D'importants efforts ont été réalisés dans le but d'améliorer le diagnostic et le traitement des lésions malignes précoces du tractus gastro-intestinal. Le traitement endoscopique des lésions dysplasiques et des cancers précoces est prometteur, efficace et présente une faible mortalité et morbidité. Dans l'sophage de Barrett, toutefois, la meilleure option thérapeutique reste un sujet controversé. En particulier, la question du traitement des lésions malignes et précancéreuses dans les maladies multifocales reste ouverte.De plus, l'intestin grêle, cette zone d'ombre lors d'investigations endoscopiques, est maintenant visualisable de manière remarquable par la capsule endoscopique. Reste à démontrer que la capsule endoscopique conduira à des progrès thérapeutiques.
Au cours de ces dix dernières années, des efforts considérables ont été fournis afin d'améliorer les capacités diagnostiques en endoscopie. Dans ce but, de nouvelles méthodes ont été développées, telles que la chromo-endoscopie, l'endoscopie avec grossissement (magnifying endoscopy), la spectroscopie, l'endoscopie avec (auto)-fluorescence, et la cohérence computérisée.
La chromo-endoscopie est réalisée en utilisant des colorants biologiques appliqués au contact direct de l'épithélium, ou des substances colorées absorbées par les tissus (lugol, bleu de méthylène, bleu de toluidine), ou encore des substances accentuant les contrastes (carmin-indigo).
Les nouveaux endoscopes avec grossissement (magnifying endoscopy) permettent un agrandissement optique jusqu'à 80 fois par l'adjonction d'un système de zoom. La distance focale doit être maintenue à 3 mm de la surface à observer pour obtenir un agrandissement maximal. Pour optimaliser l'observation, l'extrémité de l'endoscope est mise au contact de la muqueuse juste après avoir obtenu l'agrandissement maximal. Ceci permet alors l'obtention facile d'images agrandies lors de la mise au point (focusing).
L'autofluorescence d'un tissu est due à la présence des molécules appelées fluorophores (collagène, élastine, NADH, flavines, porphyrines). Ces molécules ont le potentiel d'émettre de la lumière lorsqu'elles sont stimulées. La lumière émise peut alors être détectée soit par spectroscopie, soit par un système couleur endoscopique. Par exemple, en présence de lésions tissulaires précancéreuses et cancéreuses, la fluorescence «rouge» est renforcée alors que le spectre «vert-bleu» est diminué.
Concernant la fluorescence en spectroscopie et en endoscopie, on administre alors une substance photosensibilisante, qui s'accumule préférentiellement dans les tissus précancéreux et cancéreux, renforçant ainsi le contraste entre tissu sain et pathologique.
La tomographie par cohérence optique (Optical Coherence Tomography, OCT) est une nouvelle technique prometteuse d'imagerie à haute résolution. Elle permet une analyse des zones sous la surface tissulaire, sur une profondeur maximale de 2 mm. Elle produit des images d'excellente qualité, notamment de la paroi sophagienne.1 Aucune étude concernant la détection des dysplasies et des cancers précoces par cette technique n'est actuellement disponible, raison pour laquelle, nous avons renoncé à en discuter plus amplement.
Dans le chapitre qui suit, les autres nouvelles technologies seront discutées ainsi que leur(s) indication(s) respective(s).
La chromo-endoscopie avec lugol permet la détection de carcinomes à cellules squameuses de l'sophage chez des patients présentant ce type d'histologie maligne au niveau du cou et des voies aéro-digestives supérieures.2
Des biopsies des quatre quadrants sont actuellement recommandées dans le dépistage des lésions précancéreuses ou cancéreuses précoces chez les patients avec sophage de Barrett. Toutefois, dans la pratique, on note que seules une ou deux biopsies seulement sont prélevées. On peut se demander si nos nouvelles technologies seraient nécessaires, dans le cas où des biopsies systématiques des quatre quadrants étaient prélevées (tableau 1).
