Toutes les études rétrospectives et prospectives concernant la radiothérapie peropératoire dans les tumeurs montrent une amélioration significative du contrôle local. Une amélioration des résultats de la radiothérapie peropératoire peut être envisagée dans plusieurs domaines :I Améliorations technologiques : développement d'accélérateurs linéaires destinés à la radiothérapie peropératoire, meilleure adaptabilité à chaque situation anatomoclinique.I Augmentation des effets biologiques de la radiothérapie peropératoire : intégration dans une stratégie thérapeutique globale, optimisation des doses d'irradiation dans les études de phase II et III.
La radiothérapie peropératoire (RTPO) est l'irradiation, pendant une intervention chirurgicale, d'une région située en profondeur, après éloignement des organes critiques par des procédés artificiels. Le volume cible est soit une tumeur non résécable, soit, ce qui est préférable, le lit tumoral après l'exérèse aussi complète que possible de la tumeur.
La radiothérapie peropératoire consiste à appliquer avec précision sur le volume cible une dose d'irradiation unique élevée, avec protection maximale des organes voisins.1
L'avantage de ce concept d'irradiation adjuvante est de réaliser au cours de la même hospitalisation non seulement la chirurgie, mais également l'irradiation du lit tumoral. Dès son retour à domicile, le patient peut débuter soit sa surveillance, soit son traitement adjuvant systémique si nécessaire (hormonothérapie ou chimiothérapie) sans risque d'allonger le délai entre radiothérapie et traitement adjuvant par les agents chimiques. En effet, la radiothérapie externe conventionnelle est souvent réalisée après la chimiothérapie lorsque celle-ci est indiquée (soit quatre à six mois après l'intervention chirurgicale) et l'on peut craindre un impact négatif sur le contrôle local dû à un délai avant l'initiation de la radiothérapie externe.
La RTPO est complémentaire à la chirurgie parce que l'irradiation concentrée et localisée sur le site tumoral initial permet de contrôler la maladie infraclinique, avec un effet radiobiologique supérieur, parce qu'il est possible d'arriver à une dose plus importante qu'avec la radiothérapie externe.
La RTPO impliquait anciennement le transport du malade du bloc chirurgical à la salle de radiothérapie puis son retour pour la fin de l'intervention. Cela représentait un obstacle majeur au développement de la RTPO.
Un important progrès a été réalisé dans les années 90 avec l'apparition d'un accélérateur mobile situé dans le bloc opératoire.2 Cet accélérateur peut être fixé à la table opératoire, son bras mobile permettant d'obtenir les positions nécessaires à l'irradiation. L'avantage le plus important de cet appareil est qu'il peut être placé dans un bloc opératoire sans modification structurelle spéciale. Le temps opératoire est prolongé de vingt minutes seulement, laps de temps permettant d'entreprendre une autre chirurgie pour RTPO.3
Les accélérateurs mobiles peuvent être situés soit à côté de la table opératoire, soit au-dessous.
Les études rétrospectives et prospectives des vingt dernières années concernant la radiothérapie peropératoire prouvent l'amélioration significative du contrôle local. La RTPO a intégré la stratégie thérapeutique globale avec une amélioration significative du contrôle local dans les cancers du rectum, dans les cancers gastriques, les cancers gynécologiques et les sarcomes. La RTPO aussi a été utilisée dans les tumeurs du système nerveux central, les tumeurs tête et cou, les tumeurs bronchiques et pancréatiques.4 Les taux de contrôle local obtenus sont de 90% à l'exception des gliomes malins, des cancers bronchiques stade III et du cancer du pancréas inopérable, où les taux de contrôle local obtenus sont compris entre 40% et 80%.
Actuellement, la RTPO est utilisée dans le cancer précoce comme traitement unique, spécialement dans les cancers du sein, avec des résultats tout à fait intéressants. C'est en Italie, à l'Istituto Europeo di Oncologia de Milan, que les résultats cliniques les plus significatifs ont été obtenus, suscitant l'intérêt scientifique international.
Le transport du patient pour la RTPO impliquait un risque d'infections et une interruption ou prolongation de la narcose. Différentes méthodes ont été développées pour circonvenir ce problème, qu'il faut prendre en considération.
Le développement d'accélérateurs linéaires destinés à la radiothérapie peropératoire constitue une solution idéale, mais très coûteuse.
Cette technique implique une salle à double fonction (bloc opératoire et salle de radiothérapie), proche des départements de chirurgie et d'anatomie pathologique.
Un contrôle complet de la salle de la RTPO doit être effectué parce que l'alignement entre l'axe du faisceau et l'axe du localisateur doit être parfait.
Dans la salle de traitement radiothérapeutique, le localisateur est connecté à la tête de l'accélérateur soit par un système mécanique de contact (docking system) au moyen d'un adaptateur, soit par un système de visée optique laser (non docking system), le localisateur et l'adaptateur étant à distance l'un de l'autre.
