Le monitorage de la pression artérielle en ambulatoire est utilisé de plus en plus largement dans l'approche diagnostique et thérapeutique du malade hypertendu. Le médecin dispose aujourd'hui de recommandations internationales qui proposent les normes et les indications de la pression artérielle enregistrée en ambulatoire. Ces recommandations devraient aider à tirer le maximum de profit des profils tensionnels obtenus.
La mesure de la pression artérielle est devenue un geste de routine lors de toute visite médicale. Elle demeure toutefois une procédure difficile qui ne donne pas toujours des chiffres tensionnels représentatifs de la «vraie» pression artérielle à laquelle est exposée un sujet donné. Il peut y avoir des problèmes liés à l'appareillage, à un brassard de taille non appropriée, voire à des procédures de mesure inadéquates. La difficulté majeure ne réside cependant pas dans ces problèmes à caractère technique, puisqu'il est possible d'y remédier. Elle vient plutôt de la grande variabilité de la pression artérielle, cette dernière fluctuant en fonction du moment de la journée ainsi que de l'activité physique et mentale. Dans ce cadre est à mentionner le fameux «effet blouse blanche», cette montée tensionnelle observée fréquemment en présence du médecin et dont l'amplitude peut être très différente d'un sujet à l'autre. C'est pour mieux évaluer la pression artérielle des malades lorsqu'ils vaquent à leurs occupations habituelles, en dehors de l'influence du milieu médical, qu'ont été développés les appareils portatifs de mesure de la pression artérielle. Le monitorage de la pression artérielle en ambulatoire grâce à ces appareils automatiques s'est libéralisé de plus en plus dans la pratique quotidienne et il existe un nombre croissant d'enregistreurs fournissant des profils tensionnels fiables.1 Des recommandations quant à l'indication et l'interprétation des enregistrements de la pression artérielle en ambulatoire sont disponibles dans plusieurs pays.2-7 D'où vient cet intérêt ? Certainement du fait que la pression artérielle enregistrée dans le milieu habituel du malade est reconnue aujourd'hui pour refléter mieux le risque cardiovasculaire que la pression artérielle déterminée de façon sporadique par un médecin dans son cabinet.8
La Société européenne d'hypertension a publié récemment de nouvelles recommandations sur la mesure de la pression artérielle incluant l'enregistrement tensionnel en ambulatoire.9 Le but du présent travail est de résumer les principales conclusions de ce rapport.
La démarcation entre normotension et hypertension artérielle est difficile à établir, aussi bien en ce qui concerne les valeurs tensionnelles de cabinet que celles enregistrées en ambulatoire. Elle a un caractère arbitraire étant donné la relation linéaire existant entre le niveau de la pression artérielle et le risque cardiovasculaire. Aujourd'hui l'hypertension est définie au cabinet par une pression supérieure ou égale à 140/90 mmHg.10 Pour la mesure de la pression en ambulatoire, il est proposé de régler l'enregistreur pour qu'il s'active à intervalles de 30 minutes pendant toute la journée. L'analyse de l'enregistrement se fait ensuite en moyennant séparément les valeurs tensionnelles obtenues pendant les heures diurnes et celles mesurées pendant le sommeil. La pression enregistrée en ambulatoire est plus basse que celle mesurée par un médecin chez la plupart des malades. Le tableau 1 montre les valeurs normales de ces pressions. Pour les valeurs intermédiaires (136-139/86-90 mmHg pendant les heures diurnes et 121-125/70-75 mmHg pendant la nuit), la présence d'autres facteurs de risque ou l'existence d'une atteinte d'un organe cible conduira à les considérer comme anormalement élevées.
Deux types d'informations sont fournis par les enregistrement tensionnels en ambulatoire : 1) la moyenne des pressions pendant les heures diurnes et nocturnes, qui reflètent la charge de pression à laquelle est soumis un individu ; 2) le déroulé des pressions artérielles enregistrées pendant 24 heures, qui permettent d'identifier un comportement éventuellement anormal de la pression artérielle à un moment ou à un autre. Selon les nouvelles recommandations, un enregistrement tensionnel en ambulatoire paraît dès lors particulièrement indiqué dans les situations décrites dans le tableau 2.9
L'hypertension «blouse blanche», définie comme une pression artérielle au cabinet en présence d'une pression artérielle normale lors de l'enregistrement tensionnel en ambulatoire, est fréquente, avec une prévalence d'environ 10% dans la population.11,12 Il n'est pas certain que ce type d'hypertension soit vraiment bénin à long terme, mais le risque cardiovasculaire qui lui est associé est sans aucun doute beaucoup plus petit que celui des malades avec hypertension établie. L'enregistrement tensionnel en ambulatoire permet donc de retarder la mise en route d'un traitement antihypertenseur chez beaucoup de malades. Il faut savoir toutefois que les malades avec hypertension «blouse blanche» sont enclins à développer avec le temps une hypertension permanente, d'où la nécessité de les suivre régulièrement à intervalles d'une année. Faut-il suspecter une hypertension «blouse blanche» chez tout malade jugé hypertendu au cabinet ? Il est recommandé d'avoir recours à un enregistrement tensionnel en ambulatoire surtout chez les sujets à faible risque cardiovasculaire, lorsque l'hypertension est d'apparition récente ainsi qu'en l'absence d'évidence d'une atteinte d'un organe cible.
