Edito: Une bonne recherche clinique est possible en Suisse : l'exemple des maladies infectieuses
Daniel Lew et Patrick Francioli
Rev Med Suisse
2003; volume -1.
22883
Résumé
Au cours de l'année 2002 le public a été mis en garde à travers la presse grand public et spécialisée sur la situation précaire de la recherche clinique orientée vers le patient en Suisse. Ces déclarations émanaient entre autres du Conseil suisse de la science et de la technologie, l'Académie suisse des sciences médicales, des représentants du corps médical, des commissions d'éthique, de l'industrie pharmaceutique et des associations de patients.La recherche clinique axée sur le patient est celle qui se pratique au chevet du malade et auprès du patient bénéficiant de soins ambulatoires. Les études servent à tester en clinique de nouvelles méthodes diagnostiques, des médicaments, des principes actifs et des nouvelles formes thérapeutiques expérimentales ; elles comprennent également des études épidémiologiques de terrain.On peut se poser la question de savoir comment on en est arrivé là. Les enjeux sont critiques : si l'on veut bénéficier des dernières découvertes médicales et des techniques de pointe, on doit avoir une infrastructure de recherche clinique de très haut niveau ; l'alternative est celle de devenir un pays consommateur de vieux médicaments en retard par rapport aux événements, d'une manière similaire à plusieurs pays du tiers monde, ceci à un moment où les progrès médicaux iront en s'accélérant (comme exemple citons les progrès de la génomique, l'utilisation des cellules souches à des fins thérapeutiques, une meilleure compréhension des facteurs de risque des maladies qui touchent une grande partie de notre population).Les causes de cette situation dans notre pays sont multiples : a) le chercheur clinique a un rôle ingrat mal situé entre les cliniciens et les «vrais» chercheurs ; b) au niveau des hôpitaux les soins aux malades (et la qualité des soins) sont prioritaires et la recherche clinique n'est pas budgétisée ; c) la mentalité régionale prime et de ce fait rares sont les programmes de recherche clinique bien coordonnés au niveau national.Parmi les solutions proposées on peut citer : a) l'encouragement à la recherche clinique par la création de postes de travail intéressants pour les jeunes chercheurs médecins et des professions paramédicales, ainsi que des plans de carrière. Intégrer dans la formation des «modules de recherche clinique», création d'un certificat d'aptitude technique accessible à tous les médecins ; b) la coordination de la recherche au niveau national avec des publications communes et un programme de formation continue afin d'éviter des retards et des répétitions entre différentes régions.Heureusement, le tableau n'est pas si morose partout. Comme exemple, citons les maladies infectieuses ! C'est un domaine qui touche de près autant les praticiens hospitaliers que ceux en pratique ambulatoire, et il se prête à merveille pour des études épidémiologiques, des nouvelles techniques diagnostiques, sans compter les nouveaux traitements qui sont en train de voir le jour.Dans de ce numéro de Médecine et Hygiène, nous avons voulu mettre en avant quelques exemples frappants de ce qui est fait à Genève, Lausanne et en Suisse dans la recherche clinique orientée vers les patients en maladies infectieuses. Nous tenons à remercier ici parmi nos lecteurs, médecins de cabinet ou hospitaliers, tous ceux qui de près et de loin ont contribué à la réussite de ces études, en particulier en participant souvent d'une manière enthousiaste aux études et à la récolte des données nécessaires parfois pendant plusieurs années. Votre soutien reste indispensable et sera de plus en plus nécessaire à l'avenir.L'étude de cohorte des patients infectés par le virus VIH est un des meilleurs exemples de la manière dont la recherche clinique peut être organisée : grâce à la collaboration de la recherche biomédicale, clinique, épidémiologique et sociologique, la Suisse occupe une position de pointe dans la recherche contre le sida. Elle bénéficie d'une collaboration exceptionnelle, non seulement entre hôpitaux universitaires, mais aussi avec des médecins praticiens. Ce programme a permis de former une nouvelle génération de chercheurs à vocation clinique de grande valeur. Il a permis de démontrer qu'en collaborant par la création de bases de données partagées avec le soutien financier du Fonds national suisse de la recherche scientifique et de l'industrie on peut obtenir des résultats exceptionnels.Du fait de ses dimensions restreintes, de son système de soins de haut niveau, de la bonne protection d'assurance dont jouissent les patients, la Suisse offre les conditions idéales pour mener une recherche clinique orientée vers les patients multidisciplinaires. Small peut être beautiful si bien fait... Nous espérons que ce modèle sera adopté par d'autres disciplines médicales et soutenu par nos autorités.
Contact auteur(s)
Daniel Lew
Médecin chef
de service
Division des maladies infectieuses
HUG
Genève
et
Patrick Francioli
Médecin chef
Service des maladies infectieuses et Division de médecine préventive hospitalière
CHUV
Lausanne