La perte pondérale importante, engendrée par la chirurgie bariatrique, favorise le contrôle de la plupart des comorbidités liées à l'obésité et souvent les corrige, améliorant significativement la qualité de vie. On observe, en outre, une réduction de l'apparition de nouveaux cas de maladies métaboliques et cardiovasculaires. L'impact du traitement chirurgical sur la santé et la qualité de vie du patient permet également de diminuer les coûts directs et indirects de l'obésité morbide. Ses effets sur la mortalité sont encore insuffisamment démontrés. L'évaluation préopératoire et le suivi à long terme par une équipe expérimentée sont indispensables afin de réduire les potentielles complications, surtout sur le plan nutritionnel, et les risques de reprise pondérale liés particulièrement aux troubles du comportement alimentaire.
L'obésité est associée à un risque important de complications (comorbidités) qui touchent entre autres le métabolisme (diabète, dyslipidémie), le système cardiovasculaire (hypertension artérielle, coronaropathie, insuffisance veineuse), le système respiratoire (syndrome des apnées du sommeil, hypoventilation), le système musculo-squelettique (arthrose précoce), sans oublier d'autres complications dont par exemple le reflux gastro-sophagien, l'infertilité, l'incontinence urinaire et les risques accrus de développer certaines formes de cancers.1-3 Cette liste est loin d'être exhaustive, et bien d'autres comorbidités existent. Celles-ci, dans leur ensemble, aboutissent à une diminution nette de la qualité de vie et à une augmentation de la mortalité, d'autant plus importante que l'excès pondéral augmente.
Les coûts directs et indirects résultant de toutes ces affections ont un impact économique impressionnant, affectant le budget de la santé et l'économie en général.4
Jusqu'à présent, les traitements dits conservateurs (mesures diététiques, médicaments) se sont révélés très peu efficaces chez les patients présentant une obésité morbide. Peu de patients parviennent à perdre un poids suffisant par ces moyens, moins de 5% d'entre eux maintiennent cette perte à long terme.5-7 Il n'est dès lors pas étonnant que le rôle de la chirurgie bariatrique devienne de plus en plus important, puisqu'elle représente actuellement la seule solution qui permette à la majorité des patients opérés une perte pondérale tangible qui se maintienne à long terme.
Un des buts de la perte pondérale chez les patients obèses est la prévention et la correction des comorbidités. Il a d'ailleurs été démontré que même une perte pondérale relativement faible obtenue après traitement conservateur avait un effet favorable sur le contrôle du diabète ou de l'hypertension artérielle.8
La perte pondérale après chirurgie bariatrique est associée à une importante amélioration des comorbidités chez une large majorité des patients, avec correction complète dans de nombreux cas. L'effet sur les comorbidités est proportionnel à l'importance de la perte pondérale. Différents travaux ont démontré un effet positif de la perte pondérale après chirurgie bariatrique sur le diabète, l'hypertension artérielle, les dyslipidémies, le reflux gastro-sophagien, les douleurs ostéoarticulaires et l'arthrose, la fonction cardiaque, l'asthme, le syndrome d'hypoventilation de l'obésité et le syndrome des apnées du sommeil, la fonction vésicale, l'hypertension intracrânienne, l'insuffisance veineuse, la dépression, etc.
Récemment, deux travaux importants ont été publiés, qui confirment à large échelle ces effets bénéfiques. Dans l'étude SOS (Swedish Obese Subject),9 plusieurs milliers de patients sont suivis depuis de nombreuses années dans le but de comparer les effets de la chirurgie bariatrique au traitement conservateur dans la prise en charge de l'obésité morbide, notamment en terme de perte de poids, de correction des comorbidités, de coûts et de mortalité. Il s'agit d'une étude interventionnelle non randomisée qui a débuté il y a une quinzaine d'années, et dans laquelle chaque patient opéré est apparié avant la chirurgie avec un patient présentant les mêmes caractéristiques, mais non opéré.
