IntroductionDu 16 au 18 novembre 2002 s'est tenu le 3e congrès international sur le ganglion sentinelle (GS). On peut résumer la situation en une phrase : le ganglion sentinelle semble unique et universel.Unique en ce sens qu'il existe une relation particulière entre la tumeur et le GS. D'abord sur le plan morphologique puisque, par définition, il est le premier ganglion à recevoir la lymphe provenant de la région tumorale (ici le GS est utilisé au sens générique, c'est-à-dire qu'il s'agit le plus souvent de deux, voire trois ganglions et non d'un seul). Unique aussi peut-être sur le plan immunologique1 et sur le plan fonctionnel.2Universel en ce sens qu'il peut être mis en évidence dans de nombreuses tumeurs solides. La technique fait maintenant partie du traitement chirurgical de référence du mélanome. Dans le cancer du sein, elle s'impose progressivement également comme un standard. Pour les autres cancers : thyroïde, poumons, tractus digestif et tractus génito-urinaire, on assiste au développement de protocoles de recherche dont les premiers résultats sont encourageants. Nous nous concentrerons sur le cancer du sein.Cancer du seinIndications et méthodeEn ce qui concerne le cancer du sein les rapports confirment l'exactitude et la fiabilité de la technique. Le taux de faux négatifs (nombre de cas GS négatif/100 cas ganglions axillaires positifs) reste aux alentours de 5% pour des tumeurs T1, voire T2, uni-centriques et en l'absence de palpation axillaire suspecte. On regrette de ne pas avoir vu de confirmation du travail de Turner.3 Dans la plupart des études, seuls les GS sont soumis à une étude détaillée, notamment immuno-histo-chimique (IHC). On pourrait par conséquent craindre qu'en soumettant les autres ganglions à une telle étude le taux de faux négatifs n'augmente, rendant la technique inacceptable. Turner a montré que ce n'était pas le cas. Si ce congrès a confirmé la valeur de la technique du GS, on n'y a en revanche guère constaté de nouveautés importantes. Aucun nouveau traceur ou de nouvelle sonde de détection n'ont été présentés. L'examen extemporané du GS reste une procédure longue et difficilement utilisable en routine. Une technique d'absorption de la lumière4 permet une analyse spectrale qui devrait différencier un GS métastatique d'un GS indemne et ceci de manière quasi instantanée. Cependant, la sensibilité de la technique n'est que de 69% et donc pas encore suffisante. Application clinique et rechercheEtablir si les ganglions sont atteints a un intérêt diagnostique bien documenté. En revanche, la valeur thérapeutique du curage axillaire lorsque les ganglions sont atteints est controversée. D'importants protocoles de recherche explorant cette question ont été présentés.Le NSABP-32 présenté par D. Krag5 vise 4000 patientes dont le GS est négatif à répartir en deux groupes : avec ou sans curage axillaire. Hormis l'impact sur la morbidité du geste, l'étude évaluera l'impact éventuel sur les récidives locales et systémiques. L'auteur a souligné l'intérêt de cette question en présentant une revue de la littérature montrant un bénéfice de survie de 5,5% attribuable au curage axillaire. L'ordre de grandeur de ce bénéfice quoique inférieur à celui de la chimiothérapie ou du tamoxifène resterait appréciable.A l'opposé, le protocole Z0011 de l'ACOSOG présenté par A. Giuliano6 donne un rôle pivot au GS et postule qu'après l'avoir enlevé, la persistance éventuelle de cellules tumorales dans les autres ganglions pour autant que l'atteinte ne soit pas macroscopique puisse être mieux traitée par l'abstention plutôt que par l'exérèse. Dans cette étude, les patientes ayant un GS atteint sont randomisées les unes vers un curage axillaire conventionnel et les autres vers un simple suivi (indépendamment des traitements systémiques administrés aux deux groupes).L'importance des micrométastases notamment lorsqu'elles sont mises en évidence par immunohistochimie (IHC) a été évoquée par plusieurs auteurs. A. Giuliano a présenté l'étude ACOSOG 0010.6 Dans cette étude, les micrométastases sont recherchées par IHC au niveau du ganglion sentinelle et de la moelle osseuse. Les patientes n'ayant pas de tumeur dans le ganglion sentinelle selon une détection standard par hématoxyline et éosine n'auront pas de traitement supplémentaire au niveau axillaire même si elles présentent une atteinte détectable par IHC. Le pronostic de ces patientes sera comparé à celles n'ayant pas d'atteinte. Cody7 a présenté une étude du Memorial Sloan-Kettering montrant que la détection de micrométastases par IHC avait une valeur pronostique. Cette étude porte sur 368 cas opérés par mastectomie entre 1976 et 1978. Ces patientes n'ont pas eu d'autre traitement que chirurgical. Les blocs de tissu ganglionnaire ont été réanalysés. Les patientes qui n'ont pas d'atteinte ganglionnaire après recherche immunohistochimique ont une survie sans récidive à dix ans de 83%. Il a rappelé qu'aux Etats-Unis les indications à la chimiothérapie étaient très larges commençant déjà pour des patientes dont la survie