La protéinurie orthostatique est typiquement intermittente, présente en orthostatisme, disparaissant totalement en position couchée. Elle ne doit pas être confondue avec la composante orthostatique modérée, retrouvée dans la majorité des cas de protéinurie permanente. L'hématurie microscopique pose la question de son origine glomérulaire ou non glomérulaire. L'examen du sédiment urinaire en contraste de phase, basé sur la morphologie des hématies, devrait constituer la première étape logique de toute démarche diagnostique.
Un patient de 21 ans, en bonne santé habituelle, nous est adressé pour évaluation d'une protéinurie isolée (1,3 g/
litre). Cette anomalie a été découverte fortuitement dans le cadre d'un contrôle urologique à une année d'une orchidopexie bilatérale, pratiquée suite à un épisode de torsion testiculaire gauche. Lors de la consultation, le patient ne formule aucune plainte particulière. La TA est mesurée à 125/70 mmHg. L'index de masse corporelle (BMI) est de 20,2 kg/m2. Au laboratoire : créatininémie 88 µmol/l, urée 4,7 mmol/l et albuminémie 45 g/l. La protéinurie s'élève à 1,04 g/l ; le sédiment urinaire est sans particularité.
De quel type de protéinurie pourrait-il s'agir ?
Quelle est votre attitude diagnostique ?
En raison d'un contexte suggestif (jeune patient longiligne avec protéinurie isolée), nous avons suspecté la présence d'une protéinurie de type orthostatique. Les urines de la nuit (le patient a uriné la veille au soir avant de se coucher), émises le matin avant le lever, contenaient 0,04 g/l de protéines totales et celles récoltées en fin de matinée, après 5 heures d'orthostatisme, 1,17 g/l. Une échographie-Doppler en position couchée et en mode B a révélé que le diamètre antéro-postérieur de la veine rénale gauche (VRG) mesurait 0,18 cm au niveau de la pince aorto-mésentérique et 0,94 cm dans sa portion hilaire, soit un rapport de 5,22 (norme
On admet généralement que la protéinurie orthostatique traduit un trouble postural de l'hémodynamique intraglomérulaire, expliquant à la fois son caractère typiquement intermittent et son évolution bénigne à long terme.1 Bien que plusieurs étiologies aient été évoquées, la pathogenèse de ce type de protéinurie demeure incertaine. Le phénomène de compression de la veine rénale gauche (nutcracker syndrome), provoqué par la compression de cette dernière entre l'aorte et l'artère mésentérique supérieure, est à l'origine d'une hypertension veineuse qui peut se manifester par une hématurie macro ou microscopique et/ou une protéinurie isolée, des douleurs lombaires et/ou une varicocèle.2,3
En février 2001, un homme de 53 ans présente conjointement à un état grippal, une hématurie macroscopique totale et indolore. Très inquiet, il consulte un urologue qui effectue une cystoscopie, une cytologie des urines et un CT-scan abdominal ; ces examens se révèlent normaux. L'hématurie macroscopique disparaît spontanément après vingt-quatre heures. Il persiste cependant une hématurie microscopique asymptomatique ; une échographie abdominale pratiquée en mars 2002 ne montre ni anomalie rénale ni vésicale. Un nouvel épisode d'hématurie macroscopique survient néanmoins après un effort physique prolongé et le patient nous est adressé. L'anamnèse uro-néphrologique est sans particularité. Il ne fume pas, ne consomme pas de médicament potentiellement néphrotoxique et ne formule aucune plainte évocatrice d'une affection systémique. La TA est mesurée à 130/85 mmHg. Le bilan biologique est strictement physiologique hormis la présence de + + de sang à la bandelette réactive.
La démarche diagnostique initiale vous paraît-elle adéquate ?
Quel examen diagnostique proposeriez-vous ?
Deux épisodes d'hématurie macroscopique indolore, chez un homme de 53 ans, font évidemment penser à un problème urologique. Toutefois, la relation temporelle avec un épisode infectieux ou un effort physique devrait aussi faire penser à une origine rénale. Avant de procéder à des investigations urologiques coûteuses et inconfortables, il est souvent très utile d'examiner la morphologie des érythrocytes présents dans les urines. Lorsque l'hématurie est d'origine glomérulaire, les hématies ont un aspect fragmenté ou dysmorphique alors qu'elles ont un aspect uniforme en cas de saignement d'origine urologique (fig. 2).
Chez notre patient, le sédiment urinaire en contraste de phase contenait 8 à 15 érythrocytes par champ au grossissement de 400x, dont la moitié présentait un aspect dysmorphique et > 5% étaient des acanthocytes (fig. 3). On observait également la présence de quelques cylindres granuleux et hyalins. Un diagnostic de maladie de Berger a finalement été retenu et un suivi néphrologique bisannuel incluant TA, créatininémie et bandelette urinaire, a été proposé au médecin traitant. L'indication à une ponction-biopsie rénale n'a pas été retenue en l'absence de protéinurie supérieure à 1 g/24 h et/ou d'une insuffisance rénale.
L'hématurie microscopique pose la question de son origine glomérulaire ou non glomérulaire. Son approche diagnostique est cruciale, partant de l'idée qu'elle peut être aussi bien la conséquence d'un exercice physique intense que la seule manifestation d'un cancer vésical. Au contraire de la protéinurie, elle dépend de deux groupes distincts de spécialistes, les urologues et les internistes. L'approche urologique privilégie souvent d'emblée des investigations uro-radiologiques (urographie intraveineuse, cystoscopie, urétéro-pyélographie rétrograde, CT-scan abdominal injecté...) invasives, coûteuses et pas toujours justifiées. L'examen du sédiment urinaire au microscope en contraste de phase, méthode simple et bon marché, repose sur la morphologie des hématies. Lorsque l'hématurie est d'origine glomérulaire, les hématies ont un aspect fragmenté ou dysmorphique alors qu'il est uniforme en cas de saignement d'origine urologique.4 De plus, la présence de plus de 3% d'acanthocytes, hématies déformées porteuses d'évagination(s) en «forme de bulles», et/ou d'un ou de plusieurs cylindres hématiques, est pathognomonique d'une origine glomérulaire.5,6 Cet examen à lui seul permet dans plus de 88% des cas de préciser l'origine glomérulaire ou non glomérulaire d'une hématurie et de renoncer ainsi à des investigations invasives complémentaires. Il devrait constituer, après l'anamnèse et l'évaluation clinique, l'étape initiale de la démarche diagnostique de toute hématurie.