Les neuropathies périphériques (NP) alcooliques et nutritionnelles s'observent dans le syndrome de dépendance à l'alcool, lors d'une carence vitaminique de causes variées ou associées à une maladie cliaque. Elles peuvent apparaître dans un contexte évident d'atteinte de plusieurs organes mais aussi être à l'arrière-plan en raison d'un contexte inhabituel. L'apparition de la polyneuropathie est un indicateur de sévérité de l'alcoolisme et des carences. Ces NP ne devraient pas être traitées avant d'être investiguées par des explorations biologiques (recherche d'une anémie, dosages de vitamines, anticorps endomysiaux) et électrophysiologiques pour aboutir à un diagnostic positif permettant une quantification utile au suivi thérapeutique. Celui-ci est supplétif et symptomatique.
La neuropathie périphérique (NP) nutritionnelle désigne une polyneuropathie provoquée par une carence en vitamines, et plus spécifiquement celles du groupe B.1 Les NP nutritionnelles peuvent poser un problème de santé publique dans les groupes de patients à risque de dénutrition, notamment dans les pays en voie de développement, où ces NP sont endémiques. Dans les pays industrialisés, les NP nutritionnelles sont plus souvent en relation avec un alcoolisme chronique. Ces NP sont sensitives ou sensitivo-motrices sans spécificité de cause. Elles apparaissent dans un contexte particulier qui est souvent évident au clinicien, mais qui peut parfois être à l'arrière-plan du fait de la méconnaissance des résultats de laboratoire ou de son caractère inhabituel. Dans la majorité des maladies, plusieurs carences sont associées, à l'exception du béribéri. Sachant que les traitements substitutifs restent bon marché, il est de pratique courante de prescrire des vitamines de manière empirique ; il est néanmoins important de garder à l'esprit que le diagnostic de ces NP ne doit pas être porté sans exclure d'autres causes, d'autant que ces polyneuropathies ne font pas partie du diagnostic différentiel des NP chroniques d'origine indéterminée, à l'exception peut-être de celles compliquant la maladie cliaque.
L'origine de cette polyneuropathie reste discutée.2 L'alcoolisme est une maladie engendrant une dépendance complexe et polygénique. Les intérêts scientifiques se sont donc tournés vers la compréhension de la dépendance plutôt qu'à démontrer l'origine d'une complication nerveuse périphérique dont le rôle de la thiamine et d'autres vitamines est en partie démontré. Cette NP est difficile à reproduire sur le plan expérimental et peut apparaître alors que la concentration sérique de thiamine reste normale. Quels que soient les événements en cause, la toxicité de l'alcool sur le système nerveux est liée à une cascade d'effets directs, au niveau des membranes cellulaires et de différents neurorécepteurs, avec une influence majeure sur le métabolisme des lipides. L'alcool exerce aussi un effet sur le transport axonal rapide du nerf périphérique.3 Des effets indirects sont également connus, du fait d'une compétition de l'absorption intestinale de la thiamine et de l'apparition de troubles gastro-pancréatiques.
Les données sont imprécises en raison d'un manque d'études systématiques et à cause de la présence de formes infracliniques. Tous les patients éthyliques ne développent pas de NP, mais une polyneuropathie peut être observée dans environ 10% de cette population. Les études récentes suggèrent une fréquence plus importante.4 Les facteurs de risque connus sont l'importance de la consommation alcoolique, sa durée et l'âge, le rôle du sexe féminin étant controversé. La sévérité de l'ataxie cérébelleuse n'est pas corrélée à la NP. Il n'y a pas de données concernant une éventuelle susceptibilité génétique.