Système stéréotaxique avec faisceau de photons X de basse énergie (L'extrémité distale du système est constituée d'une sphère qui est introduite dans la cavité de tumorectomie de telle sorte que le parenchyme résiduel du lit tumoral soit en contact étroit avec le système radiogène.
A l'intérieur de la sphère se trouve une petite source d'approximativement 10 cm de longueur et 1 mm d'épaisseur. Ce système peut travailler de façon stéréotaxique selon l'information dans un point déterminé. La zone de distribution de la dose autour de la source est approximativement sphérique. La position de la source dans le centre de l'applicateur sphérique génère une distribution de dose isotrope.
Le principal inconvénient de ce système est la très faible pénétration des radiations en profondeur (20 Gy 0,2 cm, 5 Gy 1,0 cm). Il est utilisé seulement dans le traitement de la maladie résiduelle a minima.
Le principe consiste à mettre en place, à l'intérieur ou au contact de la tumeur à irradier, un vecteur neutre qui après contrôle radiologique recevra la source radioactive. Les vecteurs sont connectés à des projecteurs de sources qui assurent une radioprotection totale.
Les projecteurs de sources utilisent une source miniaturisée, mobile projetée dans le site à traiter à rythme régulier et adapté. Les projecteurs et les calculs de dose sont informatisés.
Chaque source radioactive miniaturisée a une activité élevée (10 Ci), la dose délivrée est proche de 2 Gy/minute. Le radioélément est l'iridium 192 dans un cylindre d'environ 1 mm de diamètre. La position de la source peut être adaptée et programmée au fur et à mesure, avec une optimisation qui a pour objectif de permettre de délivrer une dose plus homogène, mieux adaptée au volume tumoral et aux structures saines avoisinantes.5
Les projecteurs de sources peuvent être facilement transportés du service de radiothérapie au bloc opératoire sans nécessiter de protection spéciale.
La curiethérapie HDD peut aussi utiliser un système d'implantation différent des aiguilles ou tubes plastiques. Le système décrit a été conçu pour irradier les marges de la cavité de tumorectomie dans le cancer du sein. Le cathéter consiste en un tube à double lumière à l'extrémité distale duquel se trouve un ballonnet. Ce ballonnet peut être gonflé avec du sérum physiologique pour obtenir des diamètres variables. L'irradiation est réalisée à l'aide d'un projecteur de sources muni d'une source d'iridium 192 à haut débit de dose qui est connecté au cathéter et projette la source radioactive jusqu'au ballonnet pour délivrer la dose prescrite.
La RTPO constitue une approche thérapeutique pluridisciplinaire. Elle fait appel à la balistique, aux protocoles de traitement, à la technologie, aux systèmes de planification, au personnel médical, aux radiophysiciens, à l'imagerie, etc.
Le traitement conservateur de référence du cancer du sein associe une résection complète de la tumeur avec marges saines, curage axillaire ou technique du ganglion sentinelle,6 une irradiation postopératoire de 45-50 Gy en 25 à 30 séances quotidiennes en cinq à six semaines sur l'ensemble de la glande mammaire. Un complément d'électrons du lit tumoral de 10-15 Gy7-9 ou plus dans les cas de marges positives.10 Le complément est donné sur un volume généralement plus grand que le lit tumoral pour couvrir tout le volume à risque.
Les champs plus grands peuvent entraîner des complications telles que la fibrose et des télangiectasies.11 Le complément peut être effectué pour deux champs tangentiels de photons, un champ direct d'électrons ou par l'implantation interstitielle d'iridium.
Actuellement, la RTPO a été utilisée dans de petites séries de patients sélectionnés pour réaliser un complément anticipé équivalent à 2-3 semaines de radiothérapie externe.
Certains essais de phase III ont randomisé un traitement mammaire conservateur, par chirurgie seule ou associée à une radiothérapie postopératoire. Tous ces essais ainsi que leur méta-analyse ont conclu qu'en l'absence de radiothérapie postopératoire, la chirurgie conservatrice du cancer du sein exposait à un risque de récidive locale d'environ 36% contre un risque d'environ 10% en cas d'association radio-chirurgicale.12-16 Ces essais ont également identifié des sous-groupes à bas risque de récidive locale (femme âgée), mais l'importance du facteur de risque n'est pas encore clairement vérifiée.
La prise en charge thérapeutique du cancer du sein est encore très discutée quant à son traitement optimal-minimal, associé à un résultat carcinologique toujours meilleur, tenant compte du résultat esthétique, de la durée du traitement, des effets secondaires, de la toxicité du traitement et de la qualité de vie des patientes.
Ribeiro et coll.,17 ont présenté les résultats d'un essai randomisé comparant la radiothérapie externe focalisée sur le quadrant tumoral, à la radiothérapie externe conventionnelle de toute la glande mammaire après tumorectomie pour les patientes avec ganglions négatifs et avec tumeur inférieure à 4 cm. Avec un recul médian de 6,5 ans, le taux de récidive locale actuarielle était de 38% chez les patientes traitées par irradiation focalisée, contre 16% dans le groupe de radiothérapie de toute la glande mammaire.
