Sommaire du numéro
ISO 690 Gonzalez, M., Toso, C., Zufferey, G., Roiron, T., Majno, P., Morel, P., Mentha, G., Quand faut-il réaliser une cholécystectomie ? Une décision pas toujours simple, Rev Med Suisse, 2006/070 (Vol.2), p. 1586–1592. DOI: 10.53738/REVMED.2006.2.70.1586 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2006/revue-medicale-suisse-70/quand-faut-il-realiser-une-cholecystectomie-une-decision-pas-toujours-simple
MLA Gonzalez, M., et al. Quand faut-il réaliser une cholécystectomie ? Une décision pas toujours simple, Rev Med Suisse, Vol. 2, no. 070, 2006, pp. 1586–1592.
APA Gonzalez, M., Toso, C., Zufferey, G., Roiron, T., Majno, P., Morel, P., Mentha, G. (2006), Quand faut-il réaliser une cholécystectomie ? Une décision pas toujours simple, Rev Med Suisse, 2, no. 070, 1586–1592. https://doi.org/10.53738/REVMED.2006.2.70.1586
NLM Gonzalez, M., et al.Quand faut-il réaliser une cholécystectomie ? Une décision pas toujours simple. Rev Med Suisse. 2006; 2 (070): 1586–1592.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2006.2.70.1586
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articles thématiques: chirurgie
14 juin 2006

Quand faut-il réaliser une cholécystectomie ? Une décision pas toujours simple

DOI: 10.53738/REVMED.2006.2.70.1586

Gallstone disease is a frequent medical problem. Cholelithiasis affects 10% of the population and 30% of patients with gallstones will undergo surgery. The treatment of choice for symptomatic gallstones remains cholecystectomy. A prophylactic cholecystectomy is indicated for asymptomatic patients in the presence of polyps, porcelain gallbladder or during bariatric surgery. The management of the complications of gallstone disease is discussed. At present, common bile duct stones, even if discovered preoperatively, should be managed by a multidisciplinary team including surgeons trained in laparoscopic techniques and gastroenterologists. This review is complemented by the information from a prospective database generated by a program called «DODIG» on 1099 cholecystectomies performed in our institution.

Résumé

La lithiase vésiculaire est une affection fréquente. Elle atteint 10% de la population et 30% vont bénéficier d’une cholécystectomie. Une cholécystectomie est pratiquée en cas de lithiase vésiculaire symptomatique. Certains patients asymptomatiques nécessitent une cholécystectomie lors de différentes pathologies (vésicule porcelaine, polypes vésiculaires) ou en cas de gestes chirurgicaux associés (chirurgie de l’obésité). La prise en charge de la lithiase vésiculaire compliquée est discutée. Le problème de la découverte peropératoire de calcul cholédocien implique une prise en charge multidisciplinaire (chirurgiens formés à la laparoscopie, gastroentérologues). L’ensemble est illustré par l’étude de 1099 cholécystectomies récentes, colligées dans une base de données prospectives, gérée par une interface interactive nommée «DODIG».

INTRODUCTION

La maladie lithiasique vésiculaire est une affection fréquente. Elle atteint 10% de la population adulte et nécessite une cholécystectomie dans 30% des cas.1 Selon l’Office fédéral de la statistique, la cholécystectomie est une des interventions la plus fréquemment pratiquée en Suisse, avec chaque année, 1,3/1000 personnes qui vont bénéficier d’une cholécystectomie pour une maladie lithiasique biliaire.2

Depuis deux décennies, les méthodes de traitement de la lithiase vésiculaire ont beaucoup évolué. Aujourd’hui, la cholécystectomie laparoscopique, la révision des voies biliaires par laparoscopie, le drainage percutané des voies biliaires, l’échoendoscopie, l’ERCP (cholangio-pancréatographie endoscopique rétrograde) ont chacun une place dans sa prise en charge. Le traitement est accompli par une équipe multidisciplinaire, incluant des chirurgiens formés à la laparoscopie, des gastroentérologues et des radiologues interventionels.

Les indications à la cholécystectomie sont, en théorie, bien définies : il faut opérer les patients symptomatiques de leurs calculs vésiculaires. Dans la pratique, cette décision est loin d’être simple. Il y a de multiples exceptions et de nombreux patients ne présentent que des symptômes peu spécifiques.

