Edito: De la psychothérapie à la neurogenèse
François Borgeat et François Ferrero
Rev Med Suisse
2003; volume -1.
23242
Résumé
Cette année encore le numéro spécial Lausanne-Genève consacré à la psychiatrie, que nous sommes fiers de vous proposer, illustre la diversité et l'évolution de notre spécialité. Le numéro traite en effet de sujets allant de la plasticité neuronale à la psychothérapie. Deux articles traitent de plasticité neuronale, témoignant ainsi de la place accrue des neurosciences en psychiatrie. Un de ces articles (Alexandre Dayer) fait état de recherches fondamentales sur la neurogenèse, démontrant qu'elle continue même alors que l'âge avance, et qu'elle pourrait être reliée à des phénomènes dépressifs, laissant entrevoir des hypothèses tout à fait novatrices d'interventions, éventuellement au niveau génétique. Le second article (Pascal Vianin et coll.) se réfère à la plasticité neuronale pour expliquer les effets de plus en plus documentés de la remédiation cognitive chez les schizophrènes.Trois articles traitent de sujets cliniques spécifiques. Thomas Haefliger et collaborateurs font le point sur le traitement de l'agitation, toujours problématique à l'hôpital et dans les salles d'urgence car ce traitement doit évoluer au fur et à mesure que les substances pharmacologiques apparaissent et disparaissent. Ariel Eytan et collaborateurs traitent de l'hypertabagisme observé de longue date chez les patients psychiatriques, de ses mécanismes biologiques probables et nous incitent à ne pas être défaitistes devant ce problème de santé publique chez nos patients. Fady Rachid et collaborateurs font le point sur la luminothérapie dont on parle de plus en plus ces dernières années dans le traitement d'une forme spécifique de dépression, la dépression saisonnière.Finalement Nicolas Duruz et collaborateurs nous rappellent que la psychothérapie est toujours une activité centrale en psychiatrie. Nous avons besoin d'une vision de la psychothérapie ouverte, non dogmatique et scientifique. De plus en plus la communauté scientifique, de même que les agents payeurs, s'attendent à ce que la psychothérapie s'appuie sur des démonstrations de son efficacité, ce qu'elle réussit à faire de plus en plus. Notons une métaanalyse récente (Leichsenring et Leibing, American Journal of Psychiatry 2003 ; 160 : 1223-32) concluant à l'efficacité tant des approches psycho-dynamiques que cognitivo-comportementales dans le traitement des troubles de personnalité, conditions particulièrement chroniques et difficiles à traiter.Périodiquement des auteurs se penchent sur l'avenir de la psychiatrie. Certains prédisent l'éclatement de notre spécialité en deux branches : d'une part, une démarche essentiellement biologique, qui s'assimilerait de plus en plus à une neurologie élargie et, d'autre part, des interventions de type psychosocial et humaniste qui seraient de plus en plus confiées à des non-médecins. Il semble qu'au contraire les ponts entre ces deux catégories d'interventions se multiplient : en témoignent une psychothérapie plus rigoureuse et plus appuyée scientifiquement, des interventions cognitives susceptibles de modifier la morphologie neuronale, des dépendances (par exemple tabagiques) reflétant des tentatives d'autoguérison, des interventions environnementales simples (telles que la luminothérapie) démontrant des effets sur l'humeur et la biologie.
Contact auteur(s)
François Borgeat
Chef du service de psychiatrie générale et spécialisée
Département universitaire de psychiatrie adulte de Lausanne
et
François Ferrero
Chef du département de psychiatrie
Hôpitaux universitaires de Genève