Les auteurs ont démontré chez les sujets opérés, à deux et dix ans postopératoires, une perte pondérale de respectivement 23,4% et 16,1% par rapport au poids initial. La perte pondérale était plus importante à dix ans après bypass gastrique que GVC ou cerclage gastrique (25%, 16,5% et 13,2% respectivement). Dans le groupe contrôle des patients traités conservativement, le poids n'avait presque pas changé en dix ans. Chez les patients du groupe chirurgical, aussi bien à deux ans qu'à dix ans, l'amélioration du diabète, de l'hypertension artérielle, des triglycérides, du HDL-cholestérol et de l'hyperuricémie était meilleure que chez les patients traités conservativement (figure 1 et tableau 1). Ces effets étaient toutefois moins marqués après dix ans, probablement en raison de la reprise pondérale partielle intervenue dans l'intervalle, mais aussi probablement en raison du vieillissement. Les améliorations étaient plus importantes chez les patients ayant subi un bypass gastrique que chez ceux ayant bénéficié d'une opération restrictive pure.9 Comme la grande majorité des patients inclus dans cette étude ont eu une intervention restrictive, on peut penser que les effets sur les comorbidités étudiées pourraient être plus importants encore après bypass gastrique.
Une méta-analyse,10 qui incluait une majorité de patients ayant bénéficié d'un bypass gastrique (42,7%) ou d'une DBP (24,4%), a montré une amélioration du diabète chez 86% des patients opérés, avec résolution complète chez 76,8% d'entre eux. Pour l'hypertension artérielle, ces chiffres sont respectivement de 78,5% et 61,7%. Le syndrome des apnées du sommeil était résolu dans 85,7% des cas et la dyslipidémie dans plus de 80% des cas. Un autre travail a étudié l'effet de la perte pondérale après chirurgie (GVC ou bypass gastrique) sur le syndrome métabolique chez 337 patients : le taux de résolution était de 95,6% après une année.11
L'intolérance au glucose, la résistance à l'insuline et le diabète se corrigent souvent ou s'améliorent nettement déjà très rapidement après bypass gastrique ou DBP, c'est-à-dire avant même qu'une perte pondérale ne soit intervenue. Il n'est pas rare de voir des patients qui prenaient des antidiabétiques oraux ou même de l'insuline avant d'entrer à l'hôpital sortir sans traitement quelques jours après l'opération et ne plus jamais présenter de problème.
La guérison si fréquente et si rapide du diabète après bypass gastrique a même poussé certains auteurs à proposer cette intervention comme le traitement de choix du diabète de type 2 chez l'obèse.12 Cet effet impressionnant repose sur des mécanismes encore incomplètement élucidés, faisant probablement intervenir d'une part la restriction alimentaire importante qui suit le bypass gastrique dans le postopératoire immédiat, mais probablement aussi certaines hormones digestives.
Il est donc évident que la perte pondérale qui suit les opérations bariatriques s'accompagne d'une nette amélioration des comorbidités chez la plupart des patients, avec notamment une amélioration des facteurs de risque cardiovasculaires. En ce qui concerne les effets de la chirurgie de l'obésité sur la mortalité, la question reste pour l'instant ouverte. En effet, la chirurgie elle-même est entachée d'une certaine mortalité.
Dans la méta-analyse de Buchwald et coll.,9 elle était de 0,1% pour les opérations purement restrictives, de 0,5% pour le bypass gastrique, et de 1,1% pour la DBP. Ceci est heureusement faible en regard de la mortalité qui a été rapportée chez les obèses morbides dans certains travaux. La question principale posée dans l'étude SOS10 est justement celle de l'influence de la chirurgie sur la mortalité. A ce jour, en raison d'un suivi pour l'instant encore insuffisant, aucune analyse comparant la mortalité des patients opérés à celle de ceux traités conservativement n'a été réalisée. Des résultats sont en principe attendus pour cette année.
