Les principaux développements du traitement de la maladie de Crohn proviennent de l'arrivée progressive sur le marché des traitements biologiques. Pour l'instant, ces traitements consistent principalement en l'administration intraveineuse ou sous-cutanée de protéines. Ces dernières sont soit des protéines recombinantes humaines possédant des propriétés immunorégulatrices, soit des anticorps monoclonaux, soit enfin des protéines de fusion.
Un article de revue fait le point sur les maladies inflammatoires de l'intestin avec un accent sur les avances dans la compréhension de la pathogenèse de la maladie.1
La prise en charge du traitement aigu de la maladie de Crohn est résumée dans le tableau 1.
Inhibiteurs du TNF-a
Infliximab
Plusieurs groupes rapportent leur expérience avec l'infliximab.2-5 Leurs résultats confirment les études précédentes (taux de réponse entre 55 et 80% et rémission complète chez environ un tiers des patients). Le taux de réponse était plus élevé dans une étude lorsque l'infliximab était associé au méthotrexate.2 Plusieurs études se sont attachées à définir les critères de bonne réponse à l'infliximab.6-8 Le fait de ne pas fumer, l'utilisation concomitante d'immunomodulateurs, le jeune âge et le Crohn colique prédisaient la réponse à l'infliximab. Par ailleurs, dans la maladie de Crohn fistulisante, un taux élevé de TNF-a prédisait la non-réponse à l'infliximab. Les mutations du gène CARD15 n'influencent pas la réponse à l'infliximab.9 De plus, il semble qu'il vaille mieux effectuer plusieurs perfusions initiales afin de prévenir les réactions systémiques. En effet, ces dernières sont les plus sévères lors d'une seconde perfusion à distance de la première.10 Parmi les complications liées à l'infliximab, neuf cas d'histoplasmose ont été rapportés.11 Ali et coll. décrivent un cas de lupus érythémateux disséminé (LED).12 Jusqu'à ce jour, six cas de LED ont été enregistrés chez Centocor.
Autres agents anti-TNF-a
Un autre moyen d'inhiber le TNF-a est d'empêcher l'activation de son gène. En effet, le CNI-1493 est une molécule qui inhibe les AMP kinases qui sont des enzymes jouant un rôle-clé dans la régulation de processus cellulaires tels que l'expression des gènes ou la prolifération cellulaire. Une étude préliminaire rapporte des résultats encourageants avec cette molécule.13 L'inhibition de ces enzymes semble toutefois être associée à une toxicité hépatique non rapportée dans le papier de Hommes et coll.
Autres agents biologiques
L'alicaforsen (ISIS 2302) inhibe l'orientation des lymphocytes vers la muqueuse intestinale, étant lui-même un anti-sens aux molécules-1 d'adhésion intercellulaire (ICAM-1). Une étude randomisée contrôlée avec placebo chez 299 patients avec une maladie active stéroïdes-dépendante montre des résultats globalement négatifs avec la dose utilisée d'alicaforsen (2 mg/kg i.v. 3 x/sem.).14
IL-10
Les résultats concernant l'utilisation d'IL-10 dans le traitement de la maladie de Crohn ont été jusqu'à ce jour décevants. Ce manque d'efficacité pourrait être dû à l'induction de cytokines pro-inflammatoires. En effet, à la dose de 20 mg/kg, l'IL-10 induit l'interféron-g.15
Le traitement d'entretien de la maladie de Crohn est résumé dans le tableau 2.
Infliximab
Nous avons mentionné l'année dernière les résultats parus sous forme d'abstract de l'étude ACCENT I (A Crohn's Disease Clinical Trial Evaluating Infliximab in a New Long Term Treatment Regimen). Cette étude a maintenant été publiée.16 Elle démontre que les patients avec maladie de Crohn ayant répondu à une dose initiale d'infliximab ont plus de chance d'être en rémission après 30 et 54 semaines et de pouvoir arrêter les stéroïdes si le traitement d'infliximab est maintenu toutes les huit semaines.
