Gardons-nous des jugements sans nuance, il est évident que l'hésitation est parfois utile et qu'elle peut même constituer une pratique salutaire. Cependant, la publication du manifeste «Politique de santé : halte au sabordage !» est quand même venue me rappeler que j'ai derrière moi (comme d'autres ?) un incroyable passif d'atermoiements en tout genre et une apathie avérée face à la politique de la santé en Suisse.Naturellement, il m'arrive de me culpabiliser de ces manques d'activisme. Surtout si je réalise a posteriori que je n'avais en fait pas réellement saisi les enjeux et les conséquences des décisions. Mais l'hésitation est souvent mauvaise conseillère. Ainsi, je me surprends fréquemment à craindre d'exprimer un avis car je réalise que j'en maîtrise mal tous les contrecoups possibles. Dans d'autres circonstances, j'ai honte de l'écrire, je justifie mes embarras silencieux en prétextant que mes propos pourraient desservir mes intérêts ou ceux de mes patients, que mes interventions pourraient renforcer l'opposition de mes interlocuteurs, ou encore que d'autres se chargeront de toute façon de se battre à ma place. Mais pourquoi ce déshabillage tire-bouchonné ? Parce que ce manifeste est l'occasion de prendre congé d'une certaine image qui, à défaut d'être entreprenante et audacieuse, a trop souvent l'avantage d'être d'abord confortable et largement ordinaire dans la profession. L'occasion de ce manifeste, c'est l'opportunité de sortir du bois. C'est le moment de dire ensemble les valeurs que nous défendons sans nier nos différences. (http://revue.medhyg.ch/manifeste/).Comme l'enfer, les lois en matière de santé sont souvent pavées de bonnes intentions, surtout lorsqu'elles s'évertuent à préserver les plus faibles. En effet, si chacun de nous ne saurait que souscrire à des mesures qui protègeraient des catégories de citoyens dont la liste ne fait qu'augmenter, personne ne voudrait qu'en défendant certains de nos contemporains, on s'attaque à d'autres tout aussi méritants ni qu'on vilipende les valeurs que nous voulons défendre pour la médecine.Et si, grâce à ce manifeste, nous participions directement à l'inauguration d'une autre ère : une ère où tout ne se passerait pas comme s'il fallait toujours choisir entre le petit doigt sur la couture du pantalon et le bras d'honneur, une ère où nous pourrions espérer autant de droit à la considération individuelle que de liberté d'expression générale dans le domaine de la santé ? Bonne semaine.