Les infections de prothèses articulaires demeurent un gros problème médical associant des difficultés diagnostiques et thérapeutiques mais aussi une importante morbidité (longue durée d'hospitalisation) et un coût élevé. Aucun test n'est parfait pour détecter dans 100% des cas ce type d'infection. Les options thérapeutiques incluent une antibiothérapie prolongée associée à une des différentes possibilités chirurgicales : résection définitive ou arthrodèse, excision-lavage des tissus infectés avec maintien de l'implant, changement en un ou deux temps de la prothèse. Cette revue générale a été réalisée pour fournir aux personnes ayant en charge ce type de pathologie, différentes suggestions diagnostiques et thérapeutiques.
Les techniques chirurgicales avec pose de matériel prothétique ont révolutionné le traitement des pathologies articulaires dégénératives ou inflammatoires, mais l'infection de prothèse ostéo-articulaire demeure une complication redoutable, tant au niveau individuel qu'en termes de santé publique. Ce sujet est particulièrement d'actualité car on note pour l'année 2000, environ 1700 publications. En 2000, 1 000 000 de prothèses ont été posées dans le monde. Les travaux publiés concordent pour souligner l'importance des coûts, humains et économiques, engendrés par cette pathologie.1,2 Il n'existe pas de consensus concernant la prise en charge diagnostique et thérapeutique de ces infections. En raison de multiples facteurs influençant la guérison, il semble difficile de proposer une attitude unique vis-à-vis de l'infection de prothèse articulaire. Une étroite collaboration médico-chirurgicale semble d'autant plus indispensable pour éradiquer le processus infectieux et pour rétablir le fonctionnement de l'articulation atteinte.
Les éléments physiopathologiques de l'infection de prothèse reposent selon les connaissances actuelles sur plusieurs mécanismes physiopathologiques pouvant être associés :
I La greffe bactérienne lors de l'implantation de la prothèse.
L'incidence de ce mécanisme a chuté depuis l'utilisation d'une antibioprophylaxie pré-opératoire et d'air filtré dans la salle d'opération.
I La persistance d'une greffe bactérienne (ayant eu lieu lors de l'implantation de la prothèse ou secondairement) en raison de particularités microbiologiques :3,4
La formation de biofilms bactériens adhérents sur l'implant prothétique. Un certain nombre de travaux, en partie controversés, suggèrent l'existence d'une diffusion variable et suboptimale de certains antibiotiques au travers du biofilm.5
L'existence de slime (substance polysaccharidique extracellulaire) chez certaines souches bactériennes. Cette substance permet une adhésion plus forte, probablement une virulence particulière et une moindre sensibilité aux antibiotiques des germes responsables de l'infection.6
Les altérations du métabolisme bactérien, fréquemment mentionnées mais encore mal documentées. Au voisinage des matériaux infectés, celles-ci sont observées même chez des bactéries ne formant pas de slime. Il existe un phénomène de tolérance aux antibiotiques, même bactéricides (small colony variant).7
I Les altérations du système macrophagique anti-infectieux :
Durant les mois suivant la pose d'une prothèse ostéo-articulaire, il existe une hypervacularisation osseuse et tissulaire périprothétique. Ce phénomène est lié à la libération de radicaux oxygénés libres et de médiateurs tels que interleukine-1, tumor necrosis factor-a et interferon-g. En cas d'évolution favorable, cette hyperhémie physiologique doit s'atténuer au fil des mois avec apparition d'un tissu scléreux avasculaire peu perméable (intégration tissulaire). Cette réaction inflammatoire semble prolongée en cas de libération d'éléments par la prothèse articulaire (ciment, polyéthylène, etc.). Ces éléments pourraient altérer le pouvoir macrophagique des cellules phagocytaires et inhiberaient la reconstruction osseuse ostéoblastique. Cette réaction inflammatoire peut avoir des conséquences dans le cas où elle empêche l'«intégration prothétique», réalisée par la couverture de la prothèse par un film protéique de fibronectine et l'«intégration tissulaire» de la prothèse au sein de l'os.8-10 Cette «réaction inflammatoire néfaste» pourrait être la cause du descellement aseptique de prothèse. Les infections d'origine hématogène survenant longtemps après l'intervention pour arthroplastie pourraient être alors favorisées par une détérioration préalable des conditions d'intégration tissulaire de la prothèse. Les conditions seraient alors réunies pour permettre une colonisation bactérienne, d'autant plus rapide que le germe en cause est virulent et que les défenses cellulaires sont saturées.
