Nous achevons ici l'exposé des conclusions de la conférence de consensus organisée par l'Agence nationale (française) d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes) et consacrée à la prise en charge des patients souffrant de mucoviscidose et dont l'espérance de vie peut, aujourd'hui, dépasser la trentaine (Médecine et Hygiène des 29 janvier, 5 et 12 février 2003).
Quelle est la place à accorder à la kinésithérapie chez un nourrisson qui vient d'être dépisté ?
Les experts rappellent tout d'abord que la kinésithérapie fait partie du traitement de la mucoviscidose. La diminution de la clairance muco-ciliaire entraîne une stase des sécrétions responsables de l'obstruction et la kinésithérapie respiratoire a pour but de mobiliser puis d'éliminer ces sécrétions bronchiques. Outre cet effet bénéfique immédiat, la diminution des sécrétions muco-purulentes pourrait permettre, à plus long terme, de limiter les effets pathogènes des médiateurs pro-inflammatoires. En outre, la kinésithérapie assure un entretien global de la mobilité articulaire et maintient, par un travail musculaire, une adaptation optimale à l'effort.
Les techniques de kinésithérapie respiratoire sont variées et nécessitent une formation spécifique. Les experts de l'Anaes distinguent ici les techniques de kinésithérapie respiratoire conventionnelle (drainage de posture, percussion, vibration) et les techniques plus récentes basées sur le contrôle du flux expiratoire, l'utilisation de la toux contrôlée et l'aide instrumentale. Une collaboration étroite entre le kinésithérapeute des centres spécialisés et les kinésithérapeutes de proximité devrait se matérialiser par la mise en commun d'un cahier de liaison et de scores d'évaluation.
«Chez le nourrisson dépisté asymptomatique, une kinésithérapie mensuelle permet d'optimiser les résultats des prélèvements bactériologiques et l'éducation précoce des familles, soulignent les experts. A partir de deux ans, la coopération du nourrisson peut être envisagée, permettant l'éducation à la toux volontaire.
Aucune étude à ce jour ne démontre l'efficacité préventive de la kinésithérapie respiratoire chez le nourrisson dépisté.»
Le jury de la conférence de consensus recommande que la kinésithérapie respiratoire quotidienne chez le nourrisson dépisté soit débutée dès l'apparition d'un symptôme respiratoire.
Lorsque le nourrisson est symptomatique, une séance quotidienne est conseillée en état stable, et deux séances quotidiennes en période d'exacerbation. La prise en charge devient alors similaire à celle de tout enfant atteint de mucoviscidose avec les techniques spécifiques à cet âge. Le jury insiste particulièrement «sur l'importance du respect par tous des règles d'hygiène et sur le caractère souvent astreignant de ce type de soins.» Pour lui, le kinésithérapeute fait partie intégrante de l'équipe soignante et doit jouer un rôle important dans le recueil et la transmission de l'information de même que dans l'observance globale des thérapeutiques.
Quelle est la place de l'aide instrumentale dans le traitement de la mucoviscidose ?
Le recours à une aide instrumentale se justifie dès lors qu'elle apporte au patient une stimulation ou une facilitation des manuvres respiratoires nécessaires au désencombrement. L'intérêt des techniques de contrôle du flux expiratoire et de l'expectoration est reconnu. L'aide instrumentale, associant diverses techniques, peut optimiser la kinésithérapie respiratoire manuelle. Le jury de la conférence de consensus de l'Anaes s'est ici inspiré des recommandations des dernières «Journées internationales de kinésithérapie respiratoire instrumentale».
Les différentes techniques proposées sont :
L'aérosolthérapie : elle utilise des médicaments (bêta-2-mimétiques, corticoïdes, rhDnase) ou des solutés (isotoniques ou hypertoniques) améliorant l'humidification. Les solutés hypertoniques utilisés avec prudence peuvent se révéler efficaces.
La spirométrie incitative : ses indications sont validées dans l'amélioration du drainage bronchique et la prévention des atélectasies postopératoires.
Le «Threshold inspiratoire» : il a pour objectif d'améliorer l'endurance et la force des muscles inspiratoires des patients. L'assistance mécanique externe (sangles) est préconisée dans le désencombrement bronchique.
L'aspiration des fosses nasales : elle est efficace, mais, selon les experts «il faut se méfier d'une aspiration pharyngée source de régurgitations, de traumatisme local et de bradycardie réflexe.»
Les «PEP systèmes» (Pression expiratoire positive) : l'application de résistances obtenues avec un appareil de calibre variable entraîne une augmentation du volume de l'expectoration. Cette technique améliore les qualités rhéologiques des sécrétions dans la mucoviscidose.
Les vibrations mécaniques externes : elles doivent être de fréquence comprise entre 3 et 25 Hz. Elles augmentent le volume de l'expectoration.
Les vibrations mécaniques endobronchiques : « la ventilation à percussions intrapulmonaires pourrait avoir des effets bénéfiques mais doit encore faire l'objet d'une validation» soulignent les experts.
Au total, selon eux, l'aide instrumentale pourrait améliorer la mécanique respiratoire, optimiser la ventilation périphérique et faciliter l'expectoration. Elle doit être adaptée à chaque patient, associer simplicité d'action et d'utilisation avec un faible niveau de contrainte. Elle reste enfin à valider par des études cliniques multicentriques qui permettraient de mieux définir les indications respectives de chaque technique.