Cet article résume les diverses indications à la cholécystectomie et traite de la place des différentes modalités thérapeutiques. Des références sont faites à l’expérience genevoise, grâce à une base de données prospectives, DODIG, mise en place il y a six ans.

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UNE BASE DE DONNÉES DE HAUTE QUALITÉ

La base de données nommée DODIG et son interface utilisateur ont été mis au point aux Hôpitaux universitaires de Genève en 1999. DODIG prend en charge le dossiermédical de plusieurs pathologies chirurgicales courantes, telles que hernie et maladie lithiasique biliaire. Jusqu’en janvier 2005, 1099 patients, ayant bénéficié d’une cholécystectomie y ont été inclus. Ce programme permet une saisie rapide et complète de tous les éléments jugés importants pour l’analyse et «en un clic» offre à l’utilisateur la rédaction automatisée de lettres d’entrée, de lettres de sortie et de protocoles opératoires, en échange de son effort de saisie. L’acquisition rapide, précise et détaillée du contenu médical est ainsi garantie. Les critères de la base de données DODIG analysés pour ce travail sont les suivants: antécédents personnels, comorbidités, histoire actuelle de la maladie, facteurs de risque, examen physique, examens complémentaires, déroulement de l’intervention et suites postopératoires.

QUELS SONT LES PATIENTS À RISQUE DE DÉVELOPPER UNE LITHIASEVÉSICULAIRE ?

L’incidence de lithiase vésiculaire augmente avec l’âge (tableau 1). A partir de 40 ans, 20% de la population est concernée et ce chiffre augmente à 30% à partir de 70 ans. Le taux de lithiases vésiculaires est aussi plus élevé chez la femme (f/h = 4/1), mais la différence se corrige et s’équilibre avec l’âge.3 Ce taux peut s’expliquer par le nombre de grossesses et l’imprégnation œstrogénique. La prévalence de lithiases augmente de 1,3% chez les nullipares à 12% chez les femmes avec enfant. L’imprégnation œstrogénique a pour effet d’augmenter la sécrétion de cholestérol dans la vésicule biliaire.4,5 L’obésité augmente également le risque de lithiase en raison de l’augmentation de la synthèse et de la secrétion de cholestérol.6 De même, en cas de perte de poids rapide, comme par exemple à la suite d’une chirurgie de l’obésité type «bypass gastrique» ou de gastric banding, on remarque une prévalence augmentée de lithiase vésiculaire. En comparaison avec la population générale, les patients ayant perdu du poids sont également plus à risque de devenir symptomatiques.7,8

Facteurs de risque lithiasiques

L’histoire familiale joue un rôle important, avec un risque relatif de 2,2, lorsqu’un parent au premier degré est atteint.

Le diabète augmente le risque de lithiase en raison probablement de la stase biliaire provoquée par une diminution de la mobilité de la vésicule due à une neuropathie.9 La prévalence en cas de cirrhose est de 30% et peut être expliquée par la présence augmentée de bilirubine non conjuguée, le haut taux d’œstrogènes et le transport altéré des sels biliaires.10 La nutrition parentérale et la somatostatine augmentent aussi le risque de lithiase vésiculaire en raison d’une stase biliaire augmentée. La ceftriaxone, de par son excrétion biliaire, peut précipiter avec le calcium et provoquer des calculs.11 La maladie de Crohn iléale associée à une malabsorption ou les résections iléales, altèrent le cycle entéro-hépatique des sels biliaires ce qui a pour effet d’augmenter l’incidence des lithiases vésiculaires pigmentaires.12

Enfin, il existe des différences ethniques. L’incidence est très élevée dans certaines ethnies d’Amérique du Sud (Indiens Pima, avec 73% de la population > 25 ans porteuse de calculs)13 et faible chez les Afro-Américains.14

COMMENT PRENDRE EN CHARGE UN PATIENT AVEC UNE LITHIASEVÉSICULAIRE ASYMPTOMATIQUE ?

