Jusqu'à récemment, les conseils dispensés par les médecins de premier recours formés au soutien à l'arrêt tabagique, bien que plus fréquents et plus adéquats que ceux de leurs confrères non formés, n'étaient pas d'une efficacité clinique suffisante pour espérer un impact notable sur l'évolution des patients fumeurs. Mais en s'en donnant les moyens, en prévention clinique comme dans d'autres disciplines, les pratiques médicales peuvent s'améliorer.Une équipe de préventologues romands démontre en effet qu'une formation bien conçue permet aux médecins d'enregistrer un succès mesurable dans leurs conseils antitabagiques (Ann Intern Med 2002 ; 136 : 429-37). L'équipe vaudoise et genevoise, composée de Jacques Cornuz, Jean-Paul Humair, Laurence Seematter, Rebecca Stoianov, Guy van Melle, Hans Stalder et Alain Pécoud, a procédé à un essai comparatif randomisé de l'efficacité des médecins formés et non formés dans leurs conseils antitabagiques.La formation retenue n'était pas de type didactique, comme dans beaucoup d'études, mais consistait en deux demi-journées vouées à l'acquisition de savoir-faire pratiques, avec exercices et patients standardisés. L'objectif de cet apprentissage étant de pouvoir offrir une aide adéquate et ciblée aux patients, en tenant compte de leur degré de préparation (les classiques «stades du changement»).Trente-cinq médecins assistants des services de médecine ambulatoire vaudois et genevois ont été inclus dans l'étude et randomisés en deux groupes. Le groupe d'intervention a suivi la formation en conseil tabagique, tandis que le groupe de contrôle a participé à un module de même format sur la gestion de la dyslipidémie. L'existence de l'étude n'a pas été révélée. Les participants ont uniquement été avertis que leurs patients seraient interrogés pour une étude sur les risques cardiovasculaires. En évitant ainsi des biais d'intervention, les chercheurs ont ainsi pu mesurer l'impact de la formation dispensée sur 251 patients pris en charge par les médecins des deux groupes.Le résultat, en bref : un an plus tard, la proportion des patients rapportant une abstinence totale durant la semaine précédente était significativement plus élevée parmi les patients des médecins formés que parmi les autres (13% vs 5%). La volonté d'arrêter était également plus marquée chez les patients du groupe d'intervention (94% vs 80%).Les auteurs en tirent plusieurs enseignements. D'abord, une formation centrée sur la pratique (jeux de rôles, patients standardisés) peut donner aux médecins des compétences immédiatement applicables, notamment en matière de prévention. Ensuite, les années d'assistanat conviennent particulièrement bien à ce type de formation, avec l'avantage de créer des savoir-faire qui pourront être utilisés tout au long d'une carrière. Enfin, un bénéfice clinique mesurable a été obtenu par amélioration du processus de soins. Aux Etats-Unis, la recherche de stratégies de formation des médecins efficaces fait partie des priorités fixées par les Clinical Practice Guidelines. L'étude romande tend à confirmer la valeur de cette approche.