La chromo-endoscopie et l'endoscopie avec grossissement3 sont utiles pour localiser précisément les limites d'une muqueuse de Barrett. Toutefois, leur valeur respective en matière de détection des dysplasies reste un sujet débattu. A ce jour, seules les techniques de fluorescence4-7 ont permis une amélioration de la détection de la dysplasie dans l'sophage de Barrett.
On pense que les modifications de couleurs observées endoscopiquement lors de cancers gastriques peuvent être corrélées avec des altérations vasculaires et de l'architecture tissulaire. L'observation de micro-vaisseaux par endoscopie avec grossissement pourrait être utile à l'identification de carcinomes gastriques intramuqueux. Ces derniers pourraient être ensuite traités curativement par muquosectomie ou par chirurgie mini-invasive.8 Cela pourrait être particulièrement intéressant pour la détection des lésions superficielles planes ou creuses, se manifestant uniquement par une discrète modification de couleurs à l'endoscopie traditionnelle (rougeur inhabituelle).
La chromo-endoscopie à haute résolution utilisant l'indigo-carmin permet de distinguer des détails morphologiques infimes des polypes colo-rectaux. Ces données morphologiques peuvent ensuite être utilisées pour distinguer les polypes adénomateux des polypes non adénomateux.9,10
Dans une étude récemment publiée, une classification simple des lésions identifiées par coloscopie avec grossissement (Olympus CF-200Z) semble utile pour l'évaluation de l'activité de cette maladie inflammatoire et pour la prédiction des périodes de rémission.11 Les auteurs spéculent que la coloscopie avec grossissement pourrait représenter une alternative moins invasive, moins onéreuse et plus rapide que l'analyse histopathologique. Toutefois, certains ont fait remarquer que la valeur de cette classification et l'importante variabilité potentielle entre les observateurs n'étaient pas suffisamment explicitées dans cette étude. L'observation d'un large collectif de patients semble nécessaire avant une utilisation clinique.
En gastroentérologie, l'identification et la localisation des lésions de l'intestin grêle demeurent un problème difficile ; la capsule endoscopique représente une nouvelle méthode prometteuse d'investigations de la muqueuse de l'intestin grêle. La capsule endoscopique (CE) (capsule Given M2A, Given Imaging Ltd., Yoqneam, Israel) mesure 11 x 26 mm. Elle contient une caméra vidéo miniaturisée, une optique adaptée, une source lumineuse, une batterie et un émetteur de radiofréquences.12 Les images vidéo sont transmises (deux images par seconde) par radio-télémétrie à des capteurs placés sur l'abdomen du patient puis sont stockées dans un enregistreur. La puissance du signal permet de calculer la position de la capsule à chaque instant de sa progression dans le tractus digestif. L'enregistreur est ensuite connecté à une station informatisée et le film vidéo est visualisé sur un moniteur avec possibilité de sélectionner des images.
Peu d'études concernant la CE sont actuellement disponibles. Le plus souvent, elles étudient de petits collectifs de patients et comparent les possibilités diagnostiques de cette nouvelle technique avec les procédures «classiques» d'explorations du grêle (entéroscopie poussée, transit suivi du grêle).
Les premières études prospectives contrôlées ont montré une supériorité diagnostique pour une source de saignement entre 59-66% des cas contre 28% par entéroscopie.13-15 Enfin, étudiant un groupe hétérogène de vingt patients avec suspicion de pathologies du grêle,16 le champ diagnostique du transit suivi du grêle et de la CE a montré une supériorité «diagnostique» de la CE (45%) par rapport au transit suivi du grêle (27%).
Le système de capsule endoscopique de Given Imaging assure une très bonne visualisation de la muqueuse de l'intestin grêle. Elle permet d'identifier la plupart des lésions muqueuses du petit intestin. L'examen est très bien toléré par les patients, et semble sûr en termes de morbidité. Les premières études disponibles semblent montrer une supériorité «diagnostique» de la capsule endoscopique par rapport à d'autres méthodes classiques d'exploration du grêle. Dans notre expérience, l'examen par la capsule mène à un geste thérapeutique chez plus de 50% des patients.