L’accès facile aux examens radiologiques abdominaux mène de plus en plus souvent à la découverte fortuite de calculs de la vésicule biliaire. Chez les patients asymptomatiques, une cholécystectomie prophylactique n’est pas indiquée. En effet, seuls 20% d’entre eux développeront des douleurs ou des complications15 et le risque lié à l’intervention est supérieur à celui d’une attitude expectative. Le coût d’une cholécystectomie systématique serait de plus extrêmement élevé pour la société.

Il existe pourtant plusieurs situations où une cholécystectomie doit être pratiquée, même en l’absence de symptômes (tableau 2). La vésicule porcelaine est le résultat d’une inflammation chronique, provoquant une calcification de la paroi. Elle nécessite une cholécystectomie en raison du risque élevé de dégénérescence maligne pouvant atteindre 30% des cas. L’intervention peut être pratiquée par laparoscopie en cas d’absence de signe de malignité à l’échographie.16

Indications à une cholécystectomie prophylactique chez un patient asymptomatique

L’indication est également posée pour les polypes vésiculaires, lorsque leur diamètre est supérieur à 1 cm ou lorsque le patient est plus âgé que 60 ans. Dès 1 cm, deux tiers des polypes sont cancéreux; et ce taux augmente avec l’âge.17 Lorsque le polype est plus petit, il est en général bénin (polype cholestérolique, inflammatoire, adénomateux, hyperplasique), et la plupart des auteurs recommandent une attitude expectative avec une surveillance échographique tous les trois à six mois. Les patients symptomatiques doivent être opérés, quelque soit la taille du polype. Chez les porteurs de polypes de petite taille, une approche laparoscopique est raisonnable. Le risque d’infiltration pariétal augmente avec la taille, et une intervention par voie ouverte semble être nécessaire pour les polypes dès 1 à 2 cm de diamètre.18

Les opérations bariatriques imposent une cholécystectomie, en raison du risque élevé de développer des calculs vésiculaires, lors d’une perte pondérale importante. Une série a démontré que trois mois après bypass gastrique, 30% des patients avaient bénéficié d’une cholécystectomie en urgence. Pour cette raison, une cholécystectomie doit être pratiquée lors de ce type d’intervention.8,19

Concernant les patients en attente de greffe rénale ou pancréatique, il n’y a pas de bénéfice à réaliser une cholécystectomie prétransplantation. Le risque opératoire de la cholécystectomie est en effet similaire avant et après la greffe. Dans certains cas, la cholécystectomie peut de plus être réalisée en même temps que la transplantation, par exemple lors de greffe rein/pancréas.20,21

En cas de chirurgie abdominale lourde, par exemple lors de colectomie, une cholécystectomie devrait être réalisée si des calculs sont présents. Le risque de complication lithiasique est augmenté en postopératoire, en particulier lors de jeûne prolongé, d’utilisation de nutrition parentérale et de séjour aux soins intensifs.22 Les antécédents de chirurgie abdominale peuvent de plus compliquer une cholécystectomie ultérieure.

Il existe des situations pour lesquelles il n’existe pas de consensus clair dans la littérature. Les patients diabétiques présentent une incidence plus élevée de lithiase vésiculaire que la population normale. La morbidité et la mortalité d’une intervention pratiquée en urgence pour une cholécystite aiguë semblent plus élevées chez le patient diabétique.23,24 Néanmoins, une cholécystectomie prophylactique chez les patients diabétiques asymptomatiques ne semble augmenter ni l’espérance ni la qualité de vie.25 Dans notre service, l’indication opératoire chez un patient diabétique type I de longue date désirant une cholécystectomie est discutée au cas par cas.

Les patients porteurs d’une microlithiase (calculs de < 5 mm) sont connus pour être plus à risque de présenter une pancréatite aiguë avec un risque élevé de complications. Une étude récente a démontré la relation entre le risque de pancréatite augmenté en cas d’association entre microlithiase et l’âge élevé. Cependant, le risque-bénéfice d’une cholécystectomie prophylactique n’est pas encore clairement établi. Dans notre service, nous ne proposons pas d’intervention d’emblée.26

COMMENT PRENDRE EN CHARGE UN PATIENT AVEC UNE LITHIASEVÉSICULAIRE SYMPTOMATIQUE ?