Les manifestations de la NP sont de sévérités diverses. La NP symptomatique s'exprime par des symptômes distaux et symétriques aux membres inférieurs, de progression proximale.5 Elle est le plus souvent insidieuse, d'expression subaiguë à chronique, mais elle peut s'aggraver rapidement.6 Dans sa forme la plus habituelle, elle s'exprime par des manifestations motrices et sensitives. Il apparaît précocement des crampes nocturnes des muscles distaux, une impression de serrement ou de raideur ou une sensation de froid, avec ou sans fourmillements ou insensibilité distale. Parfois, des lancées aiguës fugaces sont décrites. Des dysesthésies douloureuses nocturnes à type de brûlures, avec intolérance des draps, caractérisent le syndrome des pieds brûlants. Une enquête effectuée dans une consultation d'alcoologie (R. Bize et T. Kuntzer, données non publiées de 48 patients) a permis de relever la prédominance des manifestations positives sur les symptômes négatifs. Les symptômes moteurs, sous la forme de crampes et d'une pesanteur, peuvent être isolés. Les anomalies transmises par les grosses fibres sensitives ont été bien plus souvent rapportées que celles transmises par les petites fibres. Le sentiment de désagrément a été coté en moyenne à dix-neuf sur une échelle visuelle de 100 ; il a été corrélé à l'association de symptômes sensitivo-moteurs transmis par les grosses fibres. Le syndrome des pieds brûlants nous est donc apparu comme rare dans la NP chronique. Dans une expression plus aiguë, les manifestations sont en effet associées à une NP des petites fibres.2
A l'examen, les déficits sont ceux d'une polyneuropathie distale symétrique, avec une amyotrophie homogène. La palpation des muscles des mollets et des tendons achilléens est douloureuse, à l'origine du «cri du Vaudois» cher à nos maîtres. Les réflexes sont préservés au stade initial puis disparaissent aux membres inférieurs, alors que les réflexes des membres supérieurs sont préservés. Les déficits sensitifs peuvent toucher toutes les modalités, mais prédominent une hypoesthésie et une hypoalgésie distale. Une hyperpathie peut être déclenchée. Les sensations profondes peuvent être altérées, mais l'ataxie à la marche est plutôt le fait de l'atteinte cérébelleuse (voir complications). Une hyperhidrose des mains et des pieds est fréquente. L'hypotension orthostatique ne fait pas partie du tableau, au contraire de la disparition de l'arythmie respiratoire.4
Associés à une polyneuropathie de sévérité variable, peuvent s'observer les complications de la maladie alcoolique. Des signes comportementaux, généraux et cutanés sont habituellement présents. Une polyneuropathie est parfois associée au tableau de l'encéphalopathie de Gayet-Wernicke. L'ataxie tronculaire ou statique, s'exprimant par l'élargissement du polygone de marche, la démarche instable et la titubation du tronc sont les signes cliniques de la dégénérescence cérébelleuse alcoolique. Des NP focales peuvent être induites par la compression de troncs nerveux lors de sommeils pathologiques, telle la neuropathie radiale proximale ou les neuropathies multiples du membre supérieur lors d'ivresses avec appui inapproprié et proximal du membre. Au membre inférieur, une neuropathie péronière apparaît parfois après le croisement prolongé des membres. Une polyneuropathie toxique induite par le disulfiram peut compliquer sévèrement la NP (voir ci-dessous). La NP est souvent associée à une perte de volume musculaire et à une myopathie chronique,7 dont le mécanisme est discuté lors de l'apparition d'une parésie de la ceinture pelvienne, probablement reflet d'une NP sévère avec extension proximale. Les myopathies et cardiomyopathies aiguës sont des complications rares de l'alcoolisation massive, et correspondent à une rhabdomyolyse toxique.
Les explorations électroneuromyographiques (ENMG) mettent en évidence une NP axonale sensitivo-motrice distale et symétrique, qui, dans notre expérience, ne s'exprime pas précocement dans la maladie alcoolique. Ces anomalies diffèrent de la NP compliquant la prise de disulfiram, qui présente les caractéristiques d'une polyneuropathie axono-myélinique avec réduction de la conduction nerveuse.
Ils sont ceux d'une dégénérescence axonale wallérienne touchant toutes les fibres. La forme chronique est associée à des bouquets de régénérescence axonale, la forme aiguë douloureuse se caractérisant plutôt par une prédominance d'atteinte des petites fibres.2
A l'hôpital, chez tout patient suspect d'un alcoolisme, il est de règle d'injecter 100 mg de chlorhydrate de thiamine i.m. ou i.v. dans une perfusion de NaCl, avant toute injection de glucose, ce dernier pouvant précipiter l'utilisation des dernières réserves de thiamine,1 et déclencher une encéphalopathie de Gayet-Wernicke. Il convient ensuite de donner la préférence à l'administration orale d'une combinaison de vitamines B avec une posologie quotidienne pour plusieurs semaines. Il s'agit aussi de proposer l'arrêt impératif des abus et la reprise d'une alimentation équilibrée. Si nécessaire, il peut être utile de prescrire des dérivés de la quinine pour le traitement des crampes (sulfate de quinine 200 mg au soir ou phosphonate de chloroquine 250 mg/jour) ou des antiépileptiques lors de paresthésies douloureuses.
Ce traitement combiné permet la régénérescence du nerf périphérique sur plusieurs mois. Souvent les manifestations motrices récupèrent plus rapidement. Ce long processus pose un problème particulier de prise en charge en raison de fréquents problèmes de démotivation. Le pronostic global des NP alcooliques dépend ainsi de la sévérité de la dépendance.
