Dans quelques jours ou quelques semaines, la société Aventis-Pasteur devrait annoncer le lancement du plus grand essai vaccinal jamais mené contre le sida. Le lancement de cet essai, mené en Thaïlande, devrait coïncider avec la publication du premier essai vaccinal de phase III conduit également dans ce pays. Co-organisatrice du XIIIe colloque des Cent Gardes qui se tenait récemment à Annecy (Médecine et Hygiène des 20 et 27 novembre), la société Aventis-Pasteur est fortement impliquée, depuis plus de dix ans, dans la recherche vaccinale contre l'infection par le VIH, mobilisant une cinquantaine de chercheurs sur ce thème et ayant conduit une quarantaine d'essais cliniques sur cinq continents. Cette firme a établi des collaborations avec l'ANRS, le Programme de recherche sur le Sida de l'armée américaine, le NIAID (National Institute of Allergy and Infectious Diseases), l'ACTG (AIDS Clinical Trials Group), le NCI (National Cancer Institute), l'Union européenne, plusieurs universités et gouvernements. Ses travaux concernent tant les vaccins préventifs que thérapeutiques. Elle a d'autre part développé une stratégie originale dite de «primo-vaccination/rappel» et obtenu la première démonstration d'une tolérance et d'une immunogénicité vaccinale chez des personnes infectées par le VIH, traitées avec succès par des antirétroviraux.Rappelons que l'on connaît aujourd'hui douze sous-types de VIH, dont chacun est présent dans différentes régions du monde. Par exemple, la majorité des virus circulants appartiennent au sous-type B aux Etats-Unis et en Europe, au sous-type E en Thaïlande, et aux sous-types A et D en Ouganda. Dès lors, une des principales questions scientifiques est celle de savoir si un vaccin basé sur des antigènes dérivés d'un seul sous-type peut induire des réponses croisées dirigées contre d'autres sous-types. Si la réponse devait être positive, cela accélèrerait le développement d'un vaccin utilisable dans de nombreuses régions du monde. A l'heure actuelle, une certaine réponse croisée à des isolats primaires des sous-types A, C, D, E et F a été induite par des vecteurs ALVAC-VIH basés sur le sous-type B.La rencontre internationale d'Annecy a notamment permis de faire le point sur le candidat vaccin dont le développement clinique est le plus avancé, dénommé ALVAC-VIH, qui fera l'objet du prochain essai de phase III en Thaïlande. Le vaccin ALVAC-VIH a d'ores et déjà fait l'objet d'études chez plus de 1900 personnes dans le monde. «Le vaccin ne peut pas transmettre le VIH, il présente un excellent profil de sécurité, n'induit aucun effet indésirable grave, ne peut se répliquer chez l'homme ni intégrer son génome» tient-on à préciser chez Aventis-Pasteur. Schématiquement, ce candidat-vaccin est un vecteur canarypox (virus n'infectant naturellement que les canaris et qui est déjà à la base de plusieurs vaccins vétérinaires) dans lequel ont été insérés des gènes sélectionnés du VIH. Il a été démontré qu'il ne se répliquait ni dans le corps humain ni dans aucune cellule de mammifère.Il a aussi été le premier vecteur à induire chez l'homme des lymphocytes T cytotoxiques (CTL) dont on sait qu'ils identifient et détruisent les cellules infectées par le VIH. Une réponse par les CTL a été observée deux à trois ans après la dernière vaccination. Des réponses fortes par les anticorps neutralisants ont été détectées chez pratiquement toutes les personnes vaccinées. Une cytotoxicité cellulaire dépendant des anticorps a été observée chez 70% des volontaires. Ce produit peut être utilisé seul ou dans le cadre de la stratégie de primo-vaccination/rappel ; dans ce cas, il est suivi par un vaccin sous-unitaire basé sur une copie synthétique d'une protéine de surface du VIH, telle que la gp 120 ou la gp 160. Ce «rappel» a pour objet de stimuler la production d'anticorps neutralisants et de cellules cytotoxiques.La stratégie de primo-vaccination/rappel a initialement été étudiée contre l'Haemophilus influenzae de type B (Hib), un vaccin anti-Hib étant administré initialement, suivi par un second type à quatre, six et huit mois. Les résultats ont alors montré que cette stratégie induisait des niveaux d'anticorps anti-Hib plus élevés après chaque dose qu'avec trois doses d'un vaccin identique.Alors qu'un seul gène du VIH était inséré dans le premier vaccin ALVAC-VIH-gp160, plusieurs gènes ont pu être introduits : l'ALVAC-VIH (vCP 1521) exprime la gp120 d'un isolat primaire du sous-type E, prévalant en Thaïlande, et Gap/Pro du sous-type B tandis que l'ALVAC-VIH (vCP 1452) contient des gènes du sous-type B codant pour la gp120TM, des épitopes («colliers de perles») de CTL Gag/Pro + Pol-Nef, et les gènes E3L et K3L du virus de la vaccine. L'essai de phase III de Thaïlande, qui devrait se terminer en 2008 enrôlera au total 16 000 volontaires sains. «Ce sera le plus grand essai de vaccin contre le sida jamais mis sur pied, le premier essai de phase III de la stratégie de primo-vaccination/rappel et le premier essai au monde organisé par un gouvernement. ALVAC-VIH (vCP1521) sera utilisé en primo-vaccination et AIDSVAX B/E de VaxGen comme rappel.Cet essai sera conduit par le gouvernement royal thaïlandais, l'université Mahidol, le gouvernement américain, la fondation Henry Jackson, Aventis-Pasteur et VaxGen» souligne-t-on auprès d'Aventis-Pasteur. On ajoute que plusieurs essais sont en cours pour évaluer l'efficacité thérapeutique d'ALVAC, intégré dans une stratégie thérapeutique de personnes infectées par le VIH. L'espoir est que ALVAC puisse étendre les bénéfices des thérapeutiques associant plusieurs antirétroviraux (highly active antiretroviral therapy ou HAART) et permettre ainsi de plus longues interruptions thérapeutiques.(Fin)