Ces hypothèses physiopathologiques sont à nuancer car il apparaît de plus en plus que des descellements dits «aseptiques» seraient septiques. S'agit-il uniquement d'un problème d'isolement bactériologique ou existe-t-il plusieurs mécanismes d'infections tardives ? Les questions restent ouvertes.
En Suisse, environ 50 000 prothèses ostéo-articulaires sont implantées chaque année, 500 000 aux Etats-Unis. Le risque d'infection de prothèse articulaire est réel, bien que l'incidence ait fortement diminué depuis l'utilisation de techniques chirurgicales réduisant le risque septique associées à l'administration d'une antibioprophylaxie primaire peropératoire.11,12 Ce risque infectieux est estimé entre 1 et 2%.13
L'infection de prothèse articulaire survient selon Coventry à trois phases différentes. L'infection de type I est aiguë et précoce, survenant en période postopératoire immédiate (14
Les facteurs de risque d'infection de prothèse sont maintenant bien connus grâce à l'étude épidémiologique réalisée par l'équipe de la Mayo Clinic.15 Quatre facteurs indépendants de risque d'infection de prothèse dominent : 1) infection du site opératoire avec conservation de l'arthroplastie ; 2) patient à haut risque d'infection nosocomiale ; 3) antécédent de pathologie tumorale dans les cinq ans précédant l'arthroplastie et 4) arthroplastie préalable sur l'articulation opérée. L'isolement de bactérie par un prélèvement profond du site opératoire en fin d'intervention ou dans le liquide d'un redon situé à proximité de la prothèse n'a aucune valeur pour la détection précoce d'infection de prothèse ostéo-articulaire.16
Dans la période pré-opératoire, les facteurs de risque liés au terrain sont dominés par le diabète, les maladies inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde, lupus), les traitements immunosuppresseurs, une pathologie néoplasique. Des facteurs de risque «locaux», c'est-à-dire au niveau du site opératoire, ont été identifiés : rasages traumatiques intempestifs, dermatoses inflammatoires ou infectieuses, existence d'escarre cutanée.
Dans la période peropératoire, la durée de l'intervention (> 3 heures), la qualité de l'hémostase et de la fermeture cutanée, sont des facteurs influençant l'incidence des infections précoces.
Dans la période postopératoire, les hématomes et la souffrance cutanée au niveau de la cicatrice constituent des facteurs de risque d'infection directe précoce.
Par contre la dénutrition, l'obésité, l'insuffisance rénale, la cirrhose, l'infection urinaire pré-opératoire, la présence d'une sonde urinaire, la présence ou non de ciment périprothétique, ne semblent pas être des facteurs de risque d'infection de prothèse.15
Pour certains auteurs, l'existence d'une infection évolutive à distance (infections urinaire ou pulmonaire, foyer dentaire, escarres) et les dispositifs intra-veineux augmentent le risque d'infection hématogène retardée.17
Si le diagnostic d'infection aiguë avec son tableau bruyant ne pose pas de difficulté, l'infection de prothèse indolente à germes peu virulents ou difficiles à cultiver peut être très difficile à diagnostiquer sur les données cliniques, radiologiques ou bactériologiques.
En cas d'infection postopératoire immédiate, le tableau clinique est généralement bruyant : tableau septique (fièvre, frissons), douleur aiguë de hanche, cicatrice opératoire inflammatoire voire bombante. En cas d'infection subaiguë ou chronique, le diagnostic clinique n'est pas toujours simple. Le signe le plus fréquemment retrouvé est la douleur à la mobilisation de l'articulation. Il existe parfois une fistule avec un écoulement. La fièvre est inhabituelle dans les infections chroniques tardives. L'asthénie est un symptôme fréquemment rencontré. Il n'est pas rare de constater un véritable syndrome dépressif réactionnel à une pathologie souvent chronique et invalidante.
I Numération formule sanguine : la polynucléose est inconstante.
I Protéine C-réactive (CRP) : une élévation transitoire et modérée de la CRP est observée après toute chirurgie de prothèse, avec un pic (pouvant dépasser 150 mg/l) au deuxième jour postopératoire, et une normalisation habituelle en sept jours. La persistance d'un taux élevé ou la réascenscion de la CRP doivent faire rechercher activement une complication infectieuse.18
I Vitesse de sédimentation (VS) : peu spécifique, la VS s'élève dans tout syndrome inflammatoire, sa variation dépend du taux de fibrinogène et de l'hématocrite. Au décours d'une intervention chirurgicale, la VS se normalise en sept à dix jours.
