La pression monte et les grands de ce monde n'y sont pas pour rien. Ainsi George W. Bush, qui vient de manifester publiquement son inquiétude sur les risques d'une pandémie de grippe aviaire en expliquant que les Etats-Unis devaient s'y préparer en mettant en place des stratégies de quarantaine et de traitement. Le président américain est allé jusqu'à annoncer qu'il envisageait une évolution législative qui lui permettrait à lui ou à son successeur de mobiliser rapidement des militaires pour imposer le cas échéant la mise en quarantaine d'une région touchée. «Qui est le mieux à même de faire respecter une quarantaine ? Une possibilité est de recourir aux militaires, capables d'organiser et d'agir, a-t-il expliqué lors d'une conférence de presse organisée à la Maison-Blanche. Je suis inquiet de ce qu'une épidémie de grippe aviaire pourrait signifier pour les Etats-Unis et le monde. Je ne prédis pas une épidémie, mais on a intérêt à y réfléchir, et c'est ce que nous faisons.» M. Bush a aussi confié avoir profité de la récente Assemblée générale de l'ONU pour discuter en privé, avec le plus grand nombre possible de dirigeants de la communauté internationale, de la nécessité d'être vigilants et de rapporter rapidement à l'OMS toute évolution de la situation épidémiologique pour pouvoir faire face à une épidémie potentielle.Le président américain, qui avait appelé depuis la tribune des Nations unies, à un partenariat international pour lutter contre cette menace a enfin indiqué avoir discuté du développement d'un vaccin avec le Pr Anthony Fauci, directeur de l'Institut national américain des maladies infectieuses. «Ce serait bien si on avait un vaccin ; malheureusement, on n'en est pas là» a regretté l'homme souvent présenté comme étant le plus puissant de la planète.La pression monte et les scientifiques n'y sont pas pour rien qui rappellent à l'envi qu'il est aujourd'hui impossible de savoir si le virus de la grippe aviaire sera un jour transmissible d'homme à homme, mais que cela ne doit en rien empêcher de se préparer à une pandémie. Plusieurs experts l'ont redit lors du 7e congrès mondial sur les vaccins qui vient de se tenir à Lyon. «C'est la question que le monde entier se pose mais personne ne peut y répondre. Nous ne savons pas si la transmission d'homme à homme va arriver et quand» a ainsi déclaré à l'Agence France-Presse le Dr Menno de Jong, spécialiste de virologie à l'Unité de recherches, actuellement détaché à l'hôpital des maladies tropicales d'Hô Chi Minh-Ville. Selon lui, une mutation de cet agent pathogène pourrait prendre plusieurs formes, le virus pouvant s'adapter progressivement à l'homme ou muter plus rapidement via le porc, un animal qui peut à la fois être infecté par les virus aviaires et humains, et dont les tissus pourraient être le terreau d'apparition d'un nouveau sous-type de virus grippal. En toute hypothèse pour le Dr Menno de Jong, l'indispensable préparation impose des investissements supplémentaires dans les infrastructures sanitaires en Asie, ainsi qu'une accélération et une augmentation de la production de vaccins. Michael Perdue, coordinateur du programme global de l'OMS contre la grippe, a abordé le même thème en soulignant la nécessité de réduire l'écart entre les demandes de vaccins et leur disponibilité. «Seul un petit nombre de pays auront des vaccins et des médicaments antiviraux» s'est-il alarmé lors du congrès de Lyon.La pression monte et les industriels producteurs de vaccins antigrippaux n'y sont pas étrangers qui, en France, viennent de répondre violemment à la parution (le 22 septembre) d'une étude sur le site du Lancet ; une étude les concernant au premier chef. «Le Lancet a publié un article en ligne sur l'efficacité de la vaccination grippale des sujets âgés de 65 ans et plus. Il convient de noter que cette publication est une revue de la littérature, reprenant les résultats d'un certain nombre d'études précédemment publiées, écrivent-ils dans un communiqué de presse étonnamment intitulé "L'efficacité de la vaccination grippale chez les sujets âgés : revue systémique". L'étude conclut que la vaccination grippale des sujets âgés est efficace dans la prévention des risques d'hospitalisation pour grippe et pneumonie et dans la prévention de la mortalité, toutes causes confondues. Cependant, l'étude indique également que l'efficacité du vaccin trivalent inactivé chez les sujets âgés est "modeste".» Ce communiqué est publié sous l'égide du «Groupe d'études et d'information sur la grippe» qui rassemble cinq partenaires distributeurs de vaccins sur le marché français : Sanofi Pasteur MSD (Vaxigrip, Tétagrip, Mutagrip) ; Chiron Vaccines France (Previgrip, Agrippal, Gripguard), GlaxoSmithKline (Fluarix) ; Pierre Fabre Médicament (Immugrip) et Solvay Pharma (Influvac).«Quelques médias européens et américains se sont focalisés sur l'efficacité apparemment "modeste" de la vaccination grippale des sujets âgés, en se référant à cette étude, ce qui soulève la question de la source et de l'interprétation, scientifiques et médiatiques» peut-on lire dans ce texte. Les auteurs rappellent que les organisations sanitaires «officielles» (l'OMS et les CDC) ont apporté une réponse ferme à cette publication en insistant sur l'importance de la vaccination grippale des personnes âgées et/ou à risque. Ils citent notamment sur ce point Tom Skinner, porte-parole des CDC : «Cette étude, comme de nombreuses autres études, démontre l'efficacité du vaccin grippal dans la prévention des complications sérieuses responsables d'hospitalisations et de décès. Nous ne devons pas perdre de vue ces faits (
). Nous continuerons à insister sur l'importance de la vaccination grippale annuelle des personnes âgées et/ou à risque. Nous espérons que ces études ne dissuaderont pas les populations concernées de continuer à se faire vacciner.»La tension monte. Nous continuerons à la prendre.(A suivre)