Pour un patient, le retour à domicile après une hospitalisation est un temps de vulnérabilité quant à la continuité des soins et d'insécurité, voire de confusion, quant à la connaissance et au suivi du traitement prescrit. En raison des changements de traitement survenus au cours de l'hospitalisation, les erreurs sont nombreuses, les changements de traitement par le patient sans avis médical fréquents et l'incidence d'effets indésirables élevée. Dans notre service de médecine interne générale, la conduite par le médecin interne hospitalier d'un entretien de sortie structuré, centré sur le patient et ses besoins, et renforcé par la remise à ce dernier d'une carte de traitement individualisée, simple et explicite, a permis d'améliorer la connaissance que le patient avait de son traitement, une fois rentré à domicile.
«Errare humanum est, perseverare diabolicum» !
Une mauvaise observance thérapeutique est souvent le résultat d'une communication inefficace entre le médecin et son patient, et d'une information insuffisante reçue par le patient sur son traitement. Ceci se traduit par une mauvaise compréhension des intentions ou instructions thérapeutiques du médecin, par une connaissance et/ou une utilisation partielle ou erronée des médicaments que le patient prend, dont l'impact sur l'efficacité des soins et les coûts de la santé n'est plus à prouver.1
Dans le cadre de la gestion des soins, le passage par un patient d'une structure de soins à une autre est à cet égard un moment important et délicat, et en particulier la transition entre une hospitalisation et le retour à domicile. Période de vulnérabilité pour le patient quant à la continuité des soins et le suivi de son traitement, elle rend cruciale l'information qu'il recevra à sa sortie concernant ses besoins et le plan thérapeutique. Or, malgré l'importance de la communication médecin-malade dans la préparation d'un patient à sa sortie, force est de reconnaître que cet aspect de la prise en charge hospitalière est souvent négligé et nécessite des stratégies d'amélioration. Cet article détaille une intervention mise en place dans le service de médecine interne générale de notre institution, destinée à améliorer la connaissance que le patient a de sa médication à la sortie de l'hôpital.
Pour un patient, après une hospitalisation et en raison de nombreux changements survenus au cours de cette dernière, le retour à domicile est potentiellement un temps de vulnérabilité et d'incertitude, voire de confusion, en particulier quant au traitement prescrit. Outre l'instauration d'un nouveau traitement avec ses effets secondaires possibles, il n'est pas rare qu'un patient voit son traitement habituel modifié ou se voit prescrire des médicaments incompatibles avec la reprise des médicaments qu'il avait à la maison avant son hospitalisation (tableau 1).2 Les nombreuses enquêtes menées auprès de patients après leur retour à domicile, sont assez parlantes à ce point de vue. Toutes soulignent les difficultés que les patients rencontrent dans la prise en charge de leurs traitements. Une étude américaine portant sur une cohorte de 400 patients a révélé que 20% des patients font l'expérience d'un événement de santé indésirable (adverse event) dans les cinq semaines suivant l'hospitalisation. Dus principalement à des effets secondaires médicamenteux, les deux tiers de ces événements auraient pu être prévenus ou minimisés par une information adéquate.3 D'autres études révèlent les nombreux changements thérapeutiques non médicalement justifiés survenant dans la période suivant immédiatement une hospitalisation.2,4,5 Dans une étude anglaise menée auprès de 50 patients âgés de 70 ans une semaine après leur retour à domicile, 45 d'entre eux ne prenaient plus leur traitement tel qu'il leur avait été prescrit à la sortie : le plus souvent, il s'agissait de changements de doses et de fréquence de prise sans avis médical, ou de l'arrêt ou de la prise nouvelle de certains médicaments ; finalement, seize patients avaient décidé de reprendre certains des médicaments non prescrits à leur sortie mais qu'ils prenaient avant l'hospitalisation.4 Une autre étude américaine confirme ces résultats en démontrant que, deux jours après leur sortie, 64% des patients prennent au moins un médicament non prescrit, 73% se trompent sur l'utilisation d'au moins un médicament et 32% des médicaments prescrits ne sont tout simplement pas pris.5 En résumé, les problèmes rencontrés par les patients après leur sortie et liés au traitement sont nombreux, sont souvent le résultat (parfois la cause) d'une observance thérapeutique insuffisante et ont des conséquences lourdes en termes d'efficacité et de coûts des soins : il a été démontré qu'une mauvaise préparation de la sortie du patient et sa non-adhérence au plan thérapeutique suivant l'hospitalisation sont associées à un risque augmenté de réadmission non programmée, particulièrement chez les patients âgés.6