Malgré de nombreuses publications exposant la valeur de la cholangio-pancréaticographie par résonance magnétique (MRCP) en comparaison à l'ERCP (endoscopic retrograde cholangio-pancreaticography), rien ne semble avoir réellement changé dans ce domaine. L'ERCP demeure la technique de référence puisqu'il s'agit de l'unique méthode permettant dans le même temps de pratiquer des biopsies et/ou un brossage cytologique. Elle peut également assurer une visualisation directe des voies biliaires par cholangioscopie ou indirecte, couplée à une endosonographie intraluminale.17,18 Chez les patients avec cholangite sclérosante primitive, l'ERCP associée à l'analyse histologique et aux dosages du CEA et du CA19-9, apporte un bénéfice en matière de détection précoce des lésions malignes.19
Trois nouvelles techniques endoscopiques font l'objet de plusieurs publications. Ces différentes techniques tentent d'augmenter la pression du sphincter sophagien inférieur (SOI), de diminuer les relaxations transitoires du SOI, d'améliorer les symptômes de reflux et de diminuer l'utilisation des antisécrétoires (tableau 2).
L'injection d'ethynyle-vinyl-alcohol dans le sphincter sophagien inférieur (SOI) est réalisée durant l'endoscopie sous contrôle fluoroscopique. Une étude pilote a démontré, six mois après l'injection, une diminution du score de pyrosis, la possibilité d'arrêter les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) dans 73% des cas ainsi qu'une augmentation des pressions du SOI. Le traitement endoscopique est simple et bien toléré.20
La procédure de Stretta délivre une énergie sous forme de radiofréquence au niveau de la jonction so-gastrique. Cette technique modifie la compliance et l'épaisseur de la paroi de la jonction so-gastrique, en interrompant les afférences intramurales par une destruction d'éléments neuronaux entériques.21 Deux études ouvertes réalisées auprès de patients présentant «des symptômes hétérogènes» ont permis de montrer une diminution des symptômes de reflux, de l'utilisation des antisécrétoires ainsi qu'une augmentation de la satisfaction globale des patients.22,23 Toutefois, cette procédure n'a pas permis de réduction du nombre d'sophagite ni de réduction de la longueur et de la pression du sphincter sophagien inférieur. Enfin, cette technique présente des risques beaucoup plus importants que l'injection d'un biopolymère, puisque des complications sont rapportées dans 8,6% des cas.22 Des perforations et même deux décès ont été décrits avec cette technique.23
La suture endoscopique permet de réaliser une plicature interne par voie endoscopique. Une étude ouverte sur 64 patients (avec des problèmes peu sévères de reflux) a montré une amélioration significative des symptômes de reflux, à 6 mois, confirmée par une pH-métrie de 24 heures. De plus, on note une morbidité associée significative avec un cas de perforation de la suture.25 D'autres techniques de suture endoscopique sont en cours de développement.26
Actuellement, le rôle que ces nouvelles techniques sont amenées à jouer dans le traitement de la maladie reflux reste à déterminer. En effet, seuls des patients avec de petites hernies hiatales et sans sophagite de reflux sévère ont été traités dans ces études. De plus, ces résultats préliminaires proviennent d'études pilotes avec un probable effet placebo important. Il n'existe pas à ce jour d'étude randomisée disponible. Pour être concurrentielle dans le traitement d'une maladie bénigne comme l'sophagite de reflux, les procédures endoscopiques doivent présenter une efficacité, une sécurité et un effet durable à moyen et à long terme comparables à ceux d'un traitement d'inhibiteur de la pompe à protons. Toutefois, au cours de la procédure de Stretta et du système Endocinch, plusieurs effets indésirables sérieux ont été rapportés. La sécurité à long terme de ces méthodes reste à démonter également. C'est pourquoi, ces trois nouvelles techniques devraient être exclusivement réalisées dans le cadre d'études contrôlées.
La découverte par endoscopie traditionnelle de modifications muqueuses progressives évoluant vers la dysplasie sévère soulève de difficiles problèmes de diagnostic et de surveillance. Les techniques endoscopiques mini-invasives représentent un nouveau concept, fascinant, qui sera exposé dans ce chapitre.