Le béribéri est une entité clinique due à une carence en vitamine B1 ou thiamine. Il n'existe pas de données épidémiologiques s'agissant en général de groupes de populations défavorisées endémiques de par le monde. Nos besoins en thiamine dépendent des apports caloriques ; ils sont de l'ordre de 0,5 mg/1000 kcal/jour (0,35 µmol/1000 kJ), correspondant à 1,2-1,5 mg (3,6-4,4 µmol). Le taux sérique normal est de 10 à 65 ng/ml. Les manifestations de carence apparaissent au bout d'un mois environ. La thiamine joue le rôle de coenzyme indispensable à plusieurs réactions dans la dégradation des acides cétoniques (pyruvate par exemple) et elle est aussi une coenzyme dans la voie des pentoses, rendant compte de ses besoins proportionnels aux apports d'hydrate de carbone.1
En l'absence de réserve, la carence en thiamine apparaît le plus souvent lors de situations déclenchantes (grossesse, lactation, sevrage de l'alimentation au sein chez les nourrissons, diarrhées infectieuses, changement de diète, apports excessifs en hydrate de carbone). D'autres causes sont liées à des malabsorptions ou à des apports purement parentéraux, et après l'administration de glucose à des patients asymptomatiques mais carencés en thiamine, notamment après chirurgie gastrique.8
La NP s'exprime de manière très similaire à celle de la polyneuropathie alcoolique (voir ci-dessus), avec des symptômes distaux et symétriques aux membres inférieurs, à progression proximale.5,8
En dehors de la NP, les autres manifestations du déficit en thiamine concernent le cur (béribéri humide) et le système nerveux central (en-céphalopathie de Gayet-Wernicke). Dans le bé-ribéri humide, il existe trois perturbations cardiovasculaires ; un débit élevé, des dèmes et une insuffisance cardiaque globale. La forme aiguë fulminante (ou shoshin) répond à l'administration de thiamine. Le patient carencé peut ainsi présenter une symptomatologie mixte, cardiovasculaire et cérébrale, mais des formes pures, cardiaque, cérébrale ou neuropathique peuvent se rencontrer. La prépondérance relative de ces manifestations est en rapport avec la durée et la sévérité des carences, le degré de fatigue physique et le niveau des apports caloriques, la carence avec restriction calorique et une inactivité relative favorisant le développement du béribéri sec.
Les explorations ENMG mettent en évidence une NP axonale sensitivo-motrice distale et symétrique. Un taux sérique réduit de thiamine ou la réduction de l'activité transcétolasique érythrocytaire permet le diagnostic de la carence.
Les aspects histopathologiques sont ceux d'une dégénérescence axonale wallérienne touchant les fibres myélinisées de petit et gros calibres, ainsi que les fibres amyéliniques.
Chez tout patient suspect d'une carence en thiamine, il est de règle d'injecter 100 mg de chlorhydrate de thiamine i.m. ou i.v. dans une perfusion de NaCl, avant toute injection de glucose, ce dernier pouvant précipiter l'utilisation des dernières réserves de thiamine, et déclencher une encéphalopathie de Gayet-Wernicke.1 Il convient ensuite de donner la préférence à l'administration orale d'une supplémentation de 100 mg/jour de vitamine B1. Comme dans la NP alcoolique, les douleurs neuropathiques, les symptômes moteurs et sensitifs peuvent être traités (voir ci-dessus). Souvent les manifestations cardiaques et cérébrales récupèrent plus rapidement.
La vitamine B12 se lie dans le duodénum au facteur intrinsèque qui a été sécrété par les cellules pariétales de l'estomac. Ce facteur véhicule la vitamine jusqu'à l'iléon terminal, où elle est absorbée spécifiquement. La vitamine est transformée en molécules stables, les cobalamines, requises pour des réactions biochimiques dans la constitution de la protéine basique de la myéline, et la production de tétrahydrofolates permettant la synthèse de l'ADN.1
La cause habituelle de carence en cobalamine est le déficit chronique en facteur intrinsèque de l'anémie pernicieuse de Biermer. La fréquence de la carence n'est pas connue en raison de difficulté au diagnostic biochimique précoce (voir ci-dessous), mais il est estimé que jusqu'à 15% de la population âgée présenterait un déficit en cobalamine.9 Des manifestations neurologiques peuvent être occasionnellement observées dans le contexte de déficit d'apports (nourrissons nourris au sein de mère carencée, lactovégétariens), ou lors de malabsorptions (suites d'une résection gastrique ou iléale étendue, entérite régionale de Crohn, maladie de Whipple, syndrome de l'anse borgne) ou encore lors d'une interférence avec la prise de certains médicaments comme la colestyramine, la colchicine, le sulfate de néomycine, l'oméprazole, la cimétidine et certains contraceptifs oraux. Exceptionnellement, une déficience a pu être observée au cours d'anesthésies au protoxyde d'azote, ou encore au cours de déficits génétiquement déterminés du transport des cobalamines.
