La compréhension de l'autisme s'est améliorée grâce aux neurosciences, en particulier grâce à la génétique, la biologie moléculaire et la neuro-imagerie cérébrale. Ce trouble semble beaucoup plus hétérogène qu'on ne le supposait, tant d'un point de vue clinique qu'étiologique. Un modèle physiopathologique des syndromes du spectre autistique ne peut encore être proposé mais plusieurs avancées scientifiques semblent intéressantes.
Le concept classique d'autisme (décrit la première fois par Leo Kanner à Baltimore en 1943) a quitté le cadre nosologique des psychoses infantiles pour être officiellement reconnu comme un ensemble de troubles envahissants du développement infantile. Ceux-ci demeurent, pour la plupart toutefois, un diagnostic phénoménologique, descriptif. Notre fait n'est pas ici de discuter leur classification clinique actuelle (en cinq sous-chapitres dans le manuel américain DSM-IV). Notre intérêt va surtout vers les recherches causales de ces troubles et leurs relations avec des affections médicales coexistantes.
Il convient tout d'abord de se poser cette question : les nombreux tableaux cliniques, par exemple du trouble autistique en tant que tel, varient-ils d'un individu à l'autre essentiellement de manière quantitative ou s'agit-il de constellations syndromiques différentes ? La personne ayant des problèmes d'interaction sociale, de réciprocité émotionnelle, un retard mental léger et un langage stéréotypé peut-elle être mise dans le même cadre nosologique qu'un enfant mutique avec un quotient d'intelligence (QI) de 40, une épilepsie et une hydrocéphalie ? Pour Cuccaro,1 «il est clair que le diagnostic d'autisme est insuffisant en tant que phénotype». Cet auteur, parmi d'autres, insiste sur le fait qu'il faut «identifier des cohortes biologiques significatives et créer des groupes plus homogènes basés sur des aspects sélectionnés». Par exemple, selon cette méthodologie, des arguments pour une liaison génétique sur le chromosome 7 ont été trouvés en utilisant l'âge des premiers mots comme variante subphénotypique.2
De nombreuses recherches biochimiques, génétiques, cliniques et neuroradiologiques récentes contribuent, pas à pas, à donner à ces troubles envahissants du développement un caractère propre et un profil étiopathogénique. Ainsi, le syndrome de Rett (une forme bien particulière du spectre autistique) semble avoir trouvé un marqueur biologique dans la mutation d'un gène produisant la protéine MEC P2 qui serait à l'origine (est-ce là une explication suffisante ?) de ce dysfonctionnement très particulier. A l'instar du syndrome d'Asperger, dont les caractéristiques cliniques ont permis une individualisation précoce par rapport à l'autisme de Kanner dès 1944, le sydrome de Rett constitue actuellement une entité propre dans les troubles envahissants du développement. Toutefois, la vaste majorité d'entre eux a, selon toute vraisemblance, des mécanismes complexes et hétérogènes (avec, peut-être, certains troncs communs) ainsi que des associations pathologiques encore inexpliquées.
La coexistence d'une symptomatologie autistique avec d'autres affections médicales est en effet troublante. Ces dernières sont-elles des facteurs étiologiques ou des comorbidités ? A titre de comparaison, la même question peut être posée pour l'épilepsie dans la sclérose tubéreuse de Bourneville : est-elle une pathologie secondaire à cette dernière ou une affection coexistante ?
Globalement, on trouve chez un quart des individus autistes d'autres affections neurologiques : un syndrome d'Xfragile, une séquence de Moebius, une sclérose tubéreuse, des embryopathies dues à la rubéole, à l'herpès ou au cytomégalovirus, un syndrome d'Angelmann, de Prader-Willi ou de Williams, une hydrocéphalie infantile, la phénylcétonurie, d'autres troubles chromosomiques, etc. De fait, selon Gillberg,3 «la plupart des troubles médicaux associés sont d'origine génétique et contribuent au développement de symptômes autistiques soit par le chevauchement des régions chromosomiques concernées avec celles qui hébergent des gènes de susceptibilité à l'autisme, soit en provocant des lésions cérébrales qui prennent part au développement d'une symptomatologie autistique».
Dans sa revue de huit études européennes et américaines, le même chercheur note que le taux de ces associations va croissant, selon qu'il s'agit de données rétrospectives sur dossiers médicaux : 4 11% ou d'études prospectives plus complètes :5 28,5%. La prévalence de l'épilepsie clinique dans l'autisme se situe classiquement entre 18 et 29%. Or, si l'on tient compte sélectivement d'un collectif de personnes autistes avec un retard mental moyen à grave, l'apparition d'une comitialité monte, selon les techniques employées, à 66, voire 89%.