La CRP semble plus sensible et spécifique que la VS dans la détection et le suivi thérapeutique d'une infection de prothèse.18 Ces différents éléments sont importants non seulement pour l'orientation diagnostique mais aussi pour le suivi thérapeutique.
I Radiographie standard : les clichés radiologiques initiaux sont le plus souvent normaux. Habituellement les anomalies rencontrées sont un aspect de descellement, une apposition périostée, une ostéolyse localisée.
I Imagerie par résonance magnétique (IRM) et scanner : contre-indiqués ou ininterprétables en raison de la présence de matériel métallique, ils sont rarement utilisés dans le diagnostic d'infection de prothèse articulaire.
I Echographie : c'est un élément important du diagnostic, permettant non seulement d'objectiver la présence anormale de liquide articulaire mais aussi de faire une ponction à visée bactériologique.
I Fistulographie avec arthrographie : elle permet d'une part de suivre le trajet de la fistule et de mettre en évidence le descellement, et d'autre part d'effectuer un isolement bactériologique dans le liquide d'arthrographie.
I Scintigraphie osseuse : les traceurs actuellement utilisés pour la détection des foyers infectieux sont : le Gallium 67, les leucocytes autologues marqués à l'Indium-111 et le Technétium-99m. La scintigraphie au Technétium est utile pour orienter le diagnostic, mais a une spécificité médiocre, une hyperfixation étant retrouvée dans tous les cas d'hyperactvité ostéoblastique (descellement aseptique, réaction postopératoire banale). La scintigraphie au Gallium aurait une spécificité meilleure. La scintigraphie aux polynucléaires marqués à l'Indium-111, est de bonne sensibilité pour les infections aiguës, a une spécificité variant de 35 à 95% selon les séries. Ceci semble être amélioré par le couplage de cette technique à la scintigraphie au 99Tc.19,20 L'utilisation d'anticorps monoclonaux ou d'immunoglobulines associés à un traceur radioactif permet d'éviter les manipulations de sang du patient, mais les problèmes liés à la faible spécificité persistent. De plus, lors des infections chroniques, la sensibilité est diminuée.21 Enfin, la scintigraphie aux fluoroquinolones marquées est en cours d'évaluation.
La révision chirurgicale de la prothèse infectée apporte le diagnostic de certitude. Ce geste permet de visualiser l'aspect macroscopique du site, de faire des prélèvements profonds à visée bactériologique et anatomopathologique. L'antibioprophylaxie sera proscrite car elle risque d'empêcher la croissance bactérienne du prélèvement. Les prélèvements bactériologiques doivent être multiples, concernant les tissus périprothétiques et osseux. Ces prélèvements effectués en changeant d'instrument à chaque fois (afin d'éviter de contaminer les prélèvements entre eux) seront bien étiquetés (nature et site). L'ensemencement direct du liquide synovial dans des milieux de culture enrichis augmente les chances d'isolement et d'identification bactérienne.22 L'examen histopathologique extemporané de la synoviale permet le diagnostic d'atteinte inflammatoire aiguë avec une bonne spécificité (98%) mais une mauvaise sensibilité (25%) vis-à-vis de l'origine infectieuse.23,24 Cette technique paraît particulièrement utile pour guider le choix du geste chirurgical.