Certaines équipes ont proposé différentes modalités d'irradiation focalisée sur le site tumoral initial, permettant de ce fait de diminuer le temps total de traitement postopératoire par les agents physiques tout en tenant compte de la maladie infraclinique potentielle. Plusieurs techniques d'irradiation focalisée ont été décrites. La curiethérapie peropératoire à haut ou bas débit de dose ou la radiothérapie peropératoire, permettent d'obtenir un taux de récidive local compris entre 0 et 37% avec un recul médian variable compris entre 8 et 72 mois, associé à des résultats esthétiques tout à fait comparables à ceux retrouvés dans le cas d'irradiation externe conventionnelle.
Veronesi et coll. ont présenté les résultats d'un essai randomisé (Milan III)18,19 comparant quadrantectomie, curage axillaire plus radiothérapie, à quadrantectomie plus curage axillaire sans radiothérapie. Ils constatent que dans le bras quadrantectomie exclusive le taux de récidives locales à l'intérieur du quadrant tumoral initial est de 86%. Cette observation encourage le choix d'une irradiation focalisée.
Notre intérêt s'est focalisé sur la radiothérapie peropératoire avec électrons. Cette technique a démontré sa capacité à délivrer une dose très importante et unique directement sur le lit tumoral restant, la peau et le tissu normal étant maintenus en dehors du champ par un système d'écarteurs.
Les études rétrospectives et prospectives concernant la radiothérapie peropératoire avec électrons dans les tumeurs du tube digestif (pancréas, rectum, estomac), les tumeurs gynécologiques et les sarcomes de tissus mous tendent à prouver l'amélioration significative du contrôle local. Par contre, l'expérience dans le cancer du sein est très limitée et n'a donné lieu qu'à très peu de publications.
Les deux premières études, rétrospectives, concernaient la radiothérapie peropératoire soit focalisée sur le lit tumoral, soit comme complément avant la radiothérapie externe.
L'analyse des données radiobiologiques concernant la dose unique de radiothérapie peropératoire avec électrons montre qu'elle est 1,5 à 2,5 fois plus importante que la dose délivrée avec radiothérapie externe.
Par exemple, une dose totale de 60 Gy donnée lors de séances de 2 Gy est équivalente biologiquement à une dose unique de radiothérapie peropératoire d'électrons de 22,3 Gy (a/b = 10). Dans notre étude, nous avons conclu que 21 Gy équivalaient à la dose d'un traitement complet.
La tolérance de la dose unique par les tissus sains n'est pas parfaitement connue, spécialement à long terme. Il est donc très important d'effectuer un programme clinique avec suivi des patients traités avec RTPO.
Le programme ELIOT a débuté au mois de juillet 1999 après une très longue période d'organisation pluridisciplinaire. Actuellement, plus de 350 patientes (âge moyen 59 ans) ont été traitées. Toutes les patientes avaient un cancer du sein infiltrant, histologiquement confirmé, d'un diamètre allant jusqu'à 2,5 cm.
Notre expérience clinique a été développée en trois étapes :20,21
I une étude d'augmentation de dose pour déterminer la dose maximale unique tolérable et pour déterminer l'équivalence avec la radiothérapie externe conventionnelle ;
I une étude phase II pour évaluer la toxicité de la dose maximale tolérable (21 Gy) dans un groupe important de patients ;
I une étude prospective randomisée comparant radiothérapie externe conventionnelle (50 Gy à toute la glande mammaire plus 10 Gy de complément sur le lit tumoral) à une dose unique focalisée de radiothérapie peropératoire.
Elle consiste en la résection complète de la tumeur avec marges d'exérèse négatives, avec des marges de sécurité moyennes de 1 cm. Selon le cas, elle est associée à l'évaluation axillaire par la technique du ganglion sentinelle.
Après la résection de la tumeur, le reste du parenchyme mammaire est déplacé vers le lit tumoral pour exposer le parenchyme à la radiation. Pour minimiser l'irradiation à la paroi thoracique, une plaque protectrice est placée entre la glande et le muscle pectoral.
L'énergie des électrons est choisie en fonction de l'épaisseur du volume cible (portion de glandule mammaire à irradier). On a créé un système pour écarter et éloigner la peau du collimateur parce qu'il est fondamental de protéger la peau de l'irradiation.
L'irradiation débute immédiatement après positionnement de l'applicateur (voie contrôle automatique). L'irradiation, effectuée en deux étapes avec un contrôle de qualité de la dose, dure au total de deux à quatre minutes. Dès qu'elle est terminée, la glandule est suturée. La phase postopératoire ne présente pas de risque de complications supplémentaires.
La dose maximale unique tolérée a été de 21 Gy.
Nous n'avons pas trouvé une quantité majeure de réactions secondaires précoces ou intermédiaires, avec un recul moyen de dix à vingt mois. Le résultat esthétique a été tout à fait satisfaisant.