Le syndrome de Brugada est une affection de la repolarisation cardiaque qui est responsable de mort subite suite au déclenchement inopiné de tachycardies ventriculaires polymorphes. Les patients symptomatiques épisodes syncopaux ou mort subite réanimée avec succès doivent bénéficier de l'implantation d'un défibrillateur cardiaque. L'indication d'implantation d'un défibrillateur chez un sujet asymptomatique au moment du diagnostic de la maladie est conditionnée par l'aspect de l'électrocardiogramme et le résultat de l'exploration électrophysiologique.
Le syndrome de Brugada est une affection de la repolarisation cardiaque qui se caractérise par la présence sur l'électrocardiogramme d'une morphologie de bloc de branche droit et d'un sus-décalage convexe vers le haut du segment ST dans les dérivations précordiales droites (fig. 1).1 Cette anomalie électrophysiologique peut s'accompagner de syncopes voire d'une mort subite suite au déclenchement inopiné d'épisodes de tachycardies ventriculaires polymorphes. L'âge de la première manifestation clinique est variable, compris entre 2 et 77 ans (le plus fréquemment et de manière inexpliquée dans la quarantaine).2,3 L'arythmie n'est pas déclenchée par l'effort mais survient généralement au repos ou au cours du sommeil.4,5 La maladie est héréditaire avec une transmission autosomique dominante. Il existe également des formes sporadiques.
Chez les patients symptomatiques, c'est-à-dire ayant présenté des épisodes syncopaux ou une mort subite réanimée avec succès, le risque de récidive de l'arythmie est élevé.6 Dans ce cas, l'implantation d'un défibrillateur cardiaque représente le seul traitement préventif efficace. Chez le sujet asymptomatique au moment de la découverte du syndrome de Brugada, l'attitude thérapeutique est moins catégorique et est conditionnée par le niveau du risque potentiel de survenue d'un épisode de tachycardie ventriculaire polymorphe.7
Le syndrome de Brugada est une maladie purement électrique du cur sans anomalie structurelle identifiable lors de la réalisation d'une résonance magnétique nucléaire, d'une échographie, d'une coronaro-ventriculographie. L'examen anatomo-pathologique ne révèle pas non plus d'anomalie du myocarde. Les bases moléculaires de la maladie sont encore largement inconnues.8 Chez environ 15 à 30% des patients, il existe une anomalie au niveau du gène SCN5A localisé sur le chromosome 3.9-12 Ce gène contient le code génétique de la sous-unité a des canaux sodiques présents dans la membrane cellulaire des myocytes. Trois types de mutation du gène ont été identifiés : une mutation non-sens, une mutation par épissage défectueux et une mutation par délétion. Le premier type de mutation est responsable d'une perte de fonction ou d'inactivation plus rapide du canal sodique tandis que les deux derniers types entraînent une diminution du nombre des canaux sodiques fonctionnels. Les anomalies de fonctionnement des canaux sodiques provoquent une hétérogénéité de la repolarisation entre les myocytes des couches endocardiques et épicardiques qui se traduit sur l'électrocardiogramme par le sus-décalage du segment ST et qui favorise le déclenchement de tachycardies ventriculaires polymorphes. L'anomalie des canaux sodiques se transmet sous un mode autosomique dominant. Dans les familles atteintes du syndrome de Brugada, certains membres peuvent être porteurs de l'anomalie sans exprimer la maladie (présence d'une mutation sur le gène avec un électrocardiogramme normal).