La CPA utilise un gaz, l'argon ionisé, comme vecteur d'énergie électrique jusqu'aux tissus, ce qui aboutit à une destruction de type thermique. L'indication actuellement la plus fréquemment retrouvée pour la CPA est l'ablation d'un épithélium de type Barrett (tableau 3). Ceci repose sur l'hypothèse que l'ablation épithéliale combinée à de hautes doses d'inhibiteurs de la pompe à protons favorisent une nouvelle croissance d'un épithélium squameux ; elle réduirait ainsi le risque de progression vers un adénocarcinome.27,28 Toutefois, le rôle du traitement par CPA lors de lésions dyplasiques ou d'un cancer muqueux lié à un sophage de Barrett n'est pas établi.29
La TPD implique une réaction photochimique froide entre un agent photosensible et la lumière en présence d'oxygène. Cette réaction produit une libération de radicaux libres de l'O2, hautement réactifs, qui induisent une nécrose tissulaire. Les indications principales à la TPD sont la dysplasie multifocale de haut degré et le cancer précoce30-34 dans l'sophage de Barrett (tableau 3).
La résection muqueuse endoscopique (RME) se définit comme la résection d'un fragment de la paroi digestive (comprenant la muqueuse et la muscularis mucosae) à l'aide d'une pince diathermique. Des marges de prélèvement en tissu sain (supérieures à 2 mm autour de la lésion) peuvent être considérées comme un critère de succès et réduisent le risque de récidive. La RME facilite une analyse complète des tumeurs réséquées, améliorant ainsi leur classification.35
En cas de lésions malignes superficielles de l'estomac, de carcinome squameux sophagien et du côlon, la RME est considérée comme un traitement classique. Lorsque l'indication à une muquosectomie endoscopique est correctement posée, le pronostic ne diffère pas des patients ayant eu recours à la chirurgie.36-40 Les récidives ou les tumeurs métachrones sont présentes dans environ 7% des cas. Elles peuvent être réduites au niveau de l'estomac par une éradication d'Helicobacter pylori.41
Des informations limitées sont disponibles concernant le rôle de la RME dans l'sophage de Barrett (tableau 3).35,42
Le traitement endoscopique de l'sophage de Barrett est prometteur. Des taux élevés d'éradication de dysplasie et de cancer précoce sont décrits (tableau 3). Toutefois, les anomalies génétiques persistent après l'exérèse endoscopique et favorisent une récidive ultérieure.43 De plus, les études publiées à ce jour ne semblent pas montrer qu'il y ait une méthode supérieure à une autre pour l'élimination complète de la muqueuse de Barrett. Les taux les plus élevés d'ablation complète sont obtenus par des agents induisant une photosensibilisation avec un important pouvoir de pénétration (HpD, Photofrin). Toutefois, on note que le taux de sténoses après traitements augmente avec la profondeur de la nécrose. Plus important encore est de comprendre que la réduction de la surface de métaplasie de Barrett (par CPA ou TPD) ne réduit pas nécessairement le risque de cancer. Un point crucial est de savoir si la réépithélialisation squameuse fait disparaître le potentiel malin. En particulier, lors de traitements plus superficiels (comme la CPA ou la TPD), on décrit des zones de muqueuses métaplasiques, «cachées» sous les nouvelles zones de muqueuses squameuses. Certains cas de cancers ont également été décrits.44,45
Toutefois, une large étude multicentrique, randomisée, comparant la TPD (Photofrin II) avec une surveillance par HGD, a montré de bons résultats par TPD. Le risque de cancer fut réduit de 50% dans le groupe TPD.46 Dans une étude non contrôlée, Ell et coll. rapporte un excellent taux de survie à cinq ans (82%) chez des patients avec Barrett traités soit par RME, TPD, CPA ou laser, incluant des patients à haut et à bas risques.47
Par opposition aux méthodes endoscopiques à action focale, la TPD représente une option thérapeutique prometteuse dans les cas de cancers pancréatiques non accessibles à la chirurgie et dans les cas de cholangiocarcinome.48,49 On attend les résultats d'études randomisées.