La douleur biliaire simple témoigne de lamise sous tension brutale et transitoire de la vésicule biliaire par un calcul au niveau du canal cystique ou du collet vésiculaire. La colique biliaire est à notre sens une expression erronée, la symptomatologie douloureuse ne ressemblant pas à une colique. La douleur est habituellement épigastrique (deux tiers des cas) et/ou de l’hypocondre droit (un tiers des cas). Classiquement, elle irradie dans le dos, jusqu’à la pointe de l’omoplate droite, et peut entraîner une inhibition respiratoire. Son intensité est rapidement croissante en quel-ques minutes et atteint son paroxysme en quinze à soixante minutes. Elle disparaît en quelques heures, généralement moins de six heures, et samanifestation est parfois liée aux repas riches en graisses. Vingt pour cent des patients présentent de manière concomitante des nausées ou des vomissements. L’examen clinique peut retrouver un signe de Murphy positif au décours de la crise, mais il est le plus souvent absent car il est rare que le patient soit examiné pendant la crise douloureuse.27

Dans la pratique, le portrait typique de la douleur biliaire simple ne se retrouve que rarement chez les patients. En effet, l’épisode survient généralement la nuit à la maison et cède avant le matin. Ce n’est que plus tard que le patient sera vu par son médecin traitant. Le praticien est alors face à une décision difficile. Les symptômes que mon patient présente, sont-ils liés à une lithiase vésiculaire? Le diagnostic différentiel de la colique biliaire comprend un grand nombre de pathologies, comme l’ulcère gastroduodénal, les troubles dyspeptiques, l’infarctus du myocarde. Toutes présentent des symptômes très proches (tableau 3) et l’anamnèse requiert une attention particulière.

Diagnostics différentiels des douleurs de l’hypocondre droit

L’échographie est l’examen radiologique le plus important. Il permet de mettre en évidence des calculs vésiculaires de manière non invasive. Ils sont représentés par un signal hyperéchogène avec un cône d’ombre postérieur. La sensibilité est de 84% et la spécificité de 99%. La microlithiase et le sludge vésiculaire peuvent être difficiles à diagnostiquer.28

Les examens biologiques sont habituellement normaux. Cependant, ils peuvent être utiles pour exclure d’autres pathologies. Il est habituel de pratiquer au minimum une formule sanguine, un dosage des tests hépatiques et pancréatiques et une crase.

Selon certains auteurs, la cholécystectomie permet également de traiter des symptômes aspécifiques abdominaux.29 Les patients présentant des symptômes dyspeptiques, comme des ballonnements, des flatulences, des écœurements ou un pyrosis, sans douleurs abdominales, peuvent voir leur symptomatologie disparaître après l’intervention. Les résultats sont moins bons chez les patients prenant des médicaments psychotropes. A l’opposé, les patients avec des symptômes biliaires, comme des nausées, une intolérance à la nourriture, des vomissements et avec des douleurs abdominales présentent demeilleurs résultats.30-32

Des examens complémentaires doivent parfois être réalisés. La gastroscopie, pratiquée demanière systématique chez des patients avec des symptômes «typiques» de colique biliaire, met en évidence des anomalies chez près de 40% d’entre eux. On retrouve des ulcères (11%), des gastrites (26%), des polypes gastroduodénaux (5%), des cancers (0,1%). Ces diagnostics n’expliquent certes pas tous la symptomatologie, mais de nombreux patients ont été guéris par un traitement antiacide et n’ont pas eu besoin de cholécystectomie.33 Il est toutefois exagéré de réaliser une gastroscopie systématique avant chaque cholécystectomie, mais cet examen reste une aide précieuse chez les patients présentant une symptomatologie peu typique.

Le diagnostic posé, le traitement de choix de la lithiase vésiculaire symptomatique est la cholécystectomie laparoscopique. A Genève, cette indication représente 67% des cholécystectomies laparoscopiques. Dans ce cas, la cholécystectomie est simple. Elle ne présente un taux de conversion que de 3,9%. Ce taux est significativement plus faible que dans les autres indications.

Chez certains patients, présentant de lourdes comorbidités ou refusant la chirurgie, un traitement par acide ursodéoxycholique peut parfois être proposé. Il ne s’adresse en principe qu’aux patients avec des calculs cholestéroliques de petite taille (< 1 cm) et lorsque la vésicule garde une bonne contractilité. Le traitement doit être poursuivi pour une durée d’un à deux ans avec un taux de disparition de lithiase allant de 40 à 60%. Chez les patients symptomatiques, les douleurs disparaissent que chez 30% des patients.34 Ces résultats sontmédiocres et cette option thérapeutique ne reste que secondaire.