A l'inverse, il faut noter que 61% des individus atteints de sclérose tubéreuse souffrent d'autisme.6 Par ailleurs, 25 à 40% des individus atteints du syndrome d'Xfragile remplissent les critères diagnostiques de l'autisme».7
Il y a donc une relation statistique forte et probablement encore sous-estimée entre l'autisme et certains syndromes neurologiques.
Tout d'abord, quelques mots sur les technologies actuelles : la tomographie par émission de protons (TEP, en anglais PET scan) donne des images quantifiées à partir de la captation d'un radiotraceur par divers circuits ou aires cérébrales. La résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) étudie les variations de consommation de l'oxygène. Ces techniques dynamiques sont d'un apport important dans notre appréhension nouvelle de la neuropsychologie. Quant à l'IRM anatomique, elle continue à se développer, par l'emploi d'appareils plus performants (3 tesla, voire davantage), des programmes d'analyse «pixel par pixel», des reconstructions en trois dimensions, des coupes fines jointives, des séquences Flair, etc. Des programmes de confrontation de l'ensemble de ces techniques, avec des superpositions topographiques, permettent de mieux définir des constances lésionnelles ou fonctionnelles.
Plus de 300 études d'imagerie dans l'autisme ont été publiées à ce jour. Les résultats sont très intéressants mais quelque peu disparates. Certains convergent toutefois : diminution bilatérale du débit sanguin localisé au niveau des lobes temporaux, objectivée par TEP à haute résolution spatiale.8 Notons d'une part que le sillon temporal supérieur pourrait être impliqué dans la perception sociale. D'autre part, l'hippocampe et l'amygdale (face interne du lobe temporal), dont on connaît l'importance dans les processus mnésiques et affectifs, semblent également en relation avec l'autisme. A l'IRM, on observe, outre l'augmentation globale du volume cérébral maintes fois décrite chez les jeunes autistes, une diminution bilatérale de la substance grise dans la région temporale supérieure chez vingt et un d'entre eux en âge scolaire.9 Cette même équipe avait noté en 2003 une moindre activation de la région temporale gauche dans un collectif de personnes autistes. Alors qu'une autre cohorte étudiée par Baron-Cohen10 avait déjà révélé une activation moindre des amygdales cérébrales et de leurs projections frontales.
Le cervelet, dont le vermis est décrit comme hypoplasique dans plusieurs études IRM, n'est plus seulement considéré comme un organe de coordination motrice, mais bien comme un «filtre» intégrateur sensori-moteur. Il participe également, par les afférences de son noyau dentelé vers les aires préfrontales, à la mémoire de travail et aux acquisitions cognitives. Ce qui correspond, en partie du moins, aux troubles moteurs et mnésiques de l'enfant autiste.
Vaste domaine en pleine effervescence où foisonnent idées et techniques novatrices. Après la cartographie du génome humain, serions-nous à l'aube d'une ère thérapeutique ?
On sait depuis longtemps que l'étude de fratries, en particulier de jumeaux monozygotes comparés à des jumeaux dizygotes, a montré une implication génétique dans l'autisme : il existe effectivement une concordance de 90% chez les jumeaux monozygotes. Pour mémoire, les garçons sont atteints d'autisme quatre fois plus fréquemment que les filles.
Outre les chromosomes sexuels, les recherches récentes incriminent principalement les bras longs des chromosomes 2, 7 et 15. Chez l'être humain, cinq gènes codant des neuroligines (molécules d'adhérence au niveau de la membrane postsynaptique) sont localisés dans les régions de susceptibilité à l'autisme.7 D'autres gènes liés au développement du langage ou associés à l'épilepsie attirent également l'attention.
Il est troublant de constater «qu'au sein des familles concernées par une déficience mentale liée au sexe, seuls les garçons sont habituellement retardés : cela explique probablement, pour une grande part, les taux de masculinité élevés dans les déficiences mentales pris dans leur ensemble».7 De fait, 80% des personnes autistes ont une déficience mentale. Il existe des fratries chez lesquelles une personne autiste d'une part, et un enfant avec une déficience mentale sans autisme d'autre part, apparaissent comme des manifestations cliniques alternées. Le même auteur cité ci-dessus insiste sur l'hypothèse suivante : il est de plus en plus probable que l'autisme et certaines déficiences cognitives pourraient être la conséquence de processus physiopathologiques et de gènes en partie communs s'exprimant de manière conjointe ou séparée selon les individus.