Les résultats de l'étude ACCENT II dans la maladie de Crohn fistulisante ont été présentés sous forme d'abstract lors de la dernière réunion de l'Association américaine de gastro-entérologie à San Francisco.17 306 patients ont reçu trois doses initiales d'infliximab. Les répondeurs (69%) ont été par la suite randomisés pour recevoir de l'infliximab ou un placebo toutes les huit semaines. A 54 semaines, 36% répondaient toujours au traitement dans le groupe recevant de l'infliximab contre 19% dans le groupe placebo.
Analogues de la thiopurine
Le bénéfice thérapeutique des analogues de la thiopurine (azathioprine et 6-mercaptopurine) est maintenant bien établi. En effet, une revue sur 30 ans portant sur 622 patients avec une maladie inflammatoire de l'intestin (272 maladies de Crohn) traités par azathioprine montre que la proportion des patients restant en rémission après cinq ans est de 55%.18 Les chances de rester en rémission sont plus grandes si le taux de globules blancs est inférieur à 5 x 109/ ml et chez les patients de sexe masculin. Comme l'azathioprine interagit avec le métabolisme des purines, il pourrait avoir potentiellement des effets mutagènes. Ce potentiel n'a encore jamais été démontré à ce jour. En fait, Fraser et coll. démontre l'absence de risque accru de cancer chez des patients traités par l'azathioprine après un suivi moyen de près de sept ans.19 De plus, une étude sur 23 patients traités par l'azathioprine ne démontre pas d'altération du sperme ou de la fertilité chez l'homme.20 Une étude pilote révèle que l'usage concomitant d'analogues de la thiopurine et d'infliximab prolonge l'effet de l'infliximab sur la fermeture des fistules.21 Des études contrôlées à plus grande échelle devraient être entreprises afin de confirmer ces résultats. Malgré ces bons résultats, environ 40% des patients avec maladies inflammatoires de l'intestin ne répondent pas à l'azathioprine/6-mercaptopurine. Il a été proposé chez ces patients de doser les 6-thioguanines (6-TG) dans les érythrocytes. Le seuil thérapeutique est défini comme étant supérieur à 250 pmol/8 x 108 érythrocytes Certains patients forment de manière préférentielle des ribonucléotides de 6-méthylmercaptopurine (6-MMPR) en lieu et place des 6-TG.22 Il serait donc théoriquement intéressant chez ces patients de pouvoir leur prescrire directement de la thioguanine. Une étude pilote a précisément testé cette hypothèse en prescrivant de la thioguanine à dix patients avec maladie de Crohn résistant à la 6-mercaptopurine.23 Après 16 semaines de traitement, sept patients sur les dix étaient en rémission. Malheureusement, ce médicament est actuellement en rupture de stock. Sa possible toxicité hépatique et son efficacité dans la maladie de Crohn restent à définir.
Mycophénolate mofétil
Nous avions mentionné l'an dernier la possibilité d'utiliser le mycophénolate mofétil (MMF) lors d'échec d'introduction de l'azathioprine/6-mercaptopurine ou du méthotrexate.
Une étude démontre que dans cette situation le taux de succès n'est que de 20% et que le traitement est mal toléré dans 25% des cas.24 Des résultats similaires sont obtenus par Skelly et coll.25 Le MMF ne devrait être utilisé que dans le cadre d'études randomisées contrôlées.
Probiotiques
Un rôle de la flore intestinale dans le développement de la maladie de Crohn est généralement admis. Toute une recherche s'est donc développée autour des probiotiques dans l'espoir de pouvoir modifier cette flore bactérienne et ainsi prévenir la récidive de la maladie. Une étude italienne randomisée contrôlée avec placebo démontre toutefois l'inefficacité du Lactobacillus GG dans la prévention de la récidive de la maladie de Crohn après résection chirurgicale.26 Malgré ces résultats négatifs, l'incubation de tissu intestinal enflammé, provenant de résection chirurgicale de patients avec maladie de Crohn, avec des probiotiques diminue la production de TNF-a et la population de lymphocytes CD4.27 Cette étude démontre ainsi qu'il existe un dialogue entre les bactéries et la muqueuse intestinale et que certaines bactéries peuvent diminuer le degré d'activation des lymphocytes intestinaux.
