidémies qui ont ravagé le monde, telle la peste noire au Moyen-Age, la variole jusqu'au XXe siècle ou le sida actuellement, illustrent bien cette lutte perpétuelle du genre humain contre les agents infectieux. De fait, ceux-ci peuvent, encore de nos jours, être considérés comme nos derniers prédateurs réellement dangereux. En effet, malgré les énormes efforts consentis par la communauté internationale, le danger demeure et toute baisse de garde peut engendrer sa recrudescence, comme l'expérience des anciens pays de l'URSS le démontre pour la diphtérie. Bien que l'Europe de l'Ouest bénéficie de structures efficaces pour prévenir et juguler les risques infectieux, ceux-ci ne sauraient cependant être négligés. Ils font toujours partie de notre vie quotidienne.Ce numéro de Médecine et Hygiène montre que certains des défis qu'il faut continuer à relever sont anciens et concernent au premier chef le praticien tandis que d'autres sont plus récents et encore mal connus, ce qui les rend d'autant plus difficiles à affronter.L'article de N. Troillet et coll. aborde, à travers l'exemple des staphylocoques résistant à la méticilline (MRSA), le problème de la résistance aux antibiotiques. Ces bactéries que l'on ne rencontrait jusqu'à récemment que très rarement en dehors du milieu hospitalier pourraient en effet envahir peu à peu le milieu ambulatoire et causer des difficultés pour le traitement d'infections encore considérées comme relativement banales. De façon générale, le phénomène de la résistance illustre parfaitement la lutte perpétuelle entre l'intelligence humaine qui invente des solutions et les agents infectieux qui évoluent rapidement sous la pression de sélection des antibiotiques.Des infections d'apparence banale dues à des micro-organismes, pour lesquels les antibiotiques ont conservé leur efficacité, peuvent toujours constituer une cause de morbidité et de mortalité importante. C'est le cas de l'infection chez le patient diabétique et en particulier, de l'infection du pied diabétique, traitée par G. Praz et P. Houriet. Cet article montre le rôle potentiel d'un contrôle métabolique optimal sur la prévention des infections chez le diabétique. Il aborde de façon pragmatique la prise en charge, souvent pluridisciplinaire, de cette pathologie et rappelle l'importance de mesures simples mais efficaces comme l'examen bi-annuel des pieds qui reste, selon des études américaines, largement sous-exploité tandis que l'adhésion à des recommandations au sujet des contrôles de laboratoire semble être bien meilleure.Pour faire face à de nouvelles exigences en matière de coûts, de qualité de vie ou de souhaits de certains patients, on observe également une tendance à la prise en charge ambulatoire du traitement d'infections graves. Ceci constitue un défi d'organisation pour les structures appelées à administrer ces traitements encore souvent intraveineux, notamment les services de soins à domicile et les cabinets médicaux. Des critères précis, ainsi que des modalités thérapeutiques adéquates pour de tels traitements, sont définis dans l'article de K. Boubaker et N. Troillet. Bien que la plupart de ces infections nécessitent toujours une prise en charge initiale à l'hôpital, des progrès récents laissent envisager une nette diminution de la longueur du séjour pour certaines d'entre elles.Le progrès dans les méthodes de diagnostic microbiologique permet de mettre régulièrement en évidence de nouveaux agents infectieux. L'article de O. Péter et G. Praz illustre, à travers l'exemple de la borréliose de Lyme, la difficulté qui peut résulter de ce progrès lorsqu'il s'agit de faire corréler un agent pathogène et des manifestations cliniques. Vingt ans après la découverte de l'agent étiologique, le diagnostic de borréliose reste en effet un défi tant pour le médecin que pour le microbiologiste. Ces bactéries, de morphologie apparemment identique, se sont révélées différentes aux Etats-Unis et en Europe, tant au plan de leur génome que de leur épidémiologie ou de leurs manifestations cliniques. Il en résulte une approche diagnostique et préventive différente.Enfin, il ne saurait être question de nouveaux défis infectieux sans aborder la question des prions et plus particulièrement de la maladie de Creutzfeldt-Jakob dans sa forme classique ou de nouvelle variante. L'article de C. Ruef et N. Troillet considère le risque de transmission interhumaine de prions pathogènes par les instruments réutilisables de chirurgie. Il décrit les dispositions qui ont été prises à ce sujet en Suisse jusqu'ici et les nombreuses questions qui restent ouvertes. Il démontre bien la difficulté de faire face à une menace potentielle, pour laquelle on ne dispose que de connaissances lacunaires en abordant le dilemme rencontré par les scientifiques et les autorités sanitaires pour élaborer, avec si peu de données, des directives pour, d'une part, prévenir de façon optimale l'éventuelle transmission nosocomiale de ces agents et, d'autre part, rassurer une opinion publique inquiète.
Contact auteur(s)
Gérard Praz
Médecin-chef
Division de maladies infectieuses et microbiologie
Institut central des hôpitaux valaisans/
Consilia
et Département de médecine interne
et
Nicolas Troillet
Médecin-chef
Division de maladies infectieuses et microbiologie
Institut central des hôpitaux valaisans/
Consilia
Sion