Le CHUV et l'EPFL s'apprêtent à accueillir, du 25 au 27 mai, le troisième Congrès mondial sur la biomimétique, une réunion bisannuelle de spécialistes du «muscle artificiel». Depuis sa création en 2002, ce rendez-vous technologique n'avait jamais quitté son berceau du Nouveau Mexique, fief de la NASA et de la défense américaine. Il n'avait jamais non plus accordé une place particulière à la médecine. Les applications spatiales et militaires dominaient.Double révolution cette année : le congrès s'exile en Europe et fait une place de choix aux cliniciens, avec une première journée placée sous le thème «Scientists meet doctors» (informations : www.world-congress.net). A l'origine de ce rapprochement, une rencontre, celle de Piergiorgio Tozzi, président du congrès cette année, chef de clinique au Département de chirurgie cardiovasculaire du CHUV, et de Mohsen Shahinpoor, professeur à l'Université du Nouveau Mexique et instigateur de la manifestation.«Je me suis rendu au premier congrès en 2002, raconte le chirurgien. J'étais le seul médecin parmi de nombreux physiciens et ingénieurs. Ma présence a intrigué Mohsen Shahinpoor. Nous avons fait connaissance et avons commencé à travailler ensemble.» Ces liens amicaux et scientifiques expliquent la venue du congrès à Lausanne. Mais l'histoire montre également comment une technologie de pointe a rejoint en un temps record la recherche médicale préclinique.«Les ingénieurs avaient développé des matériaux étonnants, capables de se contracter sous l'influence d'un simple courant électrique, raconte Piergiorgio Tozzi. Ils cherchaient des applications, sans imaginer que ces «muscles artificiels» étaient susceptibles de résoudre des problèmes que nous, médecins, rencontrions tous les jours !» D'une boîte posée sur son bureau, le chercheur tire une petite plaquette un peu déformée, souple. «Si vous faites passer un courant dans cet échantillon, il se contracte, explique-t-il. Imaginez que vous en greffiez un morceau à l'extérieur du cur, et que vous le stimuliez avec un boîtier de type pacemaker. Avec ce dispositif très simple, du moins en théorie, vous pourriez assister la fonction cardiaque de façon beaucoup moins invasive qu'avec un cur artificiel ».C'est sur ce principe qu'une équipe multidisciplinaire vaudoise dirigée par Piergiorgio Tozzi, sous la direction de Ludwig von Segesser, chef du Service de chirurgie cardiovasculaire du CHUV, développe depuis quelques années un système d'assistance atriale destiné aux patients en fibrillation auriculaire. Baptisé «Atripump», ce dispositif doit être testé chez l'animal cette année encore. «En rétablissant la poussée auriculaire, on pourrait améliorer la fraction d'éjection de quelques pour cents, explique Piergiorgio Tozzi. Cela peut paraître dérisoire, mais cette petite différence permettrait à de nombreux patients de se lever et de se déplacer.»D'autres applications médicales du muscle artificiel sont en gestation dans le monde. Un groupe de l'EPFZ développe un sphincter urétral artificiel. Des Japonais ont mis au point un sophage complet, doté de péristaltisme. Une équipe britannique tente d'assister les ventricules eux-mêmes sur le même principe de l'Atripump.Tous ces groupes seront représentés au congrès. De nombreux cliniciens vont les rejoindre cardiologues, urologues, entérologues comme l'espérait Piergiorgio Tozzi dès le départ. «Je suis convaincu que les médecins ont beaucoup à gagner de dialoguer avec des ingénieurs, dit-il. Il n'y a pas besoin de réinventer la roue pour avancer. Il suffit souvent d'assurer le transfert des technologies. La proximité du CHUV et de l'EPFL donne à Lausanne un atout évident dans ce domaine.»