Le Dr Robert Lanza aime à s'exprimer dans les colonnes des revues scientifiques comme dans les médias d'information générale. Ce vice-président d'une société basée en Californie et dans le Massachusetts, au nom évocateur (Advanced Cell Technology) a commencé à faire sérieusement parler de lui il y aura bientôt cinq ans. Le dimanche 25 novembre 2001 cette société révélait au monde être parvenue à créer des embryons humains à partir de la pratique du clonage thérapeutique. «Une étape fondamentale dans l'histoire de la maîtrise du vivant à des fins thérapeutiques a été franchie par la société américaine Advanced Cell Technology (ACT). Elle a révélé, dimanche 25 novembre, avoir réussi à créer des embryons humains à partir de la technique du clonage. Les travaux des chercheurs de cette société devaient être publiés, lundi 26 novembre, dans la revue américaine spécialisée Journal of Regenerative Medicine» croyions-nous pouvoir alors écrire dans les colonnes du Monde. Le Dr Lanza et ses collaborateurs précisaient alors dans le compte rendu de leur recherche, avoir activé 22 ovocytes humains et réalisé un transfert de noyau dans 17 ovocytes. Trois embryons ainsi créés se seraient alors développés, atteignant le stade de six cellules. La publication américaine décrivait aussi un autre procédé permettant d'obtenir des embryons humains sans fécondation par simple parthénogenèse. «Notre intention n'est pas de créer des êtres humains clonés, mais plutôt de mettre au point des thérapies salvatrices pour un large spectre de maladies humaines, telles que le diabète, les infarctus, les cancers, le sida ou les maladies neurodégénératives, comme Parkinson ou Alzheimer» soulignait aussi le vice-président d'ACT. L'annonce de cette première scientifique devait susciter de nombreuses réactions critiques émanant de tous ceux qui, pour des raisons éthiques, estiment que l'on ne peut créer des embryons humains pour ensuite les détruire sans commettre un crime. D'autres firent valoir que l'acceptation du clonage à visée thérapeutique pourrait ouvrir la voie au clonage reproductif. On entendit par la suite le Dr Lanza s'exprimer à différentes occasions, que ce soit pour dénoncer les fanfaronnades des responsables de l'église raélienne ou pour s'émouvoir de la fraude au clonage du sud-coréen Hwang. Personne ne semble toutefois s'interroger sur la réalité de l'annonce de novembre 2001 et sur une première qui semble ne jamais avoir été reproduite. Or voici que ACT ressurgit dans le paysage avec la publication, sur le site de Nature, d'un article laissant suggérer que les chercheurs américains sont parvenus pour la première fois à créer des lignées de cellules souches humaines à partir d'un embryon sans que celui-ci soit détruit. Pour le dire simplement, ce fut un concert de louanges médiatiques ; et chacun d'applaudir à la prouesse technique, la science trouvant ici en son sein les moyens d'apporter une réponse aux questions morales qu'elle avait préalablement soulevées. Les interdits religieux allaient s'effacer comme par enchantement et la biologie resplendissante allait enfin prendre son envol pour donner naissance à la médecine régénératrice.En pratique, cette équipe est passée du stade blastocyste au stade blastomère pour dériver ses lignées de cellules souches ; soit d'embryons constitués d'environ cent cinquante cellules à moins de dix, c'est-à-dire au même stade que celui correspondant à la pratique du diagnostic pré-implantatoire. Les chercheurs expliquent encore avoir réussi à prélever une cellule unique sur chacun des seize embryons humains surnuméraires qui leur avaient été fournis par des équipes d'assistance médicale à la procréation, ce prélèvement ne semblant en rien affecter le développement ultérieur de l'embryon in vitro. Deux lignées de cellules souches ont, de la sorte, pu être dérivées et cultivées durant huit mois. Tour de force ou impasse ? Si l'idée essentielle est la préservation de l'embryon humain ainsi manipulé, il faut convenir que cet embryon devra être implanté dans un utérus ? La technique utilisée est-elle identique à celle du diagnostic pré-implantatoire ? Faut-il au contraire penser que l'implantation de tels embryons, amputés d'une partie d'eux-mêmes, constituerait une forme inacceptable d'expérimentation humaine ? Comment le Dr Lanza, lui qui estimait avoir un argument de poids, de nature à ruiner la position défendue avec acharnement dans les milieux catholiques les plus conservateurs a-t-il interprété les toutes dernières déclarations de Monseigneur Elio Sgreccia ? Sur les ondes de Radio-Vatican, ce président de l'Académie pontificale pour la vie a, en substance, condamné cette technique au motif qu'elle impose, sans même parler de la fécondation in vitro, une «manipulation» d'un embryon humain ce que le Vatican ne saurait accepter. Pour la hiérarchie catholique si une médecine régénératrice doit voir le jour, ce ne peut être que via le développement de recherches sur les cellules souches présentes dans les organismes après la naissance ou sur celles identifiables dans le sang de cordon ombilical. On en revient toujours ainsi à cette clef de voûte qu'est la définition du début de la vie humaine coïncidant avec la fécondation et qui, dans une conception on ne peut plus stricte, interdit toute dissociation de la sexualité et de la reproduction et, de manière quelque peu paradoxale, tout traitement de la stérilité imposant une «manipulation» des gamètes et des embryons. De ce point de vue, les déclarations faites sur les ondes de Radio-Vatican résonnent comme une fin définitive de non-recevoir. Le Dr Lanza, ses collaborateurs et l'ensemble de la communauté présente et à venir des biologistes auront beau déployer des trésors d'ingéniosité, rien n'y fera : l'homme ne doit pas «manipuler» les embryons de son espèce.Du 14 au 16 septembre, un congrès international se tiendra à Rome sur ce thème ; un congrès organisé place Saint-Pierre par la Fédération internationale des associations médicales catholiques et l'Académie pontificale pour la vie en collaboration notamment avec la Fondation Jérôme Lejeune de Paris. Le Dr Lanza ne figure pas sur la liste des scientifiques invités dans la ville éternelle.