Ce qui n'explique bien entendu ni l'ensemble du tableau autistique ni la globalité de la déficience mentale masculine. Ces phénomènes ne suivent donc pas les lois simples de Mendel. Ils sont vraisemblablement polygéniques, à pénétrance variable et ne correspondent pas à des entités nosographiques isolées. Manque le chef d'orchestre de toute cette ingénierie.
De manière générale, une recherche sur le site PubMed répertorie plus de mille publications relatant la génétique dans l'autisme. Sans doute, beaucoup d'encre va-t-il encore couler sous les chromosomes.
Rappelons que nombre de gènes s'expriment primairement en dehors du cerveau. Pour exemple, la phénylcétonurie, un déficit héréditaire en phénylalanine-hydroxylase dans le foie et dont le dysfonctionnement par accumulation toxique de la phénylalanine interfère secondairement de manière grave avec le cerveau en développement. Certains patients avec des symptômes d'allure autistique ont été décrits dans cette maladie particulière, par Friedman en 1969 déjà. Dans ce cas, une diète spécifique évitant la phénylalanine permet d'en éviter préventivement la toxicité cérébrale.
Quelques gènes du développement (le «HOX» ou le «WNT») seraient régulés par la vitamine A. En administrant cette substance à des périodes et à des taux précis, on pourrait améliorer leur expression lors de la maturation du système nerveux central.11 Espoir sectoriel, bien que l'on sache que la vitamine A peut elle-même, à certaines doses du moins, être tératogène. Une prudence de tous les instants s'impose donc, ici encore.
Bien que vraisemblablement polygéniques, les syndromes autistiques pourront-ils, du moins pour certains de leurs caractères et à l'instar de certaines myopathies, bénéficier d'une technique novatrice telle que le saut d'exon (exon skipping) ? Il s'agit là de l'emploi d'ARN antisens (acide ribonucléique) inhibant des fragments codants (les exons) de l'ARN messager dont la traduction donne une protéine. Le but est d'introduire dans la cellule, via un vecteur (par exemple un adénovirus), un gène codant en permanence cet ARN antisens. De telle sorte que l'ARN ainsi partiellement «corrigé» produise une protéine tronquée mais fonctionnelle. Peut-être est-ce là une «nouvelle couche de régulation» dans le concert biologique qui nous fournirait un instrument interventionnel plus aisé que des changements au niveau de l'ADN (acide désoxyribonucléique) lui-même. La pathologique de l'autisme semble toutefois beaucoup plus complexe que la myopathie de Duchenne pour laquelle un modèle animal existe et à propos de laquelle des essais cliniques en phase I devraient commencer en 2007. Quand bien même une modification de l'un des gènes de l'autisme pourrait, sous des conditions bien définies (notamment éthiques), être déjà intéressante.
Certains traitements passeront-ils par la perfusion de protéines recombinantes pour compenser un déficit enzymatique, comme on le fait actuellement déjà dans les maladies de Fabry ou de Gaucher ?
La plus grande circonspection est donc de mise ; la biologie moléculaire a néanmoins pour ambition, d'un point de vue thérapeutique, de s'attaquer aux causes d'une maladie et non plus seulement à ses symptômes. Il reste vraisemblable que les traitements à venir seront sans doute multiples, taillés sur mesure pour chaque mutation.
Certains gènes semblent interagir avec l'écosystème. «Plusieurs arguments convergent pour proposer le gène de la reeline comme l'un des candidats aux troubles envahissants du développement. On a observé une diminution de son taux dans le sang et le cervelet des personnes autistes.12 Or, la reeline possède une fonction «sérine protéase», inhibée par les substances organo-phosphorées (insecticides). Peut-être ces toxiques auraient-ils une influence sur le développement précoce du système nerveux central lors d'un terrain propice ? Il se trouve que les anomalies cytoarchitecturales humaines observées dans l'autisme13 présentent de nombreuses analogies avec celles observées chez les souris portant une mutation spontanée de la reeline.14
D'autres gènes inactivateurs de toxines, tels que le «PON1» pourraient également donner à l'organogenèse une vulnérabilité particulière lors d'une faible exposition à des substances toxiques issues de l'environnement. Des études supplémentaires sont nécessaires, ce d'autant qu'il existe une controverse quant à l'augmentation de l'incidence des personnes autistes (ce phénomène pouvant être, par ailleurs, partiellement dû à la meilleure détection actuelle de ces troubles).