Il est démontré que ces problèmes sont le plus souvent associés à une connaissance insuffisante (et/ou une mauvaise compréhension) du traitement prescrit à la sortie, connaissance d'autant moins bonne que les patients sont âgés, que leur traitement est lourd ou que leur niveau d'éducation est bas.7-9
De nombreuses études ont évalué les différents aspects de la connaissance que les patients ont de leur traitement, une fois rentrés à domicile.4,10-14 Toutes, y compris celle menée dans le service de médecine interne de notre institution, rapportent les mêmes résultats. Si, et de manière rassurante, les patients connaissent l'indication des médicaments prescrits et comment les prendre dans plus de 75% des cas, seule la moitié d'entre eux peuvent les nommer et seul un quart des patients peuvent décrire correctement les effets qu'il faut en attendre. Cependant, pour plus de 80% des médicaments prescrits, les patients rapportent ne pas connaître les précautions à observer ni leurs effets secondaires possibles ou attendus.13,14 Cette méconnaissance est préoccupante vu le taux d'incidence élevé d'effets médicamenteux indésirables rapportés par les patients après leur hospitalisation et les erreurs de médication documentées.3 Elle contredit les croyances des médecins hospitaliers qui ont tendance à surestimer la compréhension que les patients ont de leur traitement à la sortie,10 et s'oppose à la volonté exprimée des patients d'être mieux informés quant aux raisons de leur traitement, ainsi que de ses effets secondaires.15
A cet égard, la perception par les médecins des instructions qu'ils donnent à la sortie (et du temps qu'ils y consacrent !) est bien différente de celle des patients et se trouve systématiquement surestimée par rapport à ce que ces derniers rapportent.10 Dans une étude américaine récente, la moitié seulement des patients interrogés deux jours après leur sortie déclaraient avoir reçu des instructions sur leurs médicaments, malgré un changement de traitement, et seul un tiers les avait reçues sous forme écrite.16 Dans notre institution et après un séjour en médecine interne, la proportion de médicaments prescrits pour lesquels les patients déclarent avoir reçu une information verbale et/ou écrite au moment de leur sortie est de moins de 50%.13 Ainsi, qu'elle soit verbale ou écrite, l'information donnée aux patients au moment de leur sortie est insuffisante. Cependant, comme d'autres, nous avons pu démontrer que lorsque cette information est donnée, elle améliore significativement la connaissance et la compréhension que les patients ont de leur traitement médicamenteux 4,13 et diminue les risques d'erreurs.8,17
La mise en uvre de stratégies visant à améliorer la connaissance que les patients ont de leur traitement prescrit s'avère donc nécessaire lorsqu'un patient quitte l'hôpital. L'entretien de sortie représente à cet égard une opportunité privilégiée. Pour le patient, il est l'occasion d'obtenir des réponses aux questions qu'il se pose encore sur son état de santé, son traitement et son suivi. Pour le médecin hospitalier, il doit être conduit dans un souci et une perspective de sécurité et de continuité de soins. Ceci implique que celui-ci reconnaisse les obstacles et facteurs précédemment évoqués, qui compromettent aussi bien la qualité de l'information donnée que l'efficacité de la communication médecin-malade au moment de la sortie, et de manière plus large la communication entre hôpital et réseau de soins communautaire.
De nombreux programmes spécifiques d'éducation des patients à la sortie ont été développés et évalués. Tous confirment que des instructions adéquates sur le traitement prescrit mènent à moins d'erreurs. Cependant, la plupart de ces interventions exigent des ressources supplémentaires, sont le plus souvent conduites par des pharmaciens hospitaliers, et/ou infirmiers spécialisés, et ne sont pas intégrés dans la prise en charge hospitalière quotidienne.
