Un groupe de chercheurs de l'Institut national français de la santé et de la recherche médicale (INSERM) travaillant à l'Institut Curie de Paris vient d'identifier une nouvelle sous-population de lymphocytes T intervenant dans la régulation de l'immunité intestinale. Ce travail publié dans le numéro daté du 13 mars de Nature1 apporte un nouvel éclairage sur le fonctionnement de l'immunité intestinale et sur l'équilibre subtil existant entre le maintien de la flore intestinale et la réponse à une infection.«Alors que la plupart des lymphocytes T ne se multiplient qu'après leur rencontre avec l'agent pathogène dont ils sont spécifiques, cette sous-population est abondante en l'absence d'immunisation et possède des récepteurs invariants dont la structure est conservée entre espèces (homme, souris, vache), précise-t-on auprès de l'INSERM. Ces propriétés originales indiquent une fonction singulière de ces lymphocytes.»Rappelons que la muqueuse intestinale, site d'absorption des aliments recouvre, déployée, une surface de
300 m2, soit une étendue proche de celle d'un terrain de tennis. C'est aussi la plus grande zone de l'organisme humain en contact avec l'extérieur. Rappelons aussi que les intestins contiennent des centaines de milliards de micro-organismes, une flore indispensable au bon fonctionnement de notre système gastro-intestinal. Des agents infectieux peuvent également pénétrer la muqueuse ce qui explique qu'une fraction importante du système immunitaire se situe dans l'épithélium du tractus digestif. Mais son rôle est complexe puisqu'il doit pouvoir combattre les possibles processus infectieux tout en tolérant la flore intestinale. Un équilibre doit donc être trouvé et se maintenir entre d'une part la réponse immunitaire et d'autre part la conservation de la flore intestinale. Or, le fonctionnement de cet univers immunitaire reste pour une large part encore méconnu.L'équipe d'Olivier Lantz à l'Institut Curie vient de découvrir une nouvelle sous-population de lymphocytes T, définis par un récepteur membranaire unique et conservé entre espèces.«Baptisés MAIT (pour Mucosal-Associated Invariant T cells), ces lymphocytes T sont situés préférentiellement dans les muqueuses intestinales de la souris et de l'homme. Cette conservation à travers les espèces indique un rôle important des MAIT, précise l'INSERM. Avec l'aide de l'animalerie centrale du CNRS d'Orléans, les chercheurs ont développé plusieurs modèles de souris chimères leur permettant d'explorer le développement de ces lymphocytes. La présence de la flore intestinale apparaît comme une condition indispensable à la génération des MAIT. Ils montrent également que les MAIT ont besoin pour être générées de la présence d'une des molécules du complexe majeur d'histocomptabilité, MR1.»C'est la première fois qu'une fonction est attribuée à cette protéine de surface, découverte récemment et particulièrement conservée entre les espèces. Aussi, les indices s'accumulent-ils en faveur d'un rôle prépondérant des MAIT dans la régulation de l'immunité intestinale. Pour l'INSERM, en découvrant cette sous-population de lymphocytes T, l'équipe d'Olivier Lantz apporte un nouvel éclairage sur cet univers immunitaire très complexe. La suite de leur recherche pourrait permettre de mieux comprendre comment s'établit l'équilibre subtil entre réponse immunitaire et maintien de la flore intestinale.On sait que la plupart des lymphocytes T possèdent des récepteurs spécifiques de tel ou tel antigène et qu'ils ne se multiplient qu'après leur rencontre avec le pathogène dont ils sont spécifiques. A l'inverse, cette nouvelle sous-population est abondante en l'absence d'immunisation et possède des récepteurs invariants dont la structure est conservée. Face à la diversité des pathogènes, quel peut être l'intérêt de cellules invariantes telles que les MAIT ? Les cellules natural killer, absentes des tissus intestinaux, ne se multiplient pas non plus au contact de l'agent pathogène, mais elles ont la capacité intrinsèque de reconnaître et de détruire certaines cellules et notamment des cellules tumorales. Un rôle analogue pourrait-il être envisagé pour les MAIT ?Les chercheurs de l'Institut Curie s'intéressent à cette question fondamentale tout comme aux applications médicales d'une telle découverte. Les maladies inflammatoires (maladie de Crohn, rectocolite ulcéro-hémorragique) pourraient évidemment bénéficier de ces nouvelles connaissances mais il est aussi possible d'envisager à l'avenir des moyens d'utiliser ces lymphocytes T pour initier une réponse antitumorale chez les patients atteints d'un cancer digestif. Acteur-clé de la réponse immune intestinale, les MAIT pourraient dans ce cadre servir à stimuler des défenses immunitaires afin qu'elles reconnaissent et éliminent les cellules tumorales. Cette découverte pourrait ainsi ouvrir de nouvelles perspectives en immunothérapie cancérologique.1 Treiner E, Duban L, Bahram S, Lantz O, et al. Selection of evolutionarily conserved Mucosal-Associated Invariant T cells by MR1. Nature 2003 ; 422 : 164-9.