COMMENT PRENDRE EN CHARGE UN PATIENT AVEC UNE CHOLÉCYSTITE AIGUË?

La cholécystite aiguë représente 20% des indications de cholécystectomie à Genève. L’inflammation de la vésicule biliaire survient habituellement par l’occlusion d’un calcul au niveaudu collet vésiculaire oudu canal cystique. L’obstruction provoque une augmentation de la pression vésiculaire avec distension aboutissant à une inflammation et un œdème pariétal, puis une surinfection par des germes d’origine digestive. La douleur est continue et se localise à l’épigastre et à l’hypocondre droit. Toute douleur biliaire qui dure depuis plus de six heures doit en principe évoquer une cholécystite débutante. On retrouve un état fébrile associé à des nausées et des vomissements. A l’examen clinique, le signe de Murphy est positif. Au laboratoire, on note un syndrome inflammatoire. Les tests hépatiques peuvent montrer une légère perturbation et dans ce cas il faut rechercher une lithiase de la voie biliaire principale. La sensibilité et la spécificité de l’échographie pour le diagnostic de cholécystite aiguë sont de 88% et de 80%, respectivement.28 L’échographie peut mettre en évidence la présence de calculs, l’épaississement de la paroi vésiculaire à > 4 mm, une absence de dilatation des voies biliaires intra- ou extra-hépatique et une douleur provoquée au contact de la sonde (équivalent radiologique du signe deMurphy).

Le traitement initial associe le jeûne, une rééquilibration hydro-électrolytique, une antalgie intraveineuse et une antibiothérapie active contre les germes les plus fréquemment incriminés (Gram négatifs et anaérobes).

Une cholécystectomie par voie laparoscopique avec cholangiographie est le traitement de choix. Dans notre série de 1099 patients, son taux de conversion est de 10,1% qui en fait le plus élevé de toutes les indications. Il est lié à l’inflammation et aux adhérences locales. L’intervention devrait être pratiquée le plus tôt possible, comme démontré par deux méta-analyses récentes.35,36 Ainsi, la morbidité, la mortalité et le taux de conversion sont équivalents à ceux d’interventions différées, mais la durée d’hospitalisation est moindre avec un meilleur rapport coût-efficacité. De plus, 20% des patients avec intervention à distance ont présenté une évolution défavorable nécessitant une intervention en urgence, soit pour nonréponse au traitement, soit pour complication survenant dans l’intervalle.36

Dans certains cas rares, chez des patients âgés avec de lourdes comorbidités, chez lesquels le risque d’une opération serait déraisonnable, un drainage percutané de la vésicule (cholécystendèse) peut être réalisé. Celui-ci permet, en association avec des antibiotiques, le contrôle de l’infection dans 80% des cas, mais ne traite pas les calculs. Une cholécystectomie à distance est nécessaire lorsque l’état général du patient le permet. L’alternative est de simplement retirer le drain, après avoir vérifié la perméabilité du canal cystique en injectant du produit de contraste par le drain. Avec cette dernière option, les calculs restent en place et exposent le patient à une récidive.37

QUAND UNE CHOLÉCYSTECTOMIE EST-ELLE À RISQUE DE CONVERSION ?

Le traitement de choix du patient symptomatique d’une lithiase vésiculaire est la cholécystectomie laparoscopique. Elle a remplacé la cholécystectomie par voie ouverte en raison d’une réalimentation et d’une reprise de l’activité plus précoces, d’une diminution des douleurs postopératoires et d’une réduction du séjour hospitalier etde l’aspect cicatriciel.

La conversion d’une opération laparoscopique n’est pas un échec. Elle reflète cependant les difficultés liées à cette intervention et ses facteurs de risque devraient être connus, même par les non-chirurgiens. Ils permettent de mieux pondérer le risque-bénéfice de l’intervention.