Bien que les chiffres varient selon les études, la prédominance du staphylocoque est constante dans les données de la littérature. Staphylococcus epidermidis semble prendre le pas sur Staphylococcus aureus dans plusieurs séries. Le streptocoque est régulièrement retrouvé, son origine est le plus souvent cutanée (érysipèle) ou maxillo-faciale (infection dentaire). Les bacilles Gram négatif viennent ensuite, ils sont le plus souvent d'origine uro-digestive. A noter «l'émergence» de germes longtemps considérés comme des contaminants, tels que les Propionibacterium dont la valeur pathogène est à présent reconnue.25
Des études expérimentales ont mis en évidence une adhérence préférentielle de S. epidermidis sur les biomatériaux polymériques, et de S. aureus sur les métaux et les tissus nécrotiques.26 Quel que soit le germe en cause, l'exceptionnelle résistance de ces infections à l'antibiothérapie s'explique d'une part par la constitution d'un biofilm exopolysaccharidique au sein duquel les colonies prolifèrent à la surface du biomatériel et d'autre part par la présence de bactéries en phase quiescente de réplication et donc insensibles aux antibiotiques. Il faut souligner la fréquence des infections plurimicrobiennes, avec parfois plusieurs souches différentes d'une même espèce.27
Parmi les descellements dits «aseptiques», il n'est pas rare de retrouver la présence de germes qui ne sont pas détectés par les méthodes usuelles. En utilisant la technique d'ultrasonication (permettant de «décrocher» les bactéries de la prothèse) et effectuant rapidement une culture en milieu anaérobie, la présence de germes a été retrouvée dans 22% des cas de descellements dits «aseptiques».25 La recherche par PCR de l'ARN 16S bactérien dans le liquide articulaire semblant prometteuse n'a pas été confirmée.28
Le but du traitement est d'éradiquer le processus infectieux et de rétablir le fonctionnement de l'articulation atteinte. Le principe général est celui d'un traitement chirurgical associé à une antibiothérapie longue.
Un débridement de tous les tissus infectés et un lavage de l'articulation sont effectués le plus souvent à ciel ouvert, parfois sous arthroscopie. Ce procédé est habituellement réservé aux infections postopératoires précoces (29-31 Selon une étude rétrospective récente, portant sur trente-trois infections de prothèse à Staphylococcus aureus (méticilline sensible dans 97% des cas), les patients traités par débridement et lavage plus de 48 heures après le début des signes cliniques (douleur, fièvre, dème) avaient un risque relatif d'échec d'environ 4.32 Initialement réservée aux seuls patients récusés pour la reprise chirurgicale, cette technique est actuellement proposée dans le traitement des infections de prothèse prises en charge très précocement par rapport au début des signes infectieux.33
La prothèse infectée est réséquée (en totalité ou en partie), avec un lavage articulaire et un curetage extensif (dit «carcinologique») des tissus macroscopiquement suspects. Puis dans le même temps opératoire, une prothèse est réimplantée avec le plus souvent un scellement par un ciment imprégné d'antibiotique. Il n'y a pas d'étude prospective contrôlée permettant de comparer cette technique aux autres. De plus les résultats de cette technique sont variables en fonction de l'opérateur. Les séries les plus optimistes rapportent un taux de succès de 84% avec un recul de plus de sept ans.34,35 Plus répandue en Europe qu'aux Etats-Unis, cette technique permet d'éviter l'alitement prolongé et la surmorbidité liés à la résection articulaire. Des résultats corrects peuvent être obtenus si l'antibiothérapie, débutée dès la réalisation des prélèvements peropératoires, est d'emblée dirigée contre les germes en cause (intérêt d'une documentation pré-opératoire par ponction radioguidée) et maintenue à des taux plasmatiques efficaces pendant six à douze semaines.
Il s'agit de l'ablation de tous les composants prothétiques, d'un nettoyage et curetage, associé à une résection de la tête et du col et une mise en place d'un espaceur («spacer») contenant des antibiotiques. Puis après plusieurs semaines d'antibiothérapie, une nouvelle intervention est réalisée avec implantation d'une nouvelle prothèse. Les résultats à long terme de cette méthode en font le traitement le plus efficace des infections de prothèse.36,37 «Gold standard» du traitement pour les Américains, cette méthode est créditée des meilleurs résultats dans les séries rétrospectives. Elle constitue la prise en charge la plus radicale des infections sur prothèse en permettant une période d'antibiothérapie en l'absence de matériel, ce qui, eu égard à la physiopathologie de ces infections, est théoriquement préférable. Il existe néanmoins des cas où cette technique est impossible : perte de substance osseuse compromettant une réimplantation en cas de résection temporaire, patients fragiles susceptibles de ne pas tolérer l'immobilisation. En outre, pour des raisons techniques, l'ablation totale du matériel n'est pas toujours possible.
Initialement considérée comme le seul traitement possible lors des infections de prothèse, cette technique n'est à présent utilisée que dans les situations désespérées (après échec de la reprise) et chez les patients au pronostic fonctionnel déjà compromis. La résection articulaire définitive n'est plus, heureusement, considérée comme le traitement de première intention des infections de prothèse. Elle demeure cependant la seule solution en cas de perte de substance osseuse interdisant une nouvelle prothèse ou d'infections à germes notoirement difficiles à éradiquer (MRSA, Pseudomonas spp, champignons). Elle reste indiquée chez les patients au pronostic fonctionnel réservé, tout en permettant une mobilité minimale de hanche luxée.
