Fumer du cannabis augmente-t-il, comme l'alcool, le risque d'accident de la circulation automobile ? On pouvait le penser, avant que ne se déclenche une vive controverse sur ce sujet. Plusieurs experts, dont le Pr Claude Got, contestent le lien direct entre consommation de cannabis et accident de la route. Ce dernier dénonce notamment comme «pseudo-scientifiques» les travaux, non encore publiés, du toxicologue Patrick Mura. Ces études sont à l'origine d'un texte présenté par le député (UMP) Richard Dell'Agnola pour créer un délit de conduite sous l'emprise de stupéfiants et adopté le 8 octobre en première lecture.Lors d'un colloque sur le cannabis, la semaine dernière à l'Assemblée nationale, le garde des Sceaux Dominique Perben, a indiqué de son côté que ce texte se fonde «sur des études menées à l'étranger ainsi que sur une étude française menée entre 2000 et 2001 qui a révélé que la fréquence des accidents était multipliée par 2,5 pour les conducteurs de moins de 27 ans ayant consommé du cannabis».Dans le dernier numéro de l'hebdomadaire Auto Plus, Claude Got assure que «sur les huit études épidémiologiques menées dans le monde sur le sujet, une seule a pu mettre en évidence un lien entre consommation de cannabis et risque routier. Encore cette étude présentait-elle une marge d'approximation importante en raison d'effectifs faibles». Selon lui, «la seule étude effectuée en France n'a révélé aucune augmentation de risque d'accident pour le cannabis seul».L'Inserm a récemment publié une expertise qui soulignait que «malgré la présomption de dangerosité du cannabis sur le comportement de conduite, il est encore aujourd'hui impossible d'affirmer, faute d'études épidémiologiques fiables, l'existence d'un lien causal entre usage du cannabis et accident de la circulation». L'INSERM estime en outre que «les modifications comportementales négatives n'apparaissent généralement significatives que pour des doses élevées de cannabis». Le Groupe de coopération en matière de lutte contre l'abus et le trafic illicite des stupéfiants au Conseil de l'Europe estime dans son rapport 2002 que «concernant les doses et/ou les concentrations de substances (illicites ou médicamenteuses) dans le sang que l'on associe à une norme de conduite admissible ou inadmissible, les experts signalent souvent qu'il est quasiment impossible de définir une limite stricte à ne pas dépasser».Enfin, Berthe Biecheler-Frétel, chercheuse à l'Institut national de recherches sur les transports et leur sécurité conclut que «de nombreux auteurs n'ont pas réussi à démontrer, à l'aide d'études épidémiologiques, l'existence d'une corrélation entre usage de cannabis seul et accidents à l'échelle d'une population».