L'information offerte au public sur le cancer du sein contient des données parfois contradictoires.Un groupe de travail du DIPPS (Dispositif intercantonal de prévention et promotion de la santé) a reçu pour tâche de rédiger des recommandations, afin d'améliorer la qualité de l'information donnée au grand public. Le groupe de travail a reconnu les médecins et les prestataires de soins comme étant la source la plus importante d'informations valables ; viennent ensuite les documents de soutien tels que des brochures et de la littérature basée sur des preuves. Des sites Internet et d'autres instruments de communication sont des sources supplémentaires pour aider les femmes à prendre une décision éclairée.Les critères de qualité des communications écrites et orales sont identifiés et spécifiés. En outre, les recommandations indiquent comment produire et évaluer des documents d'information dont la qualité soit garantie, à l'intention des femmes qui attendent des données objectives au sujet du cancer du sein.
Il est à présent reconnu que l'information donnée au public sur le thème du cancer du sein est variable et parfois de qualité limitée.1,2 Le problème de la qualité de l'information sur la prévention et la santé dépasse largement le cadre du dépistage du cancer du sein.3 Les informations fournies par les médias se multiplient et se diversifient de jour en jour davantage, rendant difficile la séparation du bon grain de l'ivraie pour des personnes non averties. Or, la variabilité et l'aspect parfois contradictoire de ces informations compromettent la capacité des femmes de faire un choix sur leur participation à un programme de dépistage du cancer du sein ou leur traitement.4
Le Dr Jemelin, représentant les organisations vaudoise, genevoise et valaisanne de dépistage du cancer du sein, a proposé de confier au Dispositif intercantonal de prévention et de promotion de la santé (DIPPS) la tâche de piloter un groupe de travail. Celui-ci avait pour but de rédiger des recommandations pour une meilleure information au sujet du cancer du sein, afin, entre autres, de mettre en valeur les avantages du dépistage systématique sans omettre les aspects négatifs.5 Les effets sont clairs au niveau de la société : plus le nombre de femmes qui se font dépister sera important, plus la mortalité spécifique baissera à l'avenir ; l'assurance de la qualité est réalisée par la formation spécifique des techniciennes en radiologie et des radiologues, et par la double lecture indépendante des mammographies ; la qualité du service est vérifiée par une stricte évaluation, qui guide les corrections nécessaires ; au niveau individuel, l'avantage ressort d'un choix librement consenti à partir d'informations les plus objectives possibles et de la satisfaction de la participante après sa décision.6,7
Il s'agit donc de promouvoir une information plus complète et plus objective des femmes au sujet du cancer du sein.8 Cette préoccupation vise en particulier les arguments développés en faveur ou à l'encontre du dépistage systématique du cancer du sein par mammographie.9,10
Le groupe de travail souligne que les femmes ont un rôle central à jouer dans les décisions concernant le dépistage et les traitements. Les enjeux éthiques liés à l'information sont très importants dans le cas des actions de santé publique.11,12,13
En effet, dans l'activité médicale habituelle, le patient sollicite une réponse du médecin pour un problème personnel réel.14
A l'opposé, les actions de prévention telles que le dépistage du cancer du sein sont initiées par les autorités de santé et le corps médical auprès d'une population a priori en bonne santé : les participantes se voient proposer d'agir pour réduire un risque.15,16
Elles seules connaissent quelles informations leur sont nécessaires.17 L'information offerte ne doit pas se limiter à quelques points essentiels.18 Tous les aspects de la question doivent être évoqués et développés, afin de répondre à toutes les sensibilités rencontrées chez les femmes concernées.19 Une personne de caractère confiant n'abordera pas le problème du cancer du sein et de son dépistage de la même manière qu'une personne anxieuse.20,21,22 Chacune doit trouver dans l'information offerte des éléments objectifs qui répondent à sa propre approche et à ses propres questions.23 Cette préoccupation concerne principalement l'information orale, où la personne qui informe est à même de tenir compte du caractère, des réactions et des choix de son interlocutrice, dans une relation de dialogue.24
La première partie de ces recommandations (sur l'information orale) est plus spécifiquement destinée aux médecins. En effet, le groupe de travail a identifié les médecins et les prestataires de soins comme étant la source la plus importante d'informations valables au sujet du cancer du sein et du dépistage.25 Cette source n'est pas systématiquement meilleure ou plus complète que les autres. Les médecins n'ont souvent pas assez de temps, et ne peuvent tout savoir sur tout. A l'égard de ses interlocutrices, le médecin peut se trouver dans deux situations très différentes : d'une part, il a une relation privilégiée dans un dialogue personnel avec sa patiente, c'est la relation médecin-malade.26 Mais d'autre part, pour donner des informations objectives et neutres, il doit porter le dialogue sur un autre plan, dans une relation fournisseur/ consommatrice.27,28
Lors de l'entretien avec un médecin, celui-ci doit être attentif au degré d'anxiété de la personne prise en charge et lui donner les informations les plus objectives possibles de façon adaptée. Chaque personne ayant son propre système de valeurs qui interviennent lors de la prise de décision, il appartient au médecin d'aider les femmes concernées par le dépistage à comprendre l'information qui leur est donnée en évitant le dirigisme et en respectant leur choix. L'attention à la qualité du dialogue est essentielle pour apporter à l'interlocutrice une information adaptée à ses besoins.