La sclérose combinée désigne une atteinte médullaire caractérisée par l'installation insidieuse et progressive d'une atteinte d'abord postérieure (afférences proprioceptives) puis latérale (efférences corticospinales), une NP des grosses fibres pouvant précéder ou accompagner l'atteinte médullaire. Les premiers symptômes se caractérisent par l'apparition progressive d'engourdissements distaux des mains et des pieds, qui peuvent prédominer aux mains. Les symptômes peuvent être aigus au décours d'anesthésies au protoxyde d'azote.10 Une hypotension orthostatique a été rapportée, parfois inaugurale et s'améliorant sous traitement.
L'atteinte cérébrale peut se manifester par une irritabilité, des troubles mnésiques, des modifications de goût, de l'odorat et de la vision. Les troubles psychiatriques peuvent être prédominants. Chez le petit enfant, une perte des acquis psychomoteurs peut être la manifestation inaugurale de la carence.
Initialement, l'examen est normal. Les manifestations progressant, elles sont symétriques et prédominent sur les modalités sensitives des grosses fibres, la vibration et le sens de position, avec le respect relatif des modalités des petites fibres. Il apparaît alors une ataxie à la marche. Les signes moteurs consistent en la présence d'un clonus, d'une parésie des extenseurs des orteils et d'un signe de Babinski. Chez le petit enfant, une hypotonie avec aréflexie généralisée peut s'observer. L'association de réflexes rotuliens vifs à des réflexes achilléens absents ou émoussés est très suggestive de cette carence. Les signes pyramidaux de la forme classique peuvent manquer.
Les troubles distaux présentés par ces patients sont connus depuis longtemps, mais la responsabilité respective de l'atteinte médullaire et nerveuse périphérique a fait l'objet de nombreuses controverses. Les explorations ENMG confirment la présence d'une NP axonale sensitivo-motrice distale et symétrique, avec prolongement des potentiels évoqués précoces somesthésiques.
L'aspect IRM de la sclérose combinée de la moelle a été récemment revu chez treize patients.11 Les images typiques associent un élargissement du cordon médullaire, un hypersignal T2 étagé des cordons postérieurs le plus souvent cervical. Les lésions du nerf sural se caractérisent par une perte de densité des fibres nerveuses et par une dégénérescence axonale portant surtout sur les grosses fibres myélinisées. Les lésions neuropathologiques du tronc cérébral et des cordons postérieurs et latéraux de la moelle sont connues depuis le début du siècle.
Une carence en cobalamine est démontrée si la concentration sérique en vitamine B12 est inférieure à 100 pg/ml (normes de 200 à 900 pg/ml) ; cependant, dans le tiers des complications attribuées à cette carence, la concentration est normale. Il est alors utile de doser les métabolites qui s'accumulent par le bloc des réactions contrôlées par la cobalamine ; l'élévation de la concentration sérique de l'acide méthylmalonique (normes de 70 à 270 nmol/l) ou de l'homocystéine (normes de 5 à 16 µmol/l) permet alors d'évoquer la carence.12 Il existe une mauvaise corrélation entre les complications neurologiques et l'anémie, d'autant que dans cette situation, il faut prendre en compte la possibilité d'un déficit en acide folique.
Le traitement repose sur la substitution en vitamine B12 : 200 µg i.m./jour pendant deux semaines, puis l'administration de 100 µg i.m. tous les mois. La thérapie doit être poursuivie pour une durée indéterminée en présence d'une anémie pernicieuse. Ce traitement stoppe l'évolution et au mieux entraîne une guérison souvent incomplète.
Les carences en folates peuvent interférer avec la synthèse de la myéline. Il existe une interdépendance entre la vitamine B12 et l'acide folique.1 Les complications neurologiques de l'adulte sont rares et sont similaires à celles observées dans les avitaminoses B12 : dépression, troubles comportementaux, ataxie cérébelleuse, neuropathie optique, sclérose combinée de la moelle et NP (voir carences en cobalamine). Le pronostic est rapporté comme favorable, mais la précocité du diagnostic et du traitement conditionne la réversibilité des symptômes neurologiques.
