Réunis une ultime fois à Genève deux ans et quatre mois après le début des négociations, les délégués de 171 Etats membres de l'OMS ont approuvé, dans la nuit du 28 février au 1er mars, la Convention cadre pour la lutte anti-tabac (CCAT). Après adoption lors de la prochaine assemblée générale de la santé en mai prochain, ce texte constituera le premier traité international de prévention du tabagisme. Il entrera en vigueur après la quarantième ratification. La directrice générale sortante de l'OMS, Gro Harlem Brundtland, finit ainsi son mandat en marquant, selon ses propres termes, «une pierre blanche dans l'histoire de la santé publique».L'expression n'est pas exagérée. Même les ONG anti-tabac, très attentives aux tentatives de certaines délégations de réduire la portée de l'accord, se sont déclarées globalement satisfaites. Parmi les nombreuses dispositions de l'accord, il en était une particulièrement controversée : une interdiction internationale totale du parrainage et de la publicité pour les produits du tabac. L'Allemagne et les Etats-Unis (ces derniers pourtant dotés d'une législation domestique particulièrement sévère) s'y sont opposés, arguant qu'une telle interdiction s'opposerait, dans certains pays, aux normes constitutionnelles sur la liberté d'expression.Le compromis adopté à Genève est ferme : les parties s'engagent à instaurer une interdiction totale de la publicité. Seule réserve, elles le font «dans le respect de leur constitution». Les pays qui seraient constitutionnellement empêchés d'interdire toute publicité doivent cependant la réduire au maximum. Un protocole devra régler les détails de la lutte contre la publicité transfrontalière, notamment sur Internet ou les TV satellite.L'accord enjoint les pays à tenir compte de la santé publique lorsqu'ils fixent les impôts et les taxes sur le tabac. Plus contraignant : 30% de la surface imprimée des emballages 50% dans l'idéal doivent être réservés à des messages de prévention. Par comparaison, un paquet de cigarettes porte actuellement en Suisse des messages de prévention sur moins de 10% de sa surface. Les termes pouvant laisser croire qu'un produit est moins nocif que prévu sont bannis (notamment «light», «mild» ou «low tar»).Les parties sont encouragées à mener une action législative visant à rendre l'industrie redevable des coûts liés à l'usage du tabac. Enfin, tous les pays signataires devront financer des programmes nationaux de lutte anti-tabac. La Convention permettra peut-être d'établir dans les pays en développement des normes de prévention équivalentes à celles qui ont cours dans la plupart des pays industrialisés. En Suisse, les milieux de la prévention auront bientôt une nouvelle tâche politique : encourager les autorités à ratifier la Convention, avant que les standards helvétiques ne deviennent les plus archaïques de la planète.