«Les études anatomiques du cerveau de personnes autistes ont révélé des anomalies variées. Celles-ci ne se trouvent pas chez tous les patients atteints ; de plus, elles existent aussi dans d'autres pathologies. Il est donc difficile de proposer une vue unifiée».11 Selon ce même auteur, l'augmentation du volume cérébral chez les jeunes personnes autistes (déjà observée en 1943 par périmétrie crânienne) n'est pas spécifique : bien qu'anormalement rapide entre les sixième et quatorzième mois de vie, on la retrouverait aussi parfois dans les troubles d'hyperactivité avec déficit attentionnel (THADA), par exemple.15 De plus, la différence avec un groupe témoin s'efface à l'âge adulte.16
Par contre, Courchesne et coll.17 ont observé une hypoplasie du vermis cérébelleux et une diminution de 25% de cellules de Purkinje dans le cortex de ce même organe. Diverses malformations du tronc cérébral adjacent ont été décrites par Rodier et coll. en 1996.18 Des anomalies microscopiques dans l'hippocampe, les amygdales et les corps mamillaires ont été relevées par Bauman en 1996.19 Pour Pelphrey et coll.,20 les amygdales, la région du sulcus temporal supérieur et le gyrus fusiforme, affectés dans l'autisme, pourraient avoir une importance dans l'intégration de processus cognitifs sociaux. Une réduction du corps calleux a été également observée tant en IRM qu'en neuropathologie (on se souviendra qu'une agénésie de cette structure cérébrale peut donner un tableau clinique d'autisme). Au niveau cortical, l'organisation en «mini colonnes» des neurones semble plus compacte, selon Casanova et coll.21 Toutes ces notions ne sont toutefois que le reflet d'un nombre limité d'études neuropathologiques et demandent confirmation.
Compte tenu de leur polymorphisme génétique et phénotypique, les troubles envahissants du développement n'ont pas non plus, sur le plan biochimique, trouvé de modèle uniciste. En effet, on n'a pas pu mettre en évidence un déficit dû à un seul ou à un système cohérent de neurotransmetteurs. Le tableau est, ici encore, multiaxial ; la sérotonine y aurait une place prédominante.
Non seulement les gènes structurels comme évoqué plus haut, mais aussi les neurotransmetteurs eux-mêmes, telle cette même sérotonine, interviennent probablement dans la synaptogenèse 22 dès l'état embryonnaire (ce qui peut sembler curieux, compte tenu que les symptômes cliniques semblent s'exprimer le plus souvent bien après la naissance).
En fait, d'un point de vue biochimique, la maturation de ces réseaux cérébraux (lobe temporal, frontal, cervelet) serait en jeu à la fois pendant la gestation, durant la petite enfance ou même plus tard, ce qui constituerait le tableau d'une encéphalopathie progressive.
Cliniquement, la réponse pharmacologique des patients autistes est diverse, souvent atypique. Telle personne peut être améliorée quant à ses stéréotypies par un neuroleptique antagonisant la dopamine, telle autre avoir le même effet avec un inhibiteur de la recapture de la sérotonine (SSRI) ; une troisième enfin peut bénéficier d'un antagoniste de l'endorphine comme la naltrexone alors que ce même médicament ne sera pas du tout supporté par un enfant ayant pourtant des symptômes analogues. Quant aux benzodiazépines favorisant l'inhibition GABAergique, ils ont parfois des effets paradoxaux induisant des comportements pseudo-maniaques (comme, dans une certaine mesure, chez l'enfant sain, d'ailleurs).
Les amphétamines (stimulant la dopamine et la noradrénaline) traitent occasionnellement une hyperactivité associée à l'autisme mais peuvent également provoquer des tics ou péjorer l'ensemble du tableau clinique par une agitation, une irritabilité ou une impulsivité accrues. On a décrit chez la personne autiste une hypodopaminergie frontale participant aux déficits cognitifs, alors que l'hyperdopaminergie striatale induirait des stéréotypies.
A doses égales, une même substance peut donc avoir, tout spécialement chez des enfants handicapés, des effets diamétralement opposés, inactivant ou stimulant un récepteur selon la maturation et l'architecture du système nerveux central.
Par ailleurs, il est bien connu des pharmacologues qu'une petite dose d'un médicament X peut avoir une action très différente d'une grosse dose, par exemple par saturation de certains récepteurs puis stimulation de récepteurs antagonistes.
