Résumé
Vous souvenez-vous du prix de votre voiture en 1980 ? Et voudriez-vous acheter ce même modèle ? Ah, quel charme : 4 vitesses, échauffement des freins garanti en montagne, ceintures fixes et surtout pas d'airbag. Bien évidemment, le Genève-Berne se faisait dans le même temps de parcours qu'aujourd'hui, sinon moindre, car il y avait moins d'embouteillages. Notre population vieillit, la loi oblige les caisses-maladie à prendre en charge ce qu'elles ne prenaient pas en charge il y a vingt ans, et les primes augmentent. Certes, il y a des abus, et même si l'incontournable Schumacher gagne sur Ferrari, nous n'avons pas tous besoin de ce joyau de l'industrie automobile. Nous n'avons pas besoin de résonance magnétique dans chaque cabinet et nous pouvons fort bien employer d'anciens médicaments pour traiter des affections courantes, lorsque le nouveau n'amène ni sécurité accrue ni efficacité supplémentaire déterminante. Mais les malades demandent, avec raison, que nous ayons les moyens d'assurer des soins de qualité, efficaces et humains. Et quels sont ces moyens ? D'abord une équipe infirmière respectée pour son haut degré de formation, au courant des techniques de soins les plus complexes et simultanément capable d'être présente au chevet du malade, à son écoute. Ce dernier élément veut dire du temps, et l'adage bien connu est on ne peut plus actuel : le temps, c'est de l'argent. Ensuite des moyens techniques adéquats, que ce soit en radiologie diagnostique ou interventionnelle, que ce soit un bloc opératoire équipé pour une chirurgie non invasive, ou des médicaments performants pour les situations difficiles. Et le temps pour continuer à se former, pour ne pas perdre en quelques années ce bagage de savoir qui, s'il ne remplace pas l'expérience, est sans cesse renouvelé par les progrès indéniables de l'art médical. Mais ces acquis de la médecine, en Suisse comme ailleurs, sont sans cesse mis en péril par le système de paiement des soins. Comment peut-on exiger des hôpitaux et des cliniques de ne pas augmenter leurs tarifs alors qu'enfin on reconnaît la surcharge du personnel, y compris celle des médecins-assistants, et qu'on impose des limites à leur temps de travail, obligeant à recruter plus de monde pour au moins maintenir le même niveau d'assistance ? Où l'administrateur peut-il trouver de l'argent pour amortir les équipements dont le prix ne diminue certes pas ? Et ne décrivons pas les difficultés que la «neutralité des coûts» risque de présenter pour le praticien, dont la «dignité» doit encore être reconnue par la sacro-sainte bureaucratie omnisciente qui veut guider la médecine comme au temps qu'elle regrette, celui des plans quinquennaux de l'agriculture soviétique. Malheureusement nous nous battons mal, non pas pour «nos» intérêts, mais pour ceux de toute la population, malade un jour ou l'autre, hélas. Nous menons une bataille réactive aux attaques de groupements bien organisés, avec leur logique propre, entourés de toutes sortes de conseillers, de l'économiste au «communicateur». Nous allons, divisés, au front. Mais peut-être est-ce un atout, car la guérilla a vaincu bien des forces dites supérieures. Elle a vaincu par sa foi en sa cause, et les médecins, infirmières, pharmaciens et tous leurs partenaires ont encore foi dans le concept d'une médecine de qualité, une médecine proche du malade et à son service, préventive si possible, et aussi palliative ou curative. Continuons à présenter nos arguments, cherchons sans cesse la faille chez ceux qui veulent nous diviser, et n'oublions pas que si le prix est élevé, c'est celui de la qualité, et que cette qualité est notre santé à toutes et à tous.
Contact auteur(s)
Matti S. Aapro
et
Jean-Pierre Chevalley
Division de chirurgie
Institut multidisciplinaire d'oncologie
Clinique de Genolier
Genolier