Actuellement, le diagnostic de syndrome de Brugada repose uniquement sur l'analyse de l'électrocardiogramme : présence d'une morphologie de bloc de branche droite associé à un sus-décalage convexe du segment ST. L'aspect de ce dernier peut être variable au cours du temps, parfois influencé par le système nerveux autonome ou certaines drogues. La stimulation adrénergique au cours du stress et de l'effort physique ou l'administration de drogues (isoprotérénol) diminuent l'amplitude des anomalies électrocardiographiques. Inversement, les bêta-bloquants, la stimulation vagale, les antiarythmiques de la classe 1, les antihistaminiques de première génération, certains psychotropes, la cocaïne ou la fièvre majorent l'amplitude des anomalies.13-20
Dans les formes frustres ou douteuses, il est parfois nécessaire de recourir à un test de provocation pharmacologique pour confirmer le diagnostic de syndrome de Brugada (fig. 2). Dans ces cas, on utilise l'injection intraveineuse d'un antiarythmique de la classe 1 (procaïnamide, flécaïne ou ajmaline) qui bloque les canaux sodiques.21 La sensibilité du test est moindre avec la procaïnamide qui ne doit plus être utilisée. La flécaïne dont la demi-vie est longue a le désavantage de bloquer de manière prolongée les canaux sodiques imposant un monitorage du patient durant plusieurs heures. Il est conseillé d'utiliser l'ajmaline dont la durée d'action est courte, de l'ordre de deux minutes.22 Un sus-décalage en forme de selle du segment ST (fig. 3) ne doit pas être considéré comme un aspect électrocardiographique du syndrome de Brugada s'il ne se transforme pas en forme de sus-décalage convexe après l'administration d'ajmaline.23
Les circonstances de la découverte d'un syndrome de Brugada chez un sujet asymptomatique sont variables. Le diagnostic peut être posé lors de la réalisation d'un électrocardiogramme dans le cadre d'un simple bilan de santé ou d'une mise au point préopératoire, d'une recherche familiale systématique après la survenue d'une mort subite chez un des parents, après l'instauration d'un traitement antiarythmique notamment pour une fibrillation auriculaire.
Dans l'état actuel de nos connaissances, la stratification du risque de mort subite du patient asymptomatique se base sur deux paramètres : l'aspect de l'électrocardiogramme dans les conditions basales et le résultat de la stimulation programmée du ventricule au cours de l'exploration électrophysiologique. Les résultats de cette dernière peuvent être influencés par les modalités du programme de stimulation ventriculaire utilisé. Il est recommandé de réaliser une stimulation de l'apex du ventricule droit (un seul site) avec trois cycles différents d'entraînement et l'introduction d'au maximum trois extrastimuli dont le couplage le plus court est de 200 ms. Le risque de mort subite est le plus élevé chez le patient qui associe un électrocardiogramme basal anormal et le déclenchement d'une tachycardie ventriculaire polymorphe lors de l'exploration électrophysiologique. Le risque est le plus faible en présence d'un électrocardiogramme anormal uniquement après administration d'ajmaline et en l'absence d'inductibilité d'une tachycardie lors de la stimulation ventriculaire programmée (tableau 1).7
Le défibrillateur automatique implantable est le seul traitement efficace qui soit actuellement disponible dans la prévention primaire de la mort subite chez les sujets asymptomatiques porteurs d'un syndrome de Brugada. Les données de la littérature ne plaident pas pour l'implantation d'un défibrillateur cardiaque chez tous les sujets asymptomatiques.7
Actuellement, il est conseillé d'implanter un défibrillateur chez les sujets asymptomatiques avec un électrocardiogramme spontanément anormal et une tachycardie ventriculaire polymorphe déclenchée lors de l'exploration électrophysiologique. Le bénéfice de l'implantation d'un défibrillateur reste incertain chez les sujets asymptomatiques dont l'électrocardiogramme n'est anormal qu'après administration d'ajmaline et chez lesquels l'exploration électrophysiologique est positive. Les sujets asymptomatiques dont l'exploration électrophysiologique est négative ne devraient pas recevoir de défibrillateur mais être réévalués en cas d'apparition de symptômes évocateurs d'une arythmie. Dans tous les cas, la décision thérapeutique reste difficile, parfois influencée par le contexte familial. Ainsi, il est compréhensible d'accéder à la demande d'implantation d'un défibrillateur émise par un sujet asymptomatique dont l'exploration électrophysiologique est négative mais avec une histoire familiale de mort subite liée au syndrome de Brugada.
La décision d'implantation d'un défibrillateur chez un sujet asymptomatique, le plus souvent jeune, doit également tenir compte des contraintes liées à la technique. En particulier chez l'enfant, il faut considérer l'impact psychologique et les problèmes techniques d'une implantation, les risques accrus d'infection du matériel inhérent, notamment, au remplacement régulier du boîtier, les fractures de sondes ou les chocs inappropriés.
Le syndrome de Brugada est une affection héréditaire à transmission autosomique dominante qui expose le sujet atteint à un risque de mort subite par tachycardie ventriculaire polymorphe. La découverte d'un syndrome de Brugada chez un sujet asymptomatique justifie l'évaluation du risque de mort subite qui doit intégrer l'aspect de l'électrocardiogramme dans les conditions basales et le résultat de la stimulation programmée du ventricule. Actuellement, seul le défibrillateur implantable permet d'assurer une protection efficace contre les épisodes d'arythmie ventriculaire. W