Perspectives
La greffe autologue de moelle osseuse est certainement une des approches les plus novatrices de la maladie de Crohn. En effet, deux études rapportent les résultats spectaculaires obtenus chez trois patients avec maladie de Crohn.28,29 Une patiente était en rémission clinique et endoscopique sans traitement cinq ans après la greffe.28 Deux autres patients étaient en rémission un an après la greffe.29 Il convient bien sûr d'attendre de plus amples résultats mais ce type d'approche pourrait constituer un espoir pour quelques cas gravissimes.
Gènes et maladie de Crohn
Les trois mutations décrites du gène NOD2/ CARD15 rendent compte d'environ 15-20% des maladies de Crohn. Cela semble être le cas surtout dans les populations caucasiennes. En effet, les mutations de NOD2/CARD15 étaient absentes chez 483 patients japonais souffrant de maladie de Crohn.30 Par contre, nous avions mentionné l'an dernier qu'il serait possible dans le futur, grâce à la recherche de ces mutations, de prédire le comportement clinique de la maladie. Une première étude montre que les mutations du gène NOD2/CARD15 sont associées à une maladie fibro-sténosante.31
Les recommandations dans la prise en charge de la colite ulcéreuse et sa prévention n'ont pas été modifiées de façon significative en 2002. Les importants progrès réalisés dans la compréhension physiopathologique, génétique, et dans la prise en charge thérapeutique de la maladie de Crohn ces dernières années sont toujours en attente dans la colite ulcéreuse.
Les tableaux 3 et 4 résument nos propositions de traitement et de prévention de la colite ulcéreuse. L'espérance que l'infliximab puisse représenter une arme thérapeutique aussi efficace que dans la maladie de Crohn n'est pour l'instant pas confirmée, en particulier dans la seule étude contrôlée à disposition.32 La place des traitements alternatifs, en particulier les probiotiques, est peut-être encourageante, mais ne modifie pas encore la prise en charge quotidienne des patients.
La mésalazine et les substances comparables demeurent les traitements de première intention dans les colites légères et modérées, en application locale dans la proctite et la recto-sigmoïdite, en application locale et orale dans la colite gauche ou totale, avec passage au traitement corticoïde en cas de non-réponse. Les corticoïdes sont le traitement de première intention des formes sévères avec dans la forme fulminante l'administration de ciclosporine en cas de non-réponse aux corticoïdes de façon à éviter une colectomie en urgence. Les immunosuppresseurs doivent être prématurément proposés en cas de colite réfractaire aux corticoïdes, corticodépendante, ou à récidives fréquentes malgré l'administration préventive de mésalazine.
Plusieurs revues sur les maladies inflammatoires intestinales méritent d'être signalées ; elles font le point sur les données récentes de la compréhension physiopathologique, génétique, sur l'utilisation des marqueurs parfois utiles dans le diagnostic différentiel (pANCA, ASCA) et sur les traitements actuels.33,34
La colite ulcéreuse fait l'objet d'une revue utile sur les acquisitions récentes dans la pathogenèse de la maladie, le rôle des facteurs environnementaux, microbiens et génétiques. Les auteurs proposent une stratégie de surveillance bien précisée après huit ans d'évolution (fréquence des colonoscopies et nombre de biopsies ; attitude en cas de dysplasie).35 Les recommandations thérapeutiques précises et complètes de précédentes revues demeurent d'actualité.36,37
Information du patient
La colite ulcéreuse est une maladie chronique récidivante. Le self-management par le patient a été bien développé dans d'autres pathologies chroniques, par exemple l'asthme et le diabète. Cette approche, en partie autogérée par le patient, a été, du moins, jusqu'ici moins bien développée dans les maladies inflammatoires intestinales. Une telle approche fait l'objet d'une étude contrôlée intéressante (N = 203 patients). Les patients ont été randomisés dans un groupe recevant une information détaillée sur la maladie et l'attitude thérapeutique immédiate à adopter en cas de récidive ; le second groupe était suivi à intervalles fixes sans possibilité d'engager d'emblée un traitement avant un contrôle médical. La fréquence des récidives fut comme on pouvait s'y attendre identique dans les deux groupes mais la durée de la récidive et le coût induit par la prise en charge furent inférieurs dans le groupe «autogéré» ; de plus, les patients ont manifesté leur préférence pour le self-management des récidives.38