Malgré l’expérience grandissante de la laparoscopie, deux à 15% des cholécystectomies nécessitent une conversion.38,39

A Genève, lors de 1099 cholécystectomies laparoscopiques, une conversion a été nécessaire chez 5,7% des patients. Les interventions ont été converties en raison du status adhérentiel (2%), d’une inflammation importante (2%), d’abcès périvésiculaires (0,4%), d’hémorragie (0,4%), d’une lésion de la voie biliaire principale (0,3%), d’un syndrome de Mirizzi (0,2%) ou de la découverte d’un carcinome vésiculaire (0,1%).

Plusieurs facteurs de risque ont pu être mis en évidence (tableau 4). Un des plus importants est l’obésité. La graisse intrapéritonéale, la difficulté à rétracter un gros lobe gauche stéatosique et l’utilisation malaisée des instruments à travers la paroi abdominale épaissie, expliquent le taux de conversion augmenté chez ces patients. Lorsque l’indication est posée, la voie laparoscopique doit tout de même être préférée chez les patients obèses. Sa morbidité est inférieure à celle de la voie ouverte.40

Facteurs de risque de conversion

Etude de 1099 cholécystectomies laparoscopiques. PE : pas étudié dans notre étude, mais retrouvé par d’autres.

L’âge élevé est également un facteur de risque significatif. L’histoire de lithiase vésiculaire est souvent plus longue chez les personnes âgées, ce qui a pour effet d’aggraver le status inflammatoire local. De plus, ils présentent plus de comorbidités et d’antécédents chirurgicaux pouvant rendre l’opération plus délicate.

On retrouve, dans notre série, une augmentation significative des conversions chez les hommes. Il s’agit d’un facteur indépendant pour certains,41 mais les hommes semblent présenter une inflammation et une fibrose plus importante que les femmes, résultant en une dissection plus difficile. Les hommes présentent également une graisse intra-abdominale plus importante.

Un antécédent de chirurgie abdominale, en particulier de l’hémi-abdomen supérieur, constitue un facteur de risque de conversion, avec un temps opératoire plus élevé et une durée de séjour plus longue. Un tel antécédent ne constitue pourtant pas une contre-indication à la laparoscopie et une évaluation intra-abdominale des adhérences avec la caméra devrait en principe être tentée.42

CHOLANGIOGRAPHIE PEROPÉRATOIRE ET DÉCOUVERTE DE CALCULS DE LAVOIE BILIAIRE PRINCIPALE?

Notre attitude est de pratiquer de manière systématique une cholangiographie peropératoire. Elle permet de contrôler d’une part l’anatomie de la voie biliaire et, d’autre part sa vacuité. L’examen a une sensibilité de 85 à 90%.43 Il présente aussi un intérêt didactique, pour approcher le canal cystique en vue d’éventuelles révisions transcystiques de la voie biliaire. Ses avantages ne sont toutefois pas uniformément reconnus, et de nombreux centres ne pratiquent pas de cholangiographie de manière systématique.

Les calculs de la voie biliaire principale sont de mieux en mieux reconnus en préopératoire, comme décrit dans un numéro précédent de la Revue Médicale Suisse.44

En peropératoire, des calculs cholédociens sont découverts dans 3 à 10% des cas. Trois options thérapeutiques sont possibles : la révision chirurgicale des voies biliaires (laparoscopique ou ouverte), l’ERCP per- et l’ERCP postopératoire.

La révision transcystique des voies biliaires par laparoscopie semble être le traitement de premier choix, en particulier pour les calculs de moins de 1 cm, situés plus bas que le canal cystique. L’extraction des calculs se fait à l’aide de sonde à ballonnet (Fogarty) ou à panier (Dormia), en injectant du NaCl dans la voie biliaire et sous contrôle d’un cholédocoscope. Cette procédure permet de régler le problème vésiculaire et biliaire en une seule narcose. Aucun drainage biliaire n’est nécessaire et ce geste ne présente pas les risques de l’ERCP (pancréatite, perforation duodénale ou risque hémorragique). Selon plusieurs études, le taux d’extraction des calculs est de 75 à 90%. Il est équivalent aux taux obtenus par voie ouverte.45-47 Les points négatifs sont la courbe d’apprentissage et le temps de salle d’opération nécessaire pour réaliser le geste.