Cette carence est souvent associée à d'autres déficits vitaminiques, rendant difficilement imputables à la vitamine B2 seule, les lésions de la NP. Des troubles cutanéo-muqueux sont décrits, avec une glossite et une dermatite de la face. Néanmoins, il a été suggéré qu'une ariboflavinose pouvait être responsable d'hyperesthésies à type de brûlures de la plante des pieds.
Les manifestations cliniques de la pellagre (de l'italien pelle agra ou peau rêche) correspondent à l'association d'une dermatose, de diarrhées et d'un syndrome démentiel. Une NP peut apparaître en association, mais son imputabilité à l'avitaminose PP est controversée car les patients atteints sont multicarencés en présentant aussi le plus souvent un alcoolisme.
Une carence en pyridoxine est extrêmement rare, mais certains médicaments, dont l'isoniazide, la pénicillamine et l'hydralazine en sont les antagonistes. Elle joue un rôle dans plusieurs réactions enzymatiques, intervenant en particulier dans le métabolisme des acides aminés. Les besoins quotidiens sont de 2 mg chez l'adulte, mais dépendent des apports protéiques. L'absorption intestinale est passive.
Le déficit en pyridoxine se manifeste par des lésions cutanées séborrhéiques et une glosso-stomatite, par une sémiologie neuropsychiatrique (parfois des crises comitiales) et par une NP. Les NP sont des polyneuropathies sensitives distales se manifestant par des brûlures de la plante des pieds, les douleurs étant souvent insomniantes. Des signes moteurs discrets apparaissent secondairement. Les NP induites par l'isoniazide furent décrites par de nombreux auteurs à l'introduction de cet antituberculeux, mais elles ne se voient pratiquement plus. L'administration de pyridoxine à hautes doses fait apparaître une NP sensitive similaire à sa carence, parfois ataxiante.13
L'acide pantothénique est un constituant du coenzyme A. Il est extrêmement répandu dans l'alimentation (sa racine grecque signifie «de toute part»). Son déficit pourrait induire une NP caractérisée par des engourdissements, des paresthésies au niveau des mains et des pieds, dans un contexte de fatigue, céphalées et troubles du sommeil.
Ce syndrome de neuropathie tropicale a été décrit à la fin du XIXe siècle par Strachan, puis parmi des prisonniers de guerre. Avec quelques variations régionales, il est reconnu régulièrement parmi des groupes d'individus défavorisés. Le syndrome est attribué à une association de malabsorption, sur un fond de dénutrition, aboutissant à des carences vitaminiques multiples, notamment de la thiamine et de la cobalamine. Une épidémie a été observée à Cuba dans les années 90, impliquant plus de 50 000 patients.14 L'atteinte n'était pas homogène, les enfants et les adolescents étant épargnés ; une NP douloureuse touchait essentiellement les jeunes femmes alors qu'une neuropathie optique s'observait surtout chez les hommes âgés. Une consommation excessive d'hydrates de carbone, des épisodes d'alcoolisation, une diète irrégulière et une perte de poids ont été les facteurs de risque retenus à cette NP épidémique.
La maladie est une entéropathie inflammatoire polygénique. La muqueuse intestinale est sensible à une protéine des céréales, le gluten, qui agit comme antigène et entraîne une atrophie avec infiltration lymphocytaire des villosités puis une malabsorption. Il n'y a pas de présentation typique, puisque les diarrhées et la stéatorrhée peuvent manquer ; le diagnostic est évoqué à l'apparition d'une dermatite, d'une intolérance alimentaire ou lors d'une anémie par carence en fer ou en acide folique. Les manifestations neurologiques ont été décrites depuis longtemps, sous la forme d'observations isolées, qui augmentent ces dernières années en raison de la disponibilité de tests sériques, notamment les anticorps endomysiaux et les immunoglobulines IgA anti-tTG.15 Ces complications sont probablement sous-estimées ; elles représentent jusqu'à 7% d'une population avec maladie cliaque et moins de 1% des NP indéterminées.16 Il existe les signes d'une ataxie, cérébelleuse ou liée à une sclérose combinée de la moelle ou d'une polyneuropathie axonale sensitive, ataxiante (voir carence en cobalamine) ou des petites fibres (voir carence en thiamine), ou exceptionnellement d'une neuromyotonie ou d'une myosite. Les anomalies ENMG sont consistantes avec une polyneuropathie au caractère axonal. Les mécanismes aboutissant à ces complications ne sont pas clairs, pouvant être liés à des carences vitaminées ou inflammatoires, notamment par la démonstration d'un infiltrat périnerveux, ou paranéoplasique, la maladie cliaque pouvant se compliquer de lymphome intestinal. Les complications peuvent être réversibles après la restriction au gluten.