Il faut cependant souligner que cette étude a été conduite dans un environnement médical (Angleterre) où l'accès rapide et la disponibilité des gastro-entérologues sont probablement moindres qu'en Suisse ou en France. Elle souligne cependant l'importance de l'information donnée et acquise par le patient. Nos patients semblent en effet, du moins selon les résultats d'une étude effectuée en Irlande, dramatiquement peu informés sur leur maladie : environ 40% des patients ignorent son caractère chronique à long terme, sa localisation exacte, son association à un risque de développement d'un cancer colorectal ; la majorité des patients ne connaissent pas les effets secondaires potentiels de la mésalazine et des corticoïdes.39
Mésalazine
Les modalités de traitement par la mésalazine par voie orale et rectale ont été régulièrement précisées ces dernières années dans les acquisitions thérapeutiques. Deux revues détaillées rappellent les résultats importants disponibles : la dose totale administrée est déterminante ; 2 g sont supérieurs au placebo ; 3-4,8 g sont plus efficaces que des doses inférieures ; il n'existe pas de données suffisantes pour prétendre qu'une préparation est supérieure à une autre.40,41 La balsalazide fait également l'objet d'une revue détaillée.42
La mésalazine par voie locale pose souvent des problèmes de compliance. Sous forme de mousse, la mésalazine (2 g) semble aussi efficace qu'une forme liquide (4 g) (étude contrôlée ; N = 250 patients).43
La balsalazide est une substance activée uniquement dans le côlon après libération de sa molécule associée (4-aminobenzoyl-B-alanine), par analogie avec la sulfasalazine. A haute dose (6,75 g), elle semble plus efficace que la mésalazine (étude contrôlée ; N = 154 patients) mais la dose de mésalazine utilisée (2,4 g), est inférieure aux recommandations actuelles.44 La balsalazide (6,75 g) est d'efficacité identique à la sulfasalazine (3 g) avec, évidemment, une tolérance meilleure (étude contrôlée ; N = 57 patients).45 Dans la prévention de la colite ulcéreuse, la balsalazide à haute dose (3 g) est supérieure à la mésalazine à dose «normale» (1,5 g) (étude contrôlée ; N = 133 patients).46 Il faut cependant rappeler que plusieurs auteurs admettent que la dose préventive efficace de mésalazine est identique à la dose nécessaire pour obtenir la rémission, comme nous l'avons souligné ces dernières années.47-49 La détermination du dosage optimal de mésalazine, et des substances comparables, y compris la balsalazide, demeure donc discutée.50
Les effets secondaires potentiels de la mésalazine ont été régulièrement signalés ces dernières années. Il est définitivement établi que la mésalazine doit être préférée à la sulfasalazine, l'incidence d'effets secondaires étant inférieure (environ 20% versus 6,5% ; étude rétrospective ; N = 685 patients).51 La toxicité rénale semble négligeable comme déjà mentionné,52 ce que confirment deux études.53,54 Le polymorphisme génétique détermine des acétylateurs rapides et lents des 5-aminosalicylates ; la détermination du type d'acétylateurs ne semble cependant pas permettre de prédire l'incidence de toxicité induite par la mésalazine.55
Corticoïdes
Les corticoïdes représentent le traitement nécessaire des formes modérées ne répondant pas à la mésalazine et des formes sévères de colite ulcéreuse. Le budésonide, utilisé plutôt dans la maladie de Crohn, libéré par voie orale de façon prédominante au niveau du grêle distal et du côlon droit fait l'objet de deux revues.56,57 Son efficacité par voie locale est admise sans confirmation jusqu'ici d'une utilisation par voie orale. Le targeting delivering, au niveau du côlon, de la prednisolone est un concept séduisant mais son efficacité n'est pas confirmée dans une étude contrôlée (N = 33 patients).58
La nécessité de la prévention des effets secondaires sur l'os des corticoïdes est reconnue et est impérative dès le premier traitement. Nous recommandons une minéralométrie de base en début d'évolution des maladies inflammatoires intestinales et une supplémentation de calcium et de vitamine D. Une diminution de la densité minérale osseuse peut déjà être observée après huit semaines de traitement de prednisone.59
Immunosuppresseurs
Azathioprine et 6-mercaptopurine
L'azathioprine et la 6-mercaptopurine représentent les traitements immunosuppresseurs préventifs de la colite ulcéreuse récidivante ou corticodépendante. Une étude prospective a comparé des patients avec colite ulcéreuse ou maladie de Crohn corticodépendante ou corticorésistante ; elle révèle un sevrage plus élevé de corticoïdes (59%) dans la colite ulcéreuse.60 Une étude rétrospective, sur plus de 30 ans (n = 346 patients), montre que la moitié des patients traités restait en rémission après cinq ans et que la récidive après arrêt de l'azathioprine était de 40% à un an et de 60% à deux ans.18 La probabilité de rester en rémission est augmentée si le patient a moins de 5 x 109 leucocytes/ml et un MCV augmenté, ce qui reflète probablement un dosage adéquat du médicament.