Celle-ci se fait au moyen de ciment ou de «billes» de polyméthylmétacrylate (PMMA) contenant un ou des antibiotiques. Lors de la mise en place de la prothèse, la polymérisation du ciment au niveau du tissu osseux se fait avec une libération de chaleur. Cette réaction exothermique crée régulièrement une nécrose osseuse avec une dévascularisation qui favoriserait l'infection. Cependant, le gain de solidité que confère le ciment à la prothèse rend son usage très répandu. L'adjonction d'antibiotiques (gentamicine, rifampicine) permet d'obtenir des concentrations locales élevées, en évitant théoriquement la toxicité systémique. Il n'y a pas d'étude contrôlée démontrant la supériorité du ciment antibiotique sur l'antibiothérapie générale. Les espaceurs (dispositifs polymériques placés dans l'os et l'espace laissé par la résection de la prothèse) sont largement utilisés, selon le même principe. Une étude prospective randomisée comparant l'antibiothérapie parentérale à l'utilisation de billes de PMMA imprégnées de gentamicine, dans vingt-deux infections de prothèse, n'a pas retrouvé de différence significative entre les deux groupes.38
Le traitement antibiotique systémique est considéré par tous les auteurs comme indispensable, quelle que soit la technique chirurgicale employée. Par analogie avec les endocardites, les principes du traitement reposent sur l'obtention de concentrations plasmatiques élevées et sur la durée prolongée. Cependant, les modalités précises (mono- ou bithérapie, voie parentérale ou orale, critères de surveillance, durée d'administration) sont loin d'être consensuelles. Au début du traitement, l'association d'antibiotiques est la règle pour éviter l'émergence de mutant résistant. En début de traitement, un aminoside est fréquemment utilisé dans cette association d'antibiotiques, afin d'une part d'éviter l'émergence de mutant résistant et d'autre part d'avoir une activité sur les bactéries quiescentes. La détermination de la distribution des antibiotiques dans le tissu osseux sain et pathologique se heurte à de nombreux problèmes de méthodologie dans les dosages.39,40 Dans l'infection de prothèse ostéo-articulaire, de bons résultats semblent être obtenus au prix de taux sériques notablement plus élevés que ceux recommandés pour des infections viscérales. La détermination du pouvoir bactéricide du sérum peut être intéressante.31
Le choix de la molécule dépend naturellement de la sensibilité in vitro des bactéries en cause, de sa stabilité vis-à-vis des mutations de résistance, de sa capacité de diffusion tissulaire, de sa toxicité et de sa tolérance, notions fondamentales dans la perspective d'un traitement de longue durée et le plus souvent à fortes concentrations. Tous les germes isolés en peropératoire (infection pluribactérienne fréquente) doivent être pris en compte.
Les bêta-lactamines, lorsqu'elles sont utilisables, restent les antibiotiques de première intention, associées aux aminosides si possible. En ce qui concerne ces derniers, l'administration quotidienne en deux doses reste habituelle : les fluoroquinolones (ofloxacine, péfloxacine), la rifampicine et les macrolides permettent des relais par voie orale dans les infections à staphylocoques sensibles. La rifampicine et les fluoroquinolones ont une bonne diffusion osseuse. La rifampicine semble particulièrement intéressante en présence de corps étrangers.41
Dans les infections à staphylocoques résistants à la méticilline, les glycopeptides restent souvent la seule solution thérapeutique. La vancomycine peut être admistrée en perfusion en continue (sur un dispositif veineux central en ambulatoire).42 Lors de l'utilisation d'un glycopeptide, il semble important d'utiliser de fortes posologies pour avoir une concentration résiduelle sérique supérieure à 25 mg/l.43 Les redoutables infections à Pseudomonas aeruginosa ne laissent souvent pas d'alternative à la voie parentérale, et il importe de «réserver» l'usage des fluoroquinolones (ciprofloxacine) à la phase de traitement «d'entretien», après réduction de l'inoculum bactérien. Les antibiotiques utilisables dans l'infection de prothèse ostéo-articulaire sont répertoriés dans le tableau 1.