Deux études de cohorte publiées l'année passée ont comparé, dans une population donnée, la mortalité des obèses morbides opérés à celle des non opérés. Les résultats sont évidemment à interpréter avec circonspection étant donné qu'il ne s'agit pas d'études randomisées. Dans la première,13 Christou et coll. ont comparé 1035 patients opérés à Montréal avec un groupe de 5746 contrôles sortis de la base de données des assurances provinciales au Québec. La mortalité à cinq ans dans le groupe chirurgical était de 0,68% (comprenant une mortalité périopératoire de 0,4%), alors que la mortalité dans le groupe de patients non opérés était de 6,17%. Les auteurs ont conclu à une réduction de la mortalité de 89% après chirurgie.
Dans la seconde étude, Flum et coll.14 ont comparé les patients opérés (3328 cas) aux non opérés (62 781) dans l'Etat du Washington. Là encore, la mortalité à quinze ans était significativement plus faible parmi les patients opérés que chez les non opérés (11,8% contre 16,3%, p = 0,004).
Ces données sont de qualité insuffisante pour permettre des conclusions définitives. Il semble cependant probable que la réduction des comorbidités secondaires à la perte pondérale importante observée après chirurgie se traduise effectivement par un gain aussi en terme de mortalité.
Comme on peut s'y attendre, la perte de poids et la correction ou l'amélioration des comorbidités sont associées à une augmentation marquée de la qualité de la vie. Ceci a été démontré aussi bien pour le bypass gastrique que pour le cerclage gastrique à l'aide de différents scores validés évaluant la qualité de la vie, comme le SF-36, le GIQLS, ou le score de Moorehaed-Ardeldt.15,16 Une amélioration significative de la performance physique, de la vie sexuelle, de l'estime de soi, de la vie sociale, de l'efficacité professionnelle est décrite dans ces études. Ces changements et même une réduction du taux de chômage chez les patients ayant bénéficié d'une chirurgie bariatrique sont beaucoup plus significatifs que chez les patients ayant suivi un traitement de type conservateur (tableau 2).17
Plusieurs travaux ont démontré que la perte pondérale associée à la chirurgie de l'obésité, par son maintien à long terme, est associée à une diminution des coûts directs et indirects liés à l'obésité, par la diminution du nombre de visites médicales, des jours d'hospitalisation, du nombre et du dosage des médicaments, ainsi que par la diminution de l'absentéisme. Cette diminution compense en moins de cinq ans les frais liés à l'intervention chirurgicale et à l'hospitalisation.13,18,19
La chirurgie bariatrique se révèle actuellement le traitement le plus efficace pour l'obésité. Dernièrement, son efficacité sur le long terme a été documentée.
La perte pondérale s'associe à une nette amélioration des comorbidités liées à l'obésité et à une amélioration significative de la qualité de vie. A signaler également que l'on observe une prévalence largement inférieure de nouveaux cas de maladies métaboliques (intolérance au glucose, diabète, dyslipidémie, hypertension) chez les patients opérés que chez les patients suivis avec des traitements de type conservateur. Bien que les données soient encore insuffisantes, il est probable que le traitement chirurgical entraîne aussi une diminution de la mortalité. Il est important de souligner que toutes ces améliorations, sur le plan de la santé, comme sur le plan de la qualité de vie, sont dépendantes de l'importance de la perte pondérale.
La diminution des coûts liés à l'obésité constitue un point non moins marquant, surtout si l'on considère l'augmentation très importante de la prévalence de l'obésité dans tous les pays industrialisés.
Cependant il faudrait être attentif à ne pas abuser de la chirurgie bariatrique, qui demeure un traitement agressif avec un taux de morbidité encore non négligeable. L'évaluation préopératoire et le suivi à long terme par une équipe expérimentée sont indispensables, afin de réduire les potentielles complications sur le long terme, surtout sur le plan nutritionnel, et les risques de reprise pondérale liées particulièrement aux troubles du comportement alimentaire.