L'efficacité de ces traitements immunosuppresseurs dans les colites distales résistantes aux stéroïdes et aminosalicylés est moins bien établie ; dans une étude rétrospective (n = 52 patients), elle apparaît moins bonne et associée à une toxicité plus élevée.61
Le risque de développer un cancer colorectal ou une autre tumeur après un traitement prolongé (moyenne 27 mois) d'azathioprine n'est pas augmenté selon une étude comportant un grand collectif (n = 624 patients) qui semble confirmer que ce traitement peut être proposé au long cours.19
Méthotrexate
Le méthotrexate est un traitement efficace dans la maladie de Crohn; dans la colite ulcéreuse, son bénéfice n'a pas été clairement démontré.62 Dans une étude ouverte limitée (n = 10 patients intolérants ou réfractaires à un traitement d'azathioprine), le méthotrexate a permis une rémission chez six patients.63 D'autres études avec des collectifs plus importants et un suivi prolongé sont nécessaires pour déterminer la place du méthotrexate dans la colite ulcéreuse.
Infliximab
«Many unanswered questions» : tel est le titre d'un éditorial concernant l'infliximab dans la colite ulcéreuse, et qui résume bien la situation actuelle.64
Nous avions mentionné en 2002 les recommandations européennes concernant l'utilisation des facteurs anti-TNF dans les maladies inflammatoires intestinales.65 Pour la colite ulcéreuse, ces recommandations restent pour l'essentiel d'actualité. En effet, l'espoir que l'infliximab exerce un effet aussi favorable dans la colite ulcéreuse que dans la maladie de Crohn n'est malheureusement, du moins pour l'instant, pas confirmé.
Les deux études contrôlées disponibles sont relativement limitées si on les compare à celles effectuées dans la maladie de Crohn. L'infliximab (5 mg/kg aux semaines 0 et 2) n'est pas supérieur au placebo dans une étude contrôlée en cas de colite ulcéreuse réfractaire aux corticoïdes (n = 42 patients).32 Dans la colite ulcéreuse sévère, l'infliximab (5 mg/kg aux semaines 0-2-6) ne se révèle pas supérieur à la prednisolone dans une étude contrôlée (N = 12 patients).66 Les autres publications à disposition font état de résultats plus favorables mais sont non contrôlés avec un taux de réponse de 40 à 87% !67-72
En résumé, nous estimons que l'utilisation de l'infliximab dans la colite ulcéreuse devrait en principe être réservée aux protocoles en cours. Un tel protocole sera disponible dans la Division de gastro-entérologie et d'hépatologie de Lausanne dès le début 2003.a
Ciclosporine
Le traitement de la colite ulcéreuse fulminante et la place de la ciclosporine dans cette situation font l'objet d'une revue détaillée utile ; un schéma précis de prise en charge est proposé.73 L'étude princeps ayant démontré que la ciclosporine permet de surseoir à une colectomie en urgence n'a pas été remise en cause mais n'a pas été non plus confirmée.74 L'utilisation de la ciclosporine seule dans la colite ulcéreuse sévère avait été proposée mais avait fait l'objet déjà d'un éditorial critique.75 Une étude rétrospective confirme que la réponse initiale à ce traitement peut être bonne (70% de réponse immédiate et 50% de rémission à trois mois) ; cependant, seule une minorité de patients (25%) bénéficient d'une rémission prolongée.76 Au vu des nombreux effets secondaires, notamment rénaux, l'emploi de ce médicament au long cours reste difficilement recommandable.