La durée du traitement est longue. Les propositions de durée du traitement antibiotique en fonction du geste chirurgical peuvent être répertoriées ainsi :
I Si le matériel orthopédique a été retiré, six semaines d'antibiotiques peuvent suffire.
I En cas de remplacement prothétique en deux temps, la durée de l'antibiothérapie peut être raccourcie en utilisant le schéma suivant :
six semaines d'antibiotique après la pose de la prothèse puis arrêt ;
faire un nouveau bilan local et inflammatoire :
Si normal, reprise de la même antibiothérapie en peropératoire du deuxième temps après de multiples prélèvements :
si les prélèvements sont positifs : reprendre six semaines d'antibiotiques.
si les prélèvements sont négatifs à dix jours : arrêt ;
Si ce bilan est anormal, prélèvements radioguidés ± reprendre six semaines d'antibiotique.
I En cas de remplacement prothétique en un temps, une durée minimale de six semaines semble nécessaire après le geste. En cas d'isolement bactériologique pré-opératoire, il est souvent utile d'administrer des antibiotiques dans les deux semaines précédant le temps chirurgical.
I Si le matériel étranger est laissé en place, sont préconisées au moins six semaines d'antibiothérapie.
Le traitement optimum de l'infection de prothèse consiste en l'ablation de la prothèse, une antibiothérapie prolongée et, si possible, la réimplantation d'une nouvelle prothèse. Mais de nombreuses controverses à cette attitude maximaliste existent car d'autres attitudes thérapeutiques telles que le maintien de la prothèse avec débridement de tous les tissus infectés et un lavage de l'articulation ou le changement de prothèse en un temps semblent être efficaces. La figure 1 propose cas par cas une attitude médico-chirurgicale. Cette figure a été établie à partir de données de la littérature et de notre expérience clinique et ne propose que des suggestions thérapeutiques.
Prophylaxie primaire (tableau 2)
Le taux d'infection de prothèse articulaire a fortement diminué44 depuis :
I L'élimination préalable des foyers infectieux chroniques.
I L'utilisation systématique d'air filtré dans la salle d'opération.
I L'utilisation d'une antibioprophylaxie pré-opératoire.
Les foyers infectieux chroniques (dentaires, cutanés, urinaires, etc.) doivent être soigneusement recherchés et éliminés avant l'implantation d'une prothèse articulaire. Le fréquent renouvellement de l'air en association avec des filtres bactériologiques a permis de diminuer dans l'air des salles d'opération, le nombre de particules donnant naissance à des colonies bactériennes. Une étude randomisée comparant une dose d'antibiotique à trois doses n'a pas montré de différence. Il n'y a donc pas d'intérêt à répéter l'antibioprophylaxie.45
Prophylaxie secondaire
La littérature anglo-saxonne concernant l'administration systématique d'une antibioprophylaxie secondaire en cas de geste invasif chez les patients porteurs de matériel ostéo-articulaire est vaste, et le consensus américain ne préconise pas d'antibioprophylaxie systématique.46,47
En dépit d'une faible incidence, l'infection sur prothèse de hanche demeure un problème grave et difficile à traiter, aux conséquences lourdes tant pour le patient qu'en termes de santé publique. Il semble utile de proposer une antibioprophylaxie conventionnelle (durée inférieure à 48 heures et débutée une heure avant le geste) en cas de geste pouvant occasionner une bactériémie. Cette antibioprophylaxie est d'autant plus importante que la pose de prothèse articulaire est récente et que le patient présente un terrain à risque. Ceci semble aussi valable pour des patients ayant une prothèse présentant des signes de descellement avec un risque de greffe bactérienne.
L'arthroplastie a révolutionné le traitement des pathologies articulaires dégénératives ou inflammatoires mais l'infection de prothèse ostéo-articulaire demeure une complication redoutable, tant au niveau individuel qu'en termes de santé publique. Compte tenu de la possible efficacité du lavage articulaire avec conservation de l'arthroplastie, l'infection de prothèse ostéo-articulaire devrait être considérée comme une urgence chirurgico-médicale et ceci d'autant que les signes infectieux sont récents. Cette redoutable infection justifierait la mise en place d'une part d'une surveillance stricte (par analogie à la prothèse cardiaque, on pourrait envisager la délivrance d'une carte de porteur de prothèse articulaire et une stratégie consensuelle de diagnostic) et d'autre part d'essais prospectifs multidisciplinaires diagnostiques et thérapeutiques.