sans récidives à dix ans est de 90%. Dans de tels cas, seuls 3% de ces patientes tireront un bénéfice du traitement alors que 97% n'en auront que les inconvénients. Il propose de renoncer à la chimiothérapie chez des patientes dont le GS ne présente pas d'atteinte métastatique après recherche immunohistochimique. Rappelons cependant qu'à ce jour plusieurs auteurs considèrent que la valeur pronostique des micrométastases détectées par IHC n'est pas encore suffisamment démontrée.8Indications particulièresLe carcinome canalaire in situ étendu est devenu une indication pour la plupart des conférenciers. Veronesi reconnaît cette indication afin d'éviter de réopérer une patiente au niveau axillaire dans le cas où l'histologie définitive révélerait un caractère invasif passé inaperçu sur le prélèvement diagnostique initial.La chaîne mammaire interne est un lieu de drainage moins important que l'aisselle mais non négligeable. Les auteurs hollandais et belges qui font des injections intra- ou péri-tumorales (y compris derrière la tumeur) avec des quantités de technétium supérieures à la moyenne ont montré un taux important de lymphoscintigraphies positives. F. Van der Ent9 rapporte sur près de 600 patientes la présence de GS dans la chaîne mammaire interne dans 22% des cas. De ceux-ci, 21% ont une atteinte métastatique desquels près d'un tiers sont exclusivement atteints au niveau de la chaîne mammaire interne alors qu'ils sont négatifs au niveau axillaire. Ceci a conduit à un changement de traitement chez 21% des patientes biopsiées au niveau de la chaîne mammaire interne. S. Estourgie10 confirme une atteinte de la chaîne mammaire interne chez 16% des patientes biopsiées. Dans ces cas, les modifications thérapeutiques concernent non seulement la chimiothérapie mais aussi la radiothérapie qui sera faite ou non sur la chaîne mammaire interne. Veronesi11 confirme l'indication à une biopsie de la chaîne mammaire interne (lorsqu'elle est possible) car elle augmente le stade dans 10% des cas, conduisant à un ajustement du traitement sur le plan local (radiothérapie) et systémique.Les contre-indicationsLa multicentricité (lésions tumorales dans plus d'un quadrant) reste une contre- indication. L. Bergkvist12 montre que même la multifocalité (plusieurs lésions tumorales dans le même quadrant) entraîne un taux de faux négatifs de 21% (contre 7,7% pour toute la série). Selon le même auteur, l'expérience du chirurgien (au-delà de trente opérations) semble également être un facteur permettant de diminuer le taux de faux négatifs (3,5%). Selon plusieurs auteurs, la multifocalité n'est cependant pas une contre-indication.8La biopsie du ganglion sentinelle après chimiothérapie néoadjuvante reste controversée et les séries sont encore trop petites pour trancher.* Compte rendu pour le cancer du sein du 3e congrès international sur le ganglion sentinelle (Yokohama, novembre 2002).Bibliographie :1 Schüle J, et al. Expression of the CD3-zeta chain and CD28 in sentinel node biopsies from breast cancer patients. Abstract book 3rd International Sentinel Node Congress, 2002, No 43, p. 164.2 Jansen L, et al. A method to determine the amount of radiocolloid in sentinel nodes. Abstract book 3rd International Sentinel Node Congress, 2002, No 49, p. 165.3 Turner RR. Histopathologic validation of the sentinel lymph Node Hypothesis for Breast Carcinoma. Ann Surg 1997 ; 226 : 271-8.4 Keshtgar MRS, et al. Optical biopsy : The technique and experience in determining lymph node status in breast cancer. Abstract book 3rd International Sentinel Node Congress, 2002, No 24, p. 159.5 Krag D, et al. NSABP-32 : Phase III randomized trial comparing axillary resection to sentinel node resection. Abstract book 3rd International Sentinel Node Congress, 2002, No K6-2, p. 134.6 Giuliano AE, et al. Major clinical trials in the United States. Abstract book 3rd International Sentinel Node Congress, 2002, No K6-3, p. 135.7 Cody HS, et al. Redefining prognosis in node-negative breast cancer : Can sentinel lymph node biopsy raise the threshold for systemic adjuvant therapy ? Abstract book 3rd International Sentinel Node Congress, 2002, No K9-1, p. 139.8 Schwartz GF, et al. Proceedings of the consensus conference on the role of sentinel lymph node biopsy in carcinoma of the breast April 19-22, 2001, Philadelphiy, PA, USA. The Breast 2002 ; 11 : 362-73.9 Van der Ent FWC, et al. Routine internal mammary sentinel node biopsy in breast cancer : Results and clinical implications. Abstract book 3rd International Sentinel Node Congress, 2002, No 89, p. 176.10 Estourgie SH, et al. Extra-axillary sentinel nodes in breast cancer : A review of 183 patients. Abstract book 3rd International Sentinel Node Congress, 2002, No 80, p. 173.11 Veronesi U, et al. Sentinel node biopsy in early breast cancer. Abstract book 3rd International Sentinel Node Congress, 2002, No L3, p. 116.12 Bergkvist L, et al. Risk factors for false negative sentinel node biopsies in breast cancer. Abstract book 3rd International Sentinel Node Congress, 2002, No 76, p 172.