Résumé
En 1982, à l'invitation du Dr Pierre Rentchnick, alors rédacteur en chef de Médecine et Hygiène, paraissait un numéro spécial consacré à la médecine de l'adolescence. Vingt ans plus tard, cette discipline, née aux Etats-Unis, au Canada et en Australie, commence à s'implanter solidement en Europe, et tout particulièrement en Suisse. Durant ces dernières années, diverses structures de soins spécialisées ont vu le jour en France (notamment à l'Hôpital du Kremlin-Bicêtre), en Angleterre (au Great Ormond Street Hospital de Londres), au Portugal (Hôpital Santa-Maria à Lisbonne), en Espagne, en Suède ou en Belgique. La Suisse n'est pas restée en reste, avec la création de l'Unité multidisciplinaire de santé des adolescents (UMSA) au CHUV à Lausanne il y a 5 ans et celle d'un programme de santé des adolescents aux Hôpitaux universitaires de Genève plus récemment.De fait, les problèmes de santé des adolescents en Suisse ne présentent pas tant des spécificités de nature physiopathologique ou médicale à quelques exceptions près, comme le syndrome des ovaires polykystiques (PCOS) présenté dans ce numéro par S. Renteria que des particularités en termes d'approches diagnostiques et de conduite de traitement. C'est dire que les réponses qui peuvent être fournies par les structures de soins se situent avant tout en terme d'accueil adéquat, de structures adaptées et de compétences du personnel. Ainsi, les médecins praticiens doivent être en mesure de décoder les raisons souvent latentes pour lesquelles leurs patients consultent ; ils doivent apprendre à identifier, dans un laps de temps relativement restreint, les domaines dans lesquels leurs jeunes patients nécessitent une aide voire une intervention (cf. l'article de N. Liengme dédié au dépistage des troubles psychosociaux) ; ils doivent être en mesure d'adapter leurs réponses thérapeutiques au développement et à l'environnement social de l'adolescent dans une optique intégrant les aspects physiques et mentaux des problèmes de leurs jeunes patients (cf. articles de S. Vust et deP. Stephan). Il existe de nombreux moyens d'atteindre ces objectifs. Nous en retiendrons trois :I Mieux recenser et utiliser les ressources personnelles et environnementales dont les adolescents disposent. Une littérature de plus en plus abondante consacrée au phénomène de la résilience met en évidence l'importance de divers facteurs favorisant l'adaptation de jeunes enfants et adolescents vivant des situations difficiles : flexibilité et sens des responsabilités, liens avec des adultes de référence, environnement donnant des perspectives d'avenir. Les praticiens peuvent, à travers leurs interventions, favoriser l'émergence de tels mécanismes d'adaptation en évitant de se centrer uniquement sur les problèmes de leurs jeunes patients et en cherchant avec eux des solutions pratiques à leur situation.I L'adaptation des structures de soins aux exigences des jeunes, qu'il s'agisse du cabinet médical, d'une policlinique ou d'un hôpital. L'Organisation mondiale de la santé promeut depuis quelques années le concept de «Youth Friendly Services», soit de services attractifs et familiers pour les jeunes, et dont les principales caractéristiques sont : l'accessibilité géographique, des horaires souples et possibilité de consulter en urgence avec des délais d'attente courts ; un personnel compétent et disponible, proposant une approche pluridisciplinaire en lien avec d'autres institutions de la communauté (réseau : école, services sociaux, etc.) et finalement un environnement physique sympathique excluant des barrières financières majeures. Ces critères, élaborés principalement par des jeunes eux-mêmes, sont cités avec une grande constance quels que soient la culture ou les pays concernés.I La formation du personnel de santé : comme nous le relevions il y a deux ans, il est impératif que les facultés de médecine suisses et européennes ainsi que les sociétés de spécialistes mettent sur pied des cours et sessions appropriés dans le domaine de l'adolescence. Cet entraînement doit porter d'une part sur des problématiques spécifiques comme les troubles de la conduite alimentaire, l'acné, l'usage de drogue ou encore certaines affections orthopédiques, mais également sur les conditions d'accueil, de diagnostic et de traitement des adolescents souffrant de ces affections. L'Université de Lausanne a soutenu l'élaboration d'un curriculum de formation à l'échelon européen dans ce domaine1 et dont le contenu a débouché sur la mise sur pied en juillet dernier d'une summer school accueillant vingt-cinq participants de quatorze pays européens. A l'échelon de la Suisse, comme en témoigne l'article de M. Caflisch, les départements de pédiatrie se préoccupent d'améliorer la formation post-graduée dans ce domaine, avec la création possible à moyen terme, d'une sous-spécialité en médecine de l'adolescence. Enfin, l'ouverture dans quelques centres académiques d'unités multidisciplinaires de soins pour adolescents constitue sans aucun doute une importante opportunité d'acquisition de connaissances et compétences spécifiques, traversant diverses branches comme la pédiatrie, la médecine générale et la médecine interne, la psychiatrie et la pédopsychiatrie, ou encore la gynécologie voire la dermatologie.Nous sommes reconnaissants à la rédaction de Médecine et Hygiène de nous donner tous les deux ans l'occasion de promouvoir cette discipline encore juvénile.1 Le projet EuTEACH, initié par l'UMSA, accessible sur le site www.euteach.com
Contact auteur(s)
Pierre-André Michaud
Médecin chef
de l'Unité
multidisciplinaire
de santé des
adolescents
CHUV, Lausanne