Probiotiques et antibiotiques
Les probiotiques et antibiotiques n'ont pas fait l'objet de publication nouvelle significative.
La ciprofloxacine associée aux corticostéroïdes dans la colite ulcéreuse sévère n'améliore pas le pronostic, comme déjà mentionné.77 Le rifaximin, antibiotique non réabsorbé, semble exercer un effet favorable mais il s'agit d'une étude non contrôlée demandant confirmation.78 Dans la prévention de la rechute, le Lactobacillus GG semble aussi efficace que la mésalazine dans une étude contrôlée, mais limitée (N = 36 patients).79 En cas de confirmation, il pourrait s'agir d'une approche alternative en cas d'intolérance ou d'inefficacité de la mésalazine.
Plusieurs approches thérapeutiques alternatives font l'objet de publications, comme ces dernières années, ne permettant pas cependant le plus souvent de recommandations pratiques immédiates.
L'aphérèse leucocytaire semble efficace dans une étude non contrôlée à collectif limité (N = 31 patients) mais nécessite des séances hebdomadaires.80 L'héparine, comme déjà mentionné précédemment, ne représente pas à notre avis une alternative à retenir au vu d'une efficacité douteuse et d'effets secondaires potentiellement graves.81 L'interféron bêta-1A (3 mioU 3 x/semaines) fait l'objet d'une étude de phase II prometteuse mais nécessitant confirmation.82 Le natalizumab, anticorps recombinant anti-a4 intégrine (qui favorise la migration leucocytaire), n'exerce qu'un effet de courte durée dans une étude ouverte.83 L'octréotide, qui exerce également un certain effet immuno-inhibiteur n'est pas supérieur au placebo.84 Un inhibiteur de la tryptase (synthétisée en particulier par les mastocytes) n'exerce pas d'effet significatif dans une étude ouverte.85 Le ridogrel, inhibiteur de la synthèse de la thromboxane, n'est pas supérieur au placebo.86
La fertilité des patientes ayant une colite ulcéreuse n'est pas différente de celle de la population générale. En revanche, suite à une colectomie (surtout avec une anastomose iléo-anale), cette fertilité est réduite de façon significative. En cas de désir de grossesse, une intervention chirurgicale devrait être différée dans la mesure du possible.87
Les patients ayant une colite ulcéreuse ont une incidence accrue de troubles psychiques (dépression, anxiété, etc.) par rapport à la population générale. Ces troubles interfèrent négativement sur la qualité de vie des patients et ceci quelle que soit la sévérité de la colite ulcéreuse. La recherche de ces troubles et leur traitement semblent importants pour améliorer la qualité de vie.88
Le traitement de l'inflammation chronique du réservoir grêle après colectomie totale est souvent associé à des difficultés thérapeutiques importantes.
L'efficacité d'une bactériothérapie combinée (Lactobacillus ; Bifidobacterium, Streptococus salivarius) a été mentionnée l'an passé ;89 cette approche peut être proposée aux patients ne répondant pas aux autres traitements usuels. Le budésonide en lavement est aussi efficace que le métronidazole dans une étude contrôlée (N = 26 patients) et représente une alternative au métronidazole en cas d'intolérance.90 La ciprofloxacine semble légèrement plus efficace que le métronidazole dans une étude contrôlée (N = 16 patients) et est mieux tolérée.91 L'infliximab fait l'objet d'une étude pilote dans la pochite sévère réfractaire, certes limitée (N = 6 patients), mais encourageante avec une excellente réponse chez tous les patients ; une telle approche peut être envisagée comme traitement de dernière chance.92
Le risque de développer un cancer colorectal dans la colite ulcéreuse est bien établi et justifie une surveillance endoscopique pour le dépistage des dysplasies.93 Une méta-analyse confirme que les patients avec cholangite sclérosante associée à la colite ulcéreuse (2,5 à 5% des cas) présentent un risque de développer un cancer colorectal significativement augmenté et nécessitent une surveillance accrue.94
Les recommandations que nous proposons déjà depuis plusieurs années pour cette surveillance demeurent inchangées : surveillance endoscopique annuelle avec des biopsies étagées multiples dans la colite ulcéreuse étendue après huit ans d'évolution de la maladie.
