S'il respecte les formes diplomatiques, le dernier rapport du Comité consultatif mondial sur la sécurité des vaccins que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) vient de rendre public constitue bel et bien une sévère admonestation à l'égard des autorités sanitaires françaises. Au chapitre «vaccin contre l'hépatite B et sclérose en plaques», l'OMS rappelle que ce vaccin a, en France, été largement utilisé et que plus de 20 millions de personnes sont, dans notre pays, immunisées.
«Plusieurs cas ont donné à penser que ce vaccin pouvait être associé à des cas nouveaux ou à des rechutes de sclérose en plaques, peut-on lire dans ce document. Face à l'inquiétude des milieux professionnels et du grand public, le ministère de la Santé a provisoirement suspendu le 1er octobre 1998 le programme de vaccination des adolescents contre l'hépatite B dans les collèges. Il n'est toutefois pas revenu sur la recommandation de vacciner tous les nourrissons d'une part et les adultes à risque d'autre part, et a réaffirmé son soutien à la vaccination des adolescents. Cette décision a été mal comprise et interprétée comme une condamnation de cette vaccination alarmant de ce fait les opinions publiques dans d'autres pays.»
En écho aux critiques émanant de Genève, depuis la rue Bonaparte à Paris, l'Académie nationale de médecine a tenu à redire, solennellement, quelques vérités à l'adresse de la Direction générale de la santé et de l'opinion. Cette initiative, prise à l'unanimité lors de la séance du 3 décembre a, précise-t-on auprès de l'Académie, été prise au vu de «la campagne menée actuellement contre les vaccinations en général et plus particulièrement celle qui concerne l'hépatite B.» Elle tient compte également de «l'inquiétude et des incertitudes de l'opinion» sur ce sujet.
«L'intérêt d'une vaccination ne peut s'apprécier que par la comparaison entre son efficacité, son innocuité et ses inconvénients éventuels, rappellent les membres de l'Académie de médecine. L'efficacité de la vaccination contre l'hépatite B est certaine, atteignant des proportions égales ou supérieures à 90%. Sont ainsi évitées des complications tardives de cette affection telles que les cirrhoses et le cancer primitif du foie.»
Ils ajoutent que «le lien entre cette vaccination et les accidents neurologiques qui lui sont attribués par certains, fait l'objet de controverses» mais «qu'aucune des études effectuées n'a permis de retenir la responsabilité du vaccin» et soulignent qu'en mai 2002 l'Académie des sciences américaine a rejeté l'hypothèse d'une relation causale entre vaccination contre l'hépatite B et la survenue de sclérose en plaques ou de poussées de cette affection neurologique. Cette hypothèse est également réfutée par la plupart des spécialistes français de neurologie et de vaccinologie et d'épidémiologie. «Dans cette malheureuse affaire, on confond tout simplement la notion de coïncidence avec celle de lien de causalité» a résumé, dans les colonnes du Monde, le Pr Emile Aron, membre de l'Académie de médecine.
«Tant auprès de l'OMS que de nos collègues étrangers, la France apparaît comme une véritable incongruité dans le paysage sanitaire international, ajoute dans les mêmes colonnes, le Dr Alain Fisch, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales (Hôpital de Villeneuve-Saint-Georges). Après avoir été les premiers à mettre au point un vaccin contre l'hépatite B dont on a démontré qu'il pouvait prévenir l'apparition du cancer primitif du foie, nous n'avons plus, dans ce domaine, de leçon à donner au monde.»
«Vingt-neuf millions de Français ont été vaccinés contre l'hépatite B au milieu des années 1990. Même si ce chiffre est à rapprocher des quelque 2000 nouveaux cas de sclérose en plaques qui apparaissent chaque année en France, certains neurologues, et c'est tout le mérite de l'école de La Salpêtrière à Paris, ont été frappés par l'apparition de sclérose en plaques chez des personnes jusqu'alors en bonne santé et qui avaient été vaccinées peu de temps auparavant» rappelle pour sa part le Pr Christian Confavreux (Hôpital neurologique, Lyon) dans le dernier numéro de La Revue du Praticien.
Aujourd'hui, le constat est frappant : moins de 30% des nourrissons français sont vaccinés contre l'hépatite B et la plupart des jeunes qui entrent dans l'adolescence ne le sont plus et ce alors même que tous les travaux épidémiologiques entrepris depuis quatre ans n'ont pas retrouvé l'existence d'un lien de causalité. Reprenant la totalité de ces travaux, les experts de l'OMS concluent que «l'explication la plus plausible est qu'il s'agit d'une coïncidence.» Comment, dès lors, la situation française va-t-elle évoluer ? Le temps n'est plus, on le sait, à l'instauration de nouvelles obligations vaccinales, les autorités sanitaires plus que prudentes se bornant en la matière à de simples recommandations. Dans l'Hexagone, aucune prise de parole officielle de ces autorités, aucune initiative, tous les responsables semblant tétanisés à l'idée de pouvoir devenir la cible d'actions associatives ou de plaintes en justice. C'est si vrai que la France ne cesse de reculer la date à partir de laquelle pourra être commercialisé le vaccin hexavalent qui protégera à la fois contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la poliomyélite, ainsi que les infections par Haemophilus influezae et par le virus de l'hépatite B. L'irrationnel est-il une pathologie ? Si oui, quelle est la meilleure des conduites thérapeutiques à tenir ? Nous attendons sur ce thème les réponses que nous transmettrons à qui de droit.