L’alternative à cette procédure est la réalisation d’une ERCP peropératoire, pendant lamême narcose. Elle règle le problème biliaire dans 80 à 95% des cas. Ses effets secondaires à moyen et long termes sont les risques de calculs récidivants (jusqu’à 14%), de sténose papillaire (jusqu’à 10%), de cholangite (jusqu’à 6%). Ces risques ne peuvent pas être comparés aux risques liés à la révision chirurgicale, par manque de recul. La principale difficulté est d’avoir à disposition un gastroentérologue formé à l’ERCP, prêt à intervenir lorsqu’un calcul est découvert fortuitement en peropératoire.

La dernière alternative est de réaliser l’ERCP dans un second temps. La cholécystectomie peut dès lors être terminée comme à l’habitude. Si le geste endoscopique est planifié peu après la première opération et si le patient ne présente aucun signe d’infection de la voie biliaire, le canal cystique peut être fermé (comme pour une cholécystectomie classique). Dans les autres cas, un drain transcystique ou transpapillaire devrait être laissé en place pour permettre un drainage de la voie biliaire.47 Cette approche en deux temps est l’alternative que nous proposons en raison de la maîtrise des gastroentérologues formés à l’ERCP dans notre établissement.

La révision des voies biliaires avec cholédochotomie (ouverture de la voie biliaire) par laparotomie reste l’option «classique». Elle est effectuée avec mise en place d’un drain de Kehr intracholédocien, après extraction des calculs. Une cholangiographie est pratiquée au dixième jour postopératoire. Si l’examen est normal (85 à 95% des cas), le drain peut être retiré deux semaines après. Cette option est retenue chez les patients avec reconstruction gastrique de type Billroth II ou lors d’échec ou de non-disponibilité de l’ERCP. Dans des mains entraînées, la cholédochotomie peut être tentée par laparoscopie. Cette alternative est peu utilisée dans notre service, car les cholécystectomies sont en général pratiquées par des chirurgiens en formation, la révision des voies biliaires par laparoscopie étant une intervention techniquement très difficile.

CONCLUSIONS

La cholécystectomie par laparoscopie reste le traitement standard de la lithiase vésiculaire, mais les indications sont souvent plus difficiles à poser qu’il n’y paraît (figure 1). La majorité des patients asymptomatiques ne bénéficie pas d’une cholécystectomie, mais des exceptions subsistent. En ce qui concerne les symptômes de la douleur biliaire simple, le praticien doit porter une attention particulière afin de discerner les signes de lithiase vésiculaire symptomatique. Finalement, lors de la découverte de calculs cholédociens peropératoires, le premier choix thérapeutique semble être l’ERCP peropératoire ou dans un geste différé. L’extraction laparoscopique transcystique reste une alternative intéressante mais dépendant de l’expérience du chirurgien.

Figure 1.

Arbre décisionnel

Implications pratiques

> Vingt pour cent des patients porteurs d’une lithiase vésiculaire vont développer un jour des symptômes nécessitant une cholécystectomie laparoscopique

> Les patients asymptomatiques ne doivent pas bénéficier d’une cholécystectomie prophylactique sauf lors de la découverte de polype vésiculaire, d’une vésicule porcelaine ou en cas de chirurgie de l’obésité

> Lors de la découverte de calculs cholédociens peropératoires, le premier choix thérapeutique semble être l’ERCP peropératoire ou dans un geste différé. L’extraction laparoscopique transcystique reste une alternative intéressante mais dépendant de l’expérience du chirurgien

Auteurs

Michel Gonzalez

Service de chirurgie thoracique, CHUV
1011 Lausanne
michel.gonzalez@chuv.ch

Christian Toso

Service de chirurgie viscérale, Département de chirurgie, Hôpitaux universitaires de Genève
1211 Genève 14
christian.toso@hug.ch

Guillaume Zufferey

Clinique de chirurgie visceral Département de chirurgie HUG
1211 Genève 14

Tatiana Roiron

Clinique de chirurgie visceral Département de chirurgie HUG
1211 Genève 14

Pietro Majno

Clinique de Chirurgie

Philippe Morel

Clinique et policlinique de chirurgie digestive Département de chirurgie HUG
1211 Genève 14

Gilles Mentha

Unité de transplantation Département de Chirurgie

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