D'autres modes d'information (papillons, brochures, sites Internet) et d'autres instruments de communication (radios, TV, magazines) sont des sources supplémentaires pour aider les femmes à prendre une décision éclairée pour toute action (examen, intervention) en rapport avec les maladies du sein.29 La deuxième partie de ces recommandations est destinée aux personnes amenées à élaborer ce type de documents.
N.B. : Ces recommandations se sont largement inspirées d'un document australien12 mais sont adaptées au contexte culturel suisse.
Les paragraphes et tableaux suivants résument les recommandations détaillées qui peuvent être consultées sur www.europadonna.ch.
Les faits qui sont communiqués doivent être clairs, objectifs et complets. Il ne faut pas se contenter de présenter les buts et les bénéfices escomptés d'une prestation. Pour toute méthode d'examen, technique de prélèvement tissulaire ou approche chirurgicale, il faut aussi indiquer les limites, défauts et risques de la méthode. Ces inconvénients ou effets néfastes doivent être hiérarchisés en fonction de leur gravité.
L'information donnée doit être adaptée à ses destinataires, en tenant compte de la personnalité de l'interlocutrice, de son degré d'inquiétude, ou du niveau de connaissances des participantes à une réunion d'information. Il faut aussi indiquer d'autres ressources (Internet, brochures, livres) auxquelles les femmes peuvent recourir.
En fonction de son caractère durable et reproductible, l'information écrite (quel que soit son support) doit être élaborée avec la plus grande rigueur. Pour prendre l'exemple d'une brochure, celle-ci doit être clairement identifiée par son sujet, son but, son public cible, ses auteurs, sa date de publication et les organismes qui ont participé à sa relecture. Les auteurs doivent s'entourer d'un comité d'experts, d'un comité de rédaction et d'un comité de lecture (tableau 1).
Critères de qualité
L'information doit répondre à des critères de qualité, hiérarchisés en critères essentiels, importants ou désirables. Un critère essentiel est la crédibilité de l'information, garantie par l'indication de sa source, son actualité, sa pertinence et l'évaluation qui en a été faite par le comité de lecture. L'exactitude du contenu, l'usage d'un langage accessible à tous les destinataires et la diffusion d'informations actuelles et complètes doivent être garantis. Un critère important est l'adaptation du langage et du graphisme en fonction de la distribution prévue. La possibilité donnée aux destinataires d'atteindre une structure d'information adéquate pour poser des questions est un critère de qualité souhaitable.
Avant d'entreprendre la préparation d'une brochure d'information, un plan d'organisation doit être établi. Ce plan doit indiquer les comités d'experts, de rédaction et de lecture, fixer les objectifs, le calendrier et le budget (tableau 2).
Pour permettre le contrôle de qualité d'une information écrite avant sa publication, les recommandations présentent une check-list d'évaluation. Ces points de repère s'appliquent à tout le processus, de la validation des sources à la mise en page, en passant par le bien-fondé de l'information, présentée sous tous ses aspects sans omission, et l'analyse de la terminologie et du ton utilisés (par exemple en évitant des locutions impératives, en respectant le langage épicène).
Dans le document original qui peut être consulté sur www.europadonna.ch, la littérature à l'appui de ces recommandations est largement présentée et donne de nombreux détails complémentaires utiles à l'assurance de qualité d'une publication destinée à l'information de la population.
On constate que parfois l'information donnée au public et aux patientes au sujet du cancer du sein n'atteint pas le niveau de qualité que les femmes sont en droit d'en attendre. Dans ce domaine comme ailleurs, des recommandations sont un outil efficace dans l'assurance de qualité. Elles indiquent des principes de base, un plan d'organisation et des critères de qualité permettant l'évaluation d'un document avant sa publication. Ces recommandations concernent aussi l'information orale, donnée en particulier par le médecin, et qui mérite de répondre aux mêmes exigences de validité des sources et d'objectivité.
Le DIPPS est heureux de mettre ces recommandations à disposition de toute personne ou institution qui entreprend l'élaboration d'un document d'information destiné au public, sur www.europadonna.ch.