Aucune modification thérapeutique majeure n'est apparue ces dernières années dans la colite ulcéreuse. Nos propositions de traitement, résumées dans les tableaux 3 et 4, demeurent valables.
I La mésalazine demeure le traitement de première intention dans les colites légères et modérées et dans la prévention de la colite ulcéreuse. Il n'existe pas d'argument définitif permettant de préférer une préparation à une autre. Sa néphrotoxicité doit être surveillée mais semble d'importance limitée.
I La place des corticoïdes demeure identique. L'efficacité des nouveaux corticoïdes, en particulier le budésonide, est essentiellement limitée à l'administration locale. La prévention des effets ostéopéniques des corticoïdes est impérative dès leur première utilisation.
I Les probiotiques, antibiotiques et corticoïdes locaux, en particulier le budésonide, représentent les alternatives thérapeutiques en cas de pochite.
I L'infliximab ne confirme pas dans les études contrôlées les résultats prometteurs des études ouvertes ; son utilisation est réservée aux études contrôlées en cours ou en traitement de dernière instance en cas de colite réfractaire aux autres traitements. Son utilisation en dernier recours peut se discuter dans la pochite sévère réfractaire.
I Les autres traitements alternatifs multiples (héparine, interféron, octréotide, ridogrel, etc.), n'apportent pas d'éléments thérapeutiques significatifs.
Les colites microscopiques comprennent deux entités (colite lymphocytaire et colite collagène) classées dans les maladies idiopathiques du tube digestif. Les deux types de colites représentent probablement la même entité, puisqu'il existe des passages d'un type de colite vers l'autre type histologique.95,96 Trois revues sur les colites microscopiques ont été publiées en 2002.97-99 Les patients présentent des diarrhées d'importance variable et parfois des douleurs abdominales en crampes. Il s'agit habituellement de diarrhées chroniques, mais il peut exister des phases de rémission spontanée ou des évolutions cliniques fluctuantes.
La coloscopie démontre peu ou pas d'anomalies endoscopiques et ce sont les biopsies étagées du cadre colique qui permettent de poser le diagnostic. L'étiologie est inconnue. La maladie est parfois déclenchée par un épisode de gastro-entérite ou la prise d'AINS. L'importance de l'infiltrat inflammatoire dans la lamina propria ou la prise d'AINS sont des facteurs prédictifs de devoir utiliser les corticoïdes.100 Dans la colite collagène, la diarrhée semble en relation avec une diminution de l'absorption du Cl et du Na, accompagnée par une sécrétion électrogène du chlore.101
La cliakie est nettement plus fréquente chez les patients souffrant de colites microscopiques (surtout la colite lymphocytaire) que dans la population générale.102,103 Un dépistage sérologique avec dosage des anticorps anti-transglutaminase et antigliadine devrait être réalisé chez tous les patients souffrant de colites microscopiques.
Les mesures thérapeutiques non spécifiques comprennent l'élimination des procinétiques et des sécrétagogues (caféine, alcool, édulcorants, lactose). Les AINS et les phlébotropes devraient également être évités puisqu'il existe une possible association. Le budésonide est confirmé comme traitement de référence,104-106 puisqu'une rémission clinique est observée dans 57-87% des cas.104,105 Une amélioration histologique peut être démontrée en fin de traitement.104,105 Dans les formes cliniques peu sévères, d'autres traitements peuvent être tentés. Le lopéramide peut être administré comme antidiarrhéique non spécifique. La cholestyramine semble efficace dans les deux formes de colites et présente très peu d'effets secondaires.96,107,108 Le subsalicylate de bismuth représente également une alternative thérapeutique,109,110 mais il existe des craintes de toxicité neurologique à long terme. Dans les rares formes corticodépendantes, l'azathioprine ou la 6-mercaptopurine devraient être envisagées.111
a Si vous désirez adresser des patients ou participer à cette étude, vous pouvez obtenir des renseignements auprès du secrétariat de la Division de gastro-entérologie et d'hépatologie du CHUV à Lausanne au 021 314 06 90.
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