Chose intéressante, a été identifié chez certains malades un type d'hypertension appelée «hypertension masquée» et caractérisé par une pression normale au cabinet médical alors que la pression artérielle enregistrée en ambulatoire est anormalement élevée.13 Il s'agit d'un comportement tensionnel qui est loin d'être rare, mais qui ne peut manifestement pas être activement recherché chez chaque individu présentant une pression normale au cabinet. La présence d'un tel phénomène mérite d'être investiguée par enregistrement tensionnel en ambulatoire surtout chez les malades présentant une atteinte d'un organe cible malgré une pression de cabinet apparemment normale.
Le monitorage de la pression artérielle en ambulatoire représente une aide précieuse pour ajuster le traitement antihypertenseur. Il permet d'éviter le surtraitement de nombre de malades.14 Par ailleurs il donne l'occasion unique de vérifier que le traitement est efficace pendant toute la journée et qu'il n'entraîne pas, par intermittence, des épisodes d'hypotension. Une étude très récente vient de démontrer chez le malade hypertendu traité la supériorité de la pression artérielle enregistrée en ambulatoire par rapport à la pression mesurée au cabinet comme élément prédictif des complications cardiovasculaires.15
Une indication capitale du monitorage de la pression artérielle en ambulatoire est l'hypertension résistante au traitement.16 Une large fraction des malades gardant au cabinet des valeurs tensionnelles trop élevées malgré la prise de plusieurs médicaments antihypertenseurs ont, en dehors du milieu médical, une pression artérielle normale. Une étude prospective réalisée chez des malades avec hypertension réfractaire a confirmé la meilleure valeur pronostique de la pression artérielle enregistrée en ambulatoire par rapport à celle mesurée par un médecin.17
La pression artérielle doit normalement être plus basse pendant le sommeil (d'au moins 10%) que pendant les heures de veille. Il semble que les malades ne diminuant pas leur pression artérielle pendant la nuit soient à risque accru sur le plan cardiovasculaire.18,19 L'absence d'une baisse suffisante de la pression artérielle pendant la nuit doit faire penser à l'existence potentielle d'une hypertension secondaire ou d'un syndrome d'apnée du sommeil. Il faut se souvenir néanmoins que la reproductibilité de la pression artérielle enregistrée pendant la nuit est mauvaise. Il peut dès lors être nécessaire de répéter l'enregistrement en cas de doute.
Evaluation de la pression artérielle chez le malade diabétique
Le malade diabétique est à haut risque cardiovasculaire. Il est impératif que sa pression artérielle soit contrôlée de façon optimale (pression cible au cabinet 20-22
Le monitorage de la pression artérielle en ambulatoire est très utile chez la femme devenant hypertendue en cours de grossesse pour mettre en évidence un éventuel effet «blouse blanche». Il apparaît aujourd'hui que la pression artérielle enregistrée ambulatoirement est un meilleur élément prédictif des complications de la grossesse que la pression conventionnelle.23-26 Les valeurs de pression artérielle enregistrées en ambulatoire en cours de grossesse sont données dans le tableau 3.27
Certains malades signalent des symptômes survenant ou non à un moment précis de la journée. Le monitorage de la pression artérielle en ambulatoire permet quelquefois de mettre en relation ces symptômes avec un comportement particulier de la pression artérielle. Cela est particulièrement vrai pour les symptômes liés à l'hypotension.
Le monitorage de la pression artérielle en ambulatoire a trouvé aujourd'hui sa place dans l'approche diagnostique et thérapeutique du malade hypertendu. Les recommandations internationales soulignent l'utilité de ce type de mesure de la pression artérielle dans des indications ciblées, ce qui donne un cadre bien défini à l'emploi du monitorage tensionnel dans la pratique de tous les jours.