Les plantes, surtout si elles sont belles et vertes, jouissent de la faveur du public comme médicaments, en particulier parce qu'elles ne sauraient être toxiques : le créateur les a créées pour que l'homme les avale. Nos ancêtres (lointains) n'utilisaient quasiment que des plantes comme médicaments : plantes fraîches, séchées, sous forme de décoctions ou infusions ou teintures. Il faut bien admettre que la plupart de ces remèdes «ne guérissent jamais, soulagent parfois, mais consolent toujours».Parmi des millions d'espèces végétales, quelques-unes sont toxiques, et quelques autres ont sur l'homme des effets utiles. D'autre part, parmi les médicaments efficaces, très peu sont d'origine végétale moins qu'une dizaine parmi les 350 médicaments essentiels de la liste de l'OMS. Il y a cependant une «phytopharmacie» très abondante (et apparemment profitable). Ces produits sont admis à la vente comme médicaments, sans que les producteurs ne soient tenus de soumettre des preuves d'efficacité thérapeutique (telles qu'elles sont exigées pour tout médicament entièrement ou partiellement synthétique). Le domaine d'usage des médicaments dits naturels est celui des symptômes ou maladies qui guérissent tout seuls, mais aussi les maladies inguérissables, surtout dans leurs derniers stades. L'effet symptomatique s'il y en a un - est généralement le soulagement attendu par le consommateur.Plantes exotiques et «sagesse» des guérisseursPeut-être quelques plantes asiatiques ou africaines renferment-elles des substances potentiellement utiles en thérapeutique. Quelques-unes de ces plantes peuvent avoir été utilisées systématiquement par des systèmes de médecine particuliers ou même par les fameux guérisseurs africains, pour autant que ces derniers identifient correctement et/ou savent cultiver ces plantes bienfaisantes. Le nombre de telles plantes est naturellement restreint.Ainsi en Inde le Central Drug Research Institute à Lucknow a étudié jusqu'en 1980 quelques milliers de préparations herbales décrites dans le système médical très élaboré de l'Ayourveda : la recherche a abouti à trois médicaments utilisables. D'autre part et c'est là un fait exceptionnel une plante utilisée dans le système médicinal chinois, le quing-haosu, contient une substance efficace comme anti-malarique, l'artésiminine. Des préparations galéniques de la plante seraient également efficaces. De nombreuses plantes partout dans le monde contiennent des substances strogéniques sans jamais avoir été utilisées. Des plantes américaines mais aussi des champignons bien de chez nous renferment des hallucinogènes identifiés par des consommateurs en quête de sensations fortes ou bien par des prêtres. Plus fréquemment des plantes africaines renferment des substances utilisées comme ingrédients dans la fabrication de médicaments (ou de parfums ou même d'une huile non comestible, à laquelle on a attribué un effet bienfaisant sur les cheveux normaux).BiopiraterieLa chasse aux substances utilisables voire même de médicaments dans la flore africaine, entreprise par des entreprises ou des chercheurs européens ou américains, a conduit parfois à la découverte de plantes d'intérêt médical, qui rarement ont été connues dans leurs pays d'origine par des guérisseurs ou bien par la «sagesse du peuple», si leur effet est essentiellement psychotrope. Lorsque des entreprises occidentales cherchent à breveter en leur nom de telles plantes, il s'agit évidemment de biopiraterie.Cette qualification s'applique par exemple à :1. Un fongicide (anti-mycosique) trouvé dans les racines d'une plante malgache. On ignore toutefois si ce fongicide est plus ou moins efficace ou toxique que les nombreuses préparations (synthétiques) couramment utilisées.2. Un amphétaminoïde (substance diminuant la faim et augmentant la force) dans un cactus d'Afrique de Sud. Le cactus est utilisé dans son pays d'origine pour faciliter de longues marches. On ignore si le cactus ou la substance active qu'il paraît contenir a un avantage véritable sur les très nombreuses amphétamines synthétiques. Des biopirates qui investissent des moyens pour accaparer des plantes utiles en thérapeutique médicale tout en se préparant à commettre un délit font un pari risqué, même s'ils ne s'emparent que de produits considérés comme efficaces par la «sagesse populaire». Il n'y a aucune raison de croire que la sagesse populaire africaine soit plus pertinente que celle de nos ancêtres. Après tout, nous avons traîné des médicaments «traditionnels» inefficaces ou même toxiques pendant plus d'un siècle et nous en traînons encore. La biopiraterie pourrait bien promettre davantage de profit dans le domaine alimentaire, où elle sévit d'ailleurs.ConclusionsOn n'aide pas les peuples les plus pauvres en leur suggérant qu'ils possèdent des richesses pharmaceutiques dans leur flore et qu'il serait profitable pour eux de les rechercher. Quelques pays africains (Sénégal, Madagascar) l'ont essayé sans trop de succès.Les pays en développement ont besoin d'usines pharmaceutiques capables de copier et éventuellement d'améliorer des médicaments efficaces utilisés dans les pays riches et de se débarrasser des brevets pharmaceutiques qui les empêchent de soigner leurs malades. Ne pas satisfaire ce besoin est une biopiraterie bien plus grave que de vendre des plantes du tiers monde comme «médicaments» inefficaces ou comme cosmétiques.