C'est pourquoi, dans une étude prospective et contrôlée incluant 809 patients hospitalisés en médecine interne générale, nous avons développé une intervention consistant à structurer et standardiser l'entretien que le médecin interne mène avec son patient avant la sortie, et évalué l'effet de cette intervention sur la connaissance que les patients avaient de leur traitement, une semaine après leur retour à domicile.13 Durant l'entretien de sortie structuré, le médecin était incité à encourager le patient à poser des questions sur son séjour hospitalier, sur les conditions de retour à domicile et sur le traitement prescrit à la sortie. Puis, l'interne présentait et discutait une carte de traitement préparée avant l'entretien et la remettait au patient. Cette carte (figure 1) était générée à l'aide d'un programme informatique, accessible dans le système de l'hôpital, et muni de menus déroulants pour chacune des rubriques ; les items contenus dans ces menus ont été élaborés dans un langage proche du patient (pas de jargon médical), afin d'en faciliter la compréhension.
Le tableau 2 résume les principaux résultats de notre étude et démontre que la conduite par le médecin en charge d'un entretien de sortie structuré, renforcé par la remise d'une carte de traitement individualisée, améliore significativement la proportion des médicaments prescrits à la sortie pour lesquels les patients déclarent connaître, une semaine après leur retour à domicile, l'indication, les précautions à observer et surtout les effets secondaires. De plus, nous avons pu démontrer que les médicaments dont les patients connaissaient bien les effets secondaires étaient interrompus moins fréquemment sans justification médicale. Notre étude confirme également qu'un plus jeune âge, le fait de ne pas vivre seul, et un meilleur niveau d'éducation sont des facteurs prédictifs d'une meilleure connaissance du traitement prescrit (tableau 2). De manière encourageante, l'intervention a été dispensée par plus de 80% des médecins internes, alors que le manque de temps représente souvent pour ces derniers le principal obstacle à l'information efficace du patient au moment de sa sortie.16 Finalement, interrogés sur l'utilité d'une telle carte et l'usage qu'ils en faisaient, 90% des patients l'ont jugée très utile et la moitié des patients s'en servaient tous les jours.
En résumé, nos résultats renforcent l'idée que la conduite par le médecin interne hospitalier d'un entretien de sortie structuré et standardisé peut améliorer la connaissance que le patient a de son traitement, une fois rentré à domicile, et par là-même la sécurité et l'observance. Au cours de cet entretien, l'information donnée répond aux questions que le patient se pose encore sur son traitement et son suivi, et est renforcée par une carte de traitement simple et explicite que le patient prend avec lui à domicile. La mise en uvre de cette intervention a été simple et favorablement accueillie par les médecins internes aussi bien que par les patients.
Pour un patient, le retour à domicile après une hospitalisation est potentiellement un temps de vulnérabilité quant à la continuité des soins et d'insécurité, voire de confusion, quant à la connaissance et au suivi du traitement prescrit. En raison des changements de traitement survenus au cours de l'hospitalisation, les erreurs sont nombreuses, les changements de traitement par le patient sans avis médical fréquents et l'incidence d'effets indésirables élevée. L'information que le patient reçoit à sa sortie est donc cruciale : centrée sur le patient, cette information doit être adaptée à son âge, ses connaissances, sa situation et doit répondre aux questions qu'il se pose concernant sa médication. La conduite par le médecin interne hospitalier d'un entretien de sortie structuré, centré sur le patient et ses besoins, et renforcé par la remise à ce dernier d'une carte de traitement simple et explicite, améliore la connaissance que celui-ci a de son traitement, une fois rentré à domicile. Dans une perspective de sécurité et d'efficience des soins, des stratégies visant à améliorer, au moment de leur sortie, la connaissance et la compréhension que les patients ont de leur traitement prescrit doivent être encouragées. Enfin, les médecins hospitaliers devraient être éduqués à peser soigneusement la pertinence et la nécessité des changements thérapeutiques qu'ils effectuent à l'occasion d'un séjour hospitalier, afin de réduire au maximum les risques d'erreurs et de confusion dans la prise des médicaments.