La cinquième enquête suisse sur les comportements de santé «La consommation de stupéfiants» réalisée par l'Institut suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA), effectuée tous les quatre ans depuis 1986, a été menée à nouveau auprès de 10 000 écoliers au cours du 1er trimestre 2002 sous l'égide de l'OMS et avec le soutien de l'Office fédéral de la santé publique. Ces résultats sont particulièrement alarmants puisqu'ils constatent que les écoliers âgés de 11 à 16 ans boivent, fument et se droguent de plus en plus.Bières, alcopops, vins et spiritueux, cigarettes mais également joints, sans parler en quantité plus restreinte il est vrai de l'ecstasy et de l'héroïne. Les raisons de cette augmentation sont bien entendu multiples, comme le soulignent les responsables de l'ISPA. En premier lieu bien entendu, c'est un phénomène de mode qui touche ces pré-adolescents et leur fait penser que dans une société où il faudrait faire la fête à tout prix, le fait de boire des alcopops et de tirer des joints leur permet de se fondre dans un phénomène de mode.La deuxième explication concerne le fait de vouloir à tout prix se «péter», avec pour objectif la fuite face aux nombreuses angoisses et aux questions restées sans réponse que se posent les jeunes de cette tranche d'âge. En tant qu'adultes, nous pouvons bien entendu nous étonner de cette propension à retrouver des paradis artificiels et à les exploiter et l'on peut fustiger tant et plus ce type d'attitude. Il serait temps toutefois de se poser la question de notre propre responsabilité et ce, à plusieurs niveaux.En premier lieu, il sied de rappeler que ces jeunes de 11 à 16 ans ne font que répéter ce qu'ils constatent chez leurs aînés. Ces derniers, eux aussi, ont une fâcheuse tendance à considérer que la solution à tous les problèmes existentiels passe forcément par des réponses chimiques ou pharmaceutiques, de l'aspirine à l'antidépresseur, en passant aussi par le tabac, l'alcool et autres joyeusetés du même type.Avouons le tout net ! L'exemple que nous donnons à cette génération appelée à nous remplacer petit à petit n'est pas forcément reluisant. La logique appliquée par les adultes dans le domaine de la prévention et de la promotion de la santé n'est pas forcément très claire et révèle plus une langue de bois qu'un chemin clairement tracé vers un mieux-être.A cet égard, les décisions récentes prises par nos parlementaires peuvent susciter à juste titre de nombreuses questions. C'est ainsi que l'on a décidé en 1999 de baisser drastiquement le prix des alcools forts, ce qui a eu pour effet de les mettre plus facilement à disposition des adolescents.De même, le refus de taxer correctement les alcopops explique que leur consommation ait été multipliée par 16 ces deux dernières années. Nous passons comme chat sur braise sur la proposition de dépénaliser la consommation du cannabis et ce à partir de l'âge de 16 ans. Ainsi, nos jeunes contemporains qui se seront régulièrement «pétés» à l'alcopop entre 11 et 16 ans entreront à partir de cette limite d'âge tout de go à la découverte de nouveaux paradis dûment autorisés par leurs aînés. Diantre, c'est vrai que la vente de cannabis pourra être taxée et rapporter aux caisses fédérales de substantiels bénéfices
Enfin, le refus récent du conseil des Etats parti radical largement en tête de percevoir 2,6 misérables petits centimes sur chaque paquet de cigarettes afin de les affecter à la prévention du tabagisme reste le dernier exemple en date de l'ambiguïté et de l'ambivalence de nos parlementaires quand il s'agit de s'exprimer sur les domaines de la santé.On voit bien là l'illustration du manque d'indépendance de la plupart de ces parlementaires qui, soucieux de représenter les intérêts des entreprises qui leur offrent un fauteuil au conseil d'administration pour quelques dizaines de milliers de francs par année, peinent à garder en tête les notions de santé publique lorsque les intérêts de leurs commanditaires sont en jeu.Même si une augmentation de 2,6 centimes par paquet de cigarette représente une goutte d'eau face au déferlement des vagues publicitaires initiées par les cigarettiers, on aurait pu s'attendre à ce que les parlementaires acceptent d'avoir une vision plus cohérente de l'ensemble du système de prévention et de promotion de la santé. Il est vrai que les associations anti-tabac ou anti-alcool sont maigrement représentées au parlement et que les moyens qu'utilisent les marchands d'alcool et de tabac pour financer leur campagne de publicité sont largement plus étendus que ceux mis à disposition des premiers.Cela n'empêche toutefois pas les mêmes parlementaires de modifier tous les six mois la loi sur l'assurance maladie en prétendant avoir la science infuse pour maîtriser, voire juguler des coûts de la santé que leurs votes précédents auront justement contribué à augmenter encore puisque l'on connaît les dégâts sur la santé provoqués par l'alcool et le tabac.Face à une telle incohérence, comment peut-on encore admettre qu'un parlementaire quel qu'il soit puisse encore accepter des mandats au sein de conseils d'administration, mandats qui le rendront tôt ou tard non seulement prisonnier d'une logique pour le moins douteuse, mais encore responsable de l'avenir de toute une tranche de la jeunesse.Il en va de même sur le plan purement économique puisque ces mêmes parlementaires qui s'étonnent que tout un chacun ne puisse pas se prendre en charge lui-même au niveau de sa santé physique et mentale, participent également à d'autres conseils d'administration d'entreprises qui annoncent régulièrement des licenciements massifs. Ces licenciements, on l'oublie un peu vite, ont aussi une influence importante sur le comportement d'adolescents qui voient leurs parents jetés sur le carreau après avoir consacré les trois quarts de leur vie professionnelle à une entreprise pour laquelle ils avaient une admiration sans bornes.Plutôt que de se demander pourquoi ces jeunes recherchent désespérément à transgresser des règles que plus personne d'ailleurs ne songe à leur faire respecter, il serait temps que chacun d'entre nous se remette en question et assume la logique et les conséquences de ses actes.J'ai fait un rêve
J'ai rêvé qu'à l'automne, à l'occasion des élections fédérales, la droite pure et dure de ce parlement, donneuse de leçons, arrogante et autoritaire, risquait de perdre suffisamment de plumes pour qu'elle soit incitée à faire un ménage salutaire et à devenir tout un chacun pourrait le souhaiter indépendante de tout groupe de pression économique. C'est vrai que c'était un rêve.