Sans mentionner les effets hormonaux pendant l'adolescence des personnes autistes, dont on sait que certaines d'entre elles se péjorent d'un point de vue clinique pendant que d'autres, au contraire, s'améliorent progressivement. Et sans parler enfin des tenants et des aboutissants psychobiologiques : on connaît l'action des corticoïdes, dont la structure chimique est d'ailleurs proche de certaines hormones sexuelles : ils ont des effets non seulement dynamiques dans les circuits d'entrée de la mémoire (pannes dues au stress) mais également structurels, via leur antagonisme au NGF (Nerve Groth Factor), indispensable à l'organisation cytoarchitecturale du cerveau.
D'un point de vue biochimique, on voit donc la complexité du problème : tel individu mutique ou tel autre épileptique, tel enfant avec d'importantes stéréotypies ou tel adolescent avec un quotient d'intelligence subnormal ont vraisemblablement des réseaux neuronaux et des neurotransmetteurs structurellement et/ou fonctionnellement hétérogènes les uns par rapport aux autres.
Il n'y a pas d'image électroencéphalographique liée spécifiquement à l'autisme : selon Reinhold et coll.,23 les anomalies épileptiformes ont pour siège, chez 30% des individus, les aires temporales, 28% les régions centrales, 23% les lobes frontaux et 8% le cortex occipital. Pour le restant, il s'agit de distributions variées ou d'une irritabilité diffuse.
La fréquence de ce diagnostic dépend bien entendu des crises convulsives cliniques mais également de l'identification, parfois mal aisée, des crises partielles complexes. De manière générale, Fohlen et coll.24 pensent que les troubles comportementaux d'origine comitiale (behavioural fits) sont largement sous-estimés dans les syndromes autistiques. L'âge du patient joue probablement un rôle : Hughes et Melyn 25 ont trouvé dans un groupe de 59 adolescents souffrant d'autisme 75% d'électro-encéphalogrammes anormaux, 48% d'entre eux ayant des crises cliniques. La répétition des examens, leur longueur d'enregistrement, l'EEG de sommeil par rapport à celui d'éveil, les épreuves de sensibilisation, la médication en cours, etc. jouent un rôle dans cette détection.
L'emploi d'une nouvelle technique, la magnéto-encéphalographie (MEG) bien que beaucoup plus lourde et coûteuse que l'EEG, permet, selon Lewine et coll.26 d'augmenter de manière significative le taux de détection de l'épilepsie chez les personnes autistes. Dans leur collectif de cinquante patients, 68% d'entre eux montraient des activités épileptiformes à l'EEG, alors que 82% avaient des troubles significatifs à la MEG. On se rappellera toutefois qu'une anomalie à l'EEG ne correspond pas nécessairement à une crise clinique. Il est intéressant de noter que la topographie la plus fréquente dans cette étude était en situation «périsylvienne» et concordait souvent avec les zones classiques du langage, à l'instar de patients souffrant d'un syndrome de Landau-Kleffner (aphasie avec un foyer épileptogène régressif sous traitement).
La médication est usuellement efficace non seulement sur les crises convulsives mais également sur les crises partielles qui miment des troubles du comportement (behavioural fits), voire des crises d'angoisse.27 De manière générale, elle agit toutefois de manière marginale sur les troubles de la socialisation et le retard mental. Il en est de même sur certains troubles phobiques et compulsifs. A noter par contre les effets positifs de certains anticomitiaux (tels que le valproate) sur les troubles thymiques.
Quant aux potentiels évoqués (PE), ce sont avant tout les auditifs qui sont employés dans l'autisme. D'abord pour exclure une surdité chez de jeunes enfants, ce qui est très important. Ensuite, ils sont un outil significatif pour la recherche, surtout en ce qui concerne leurs composantes tardives. La perception de la musique, chez les personnes atteintes de troubles envahissants du développement, semble normale, voire accentuée aux PE.28 De manière intéressante, la latence frontale dite «MMN» (Mismatch Negativity) diffère chez l'enfant autiste par rapport à ses pairs, selon qu'on lui présente une stimulation musicale ou celle d'une voix humaine.29 Il s'agit là d'études qui rejoignent et objectivent les observations cliniques : en sus d'aptitudes visuo-spatiales bien connues, certains intérêts musicaux sont étonnants chez des enfants autistes, alors que leur QI verbal est nettement altéré.
N'ont pas été incluses, dans ce survol, les investigations immunologiques parfois controversées concernant l'impact de maladies auto-immunes familiales, les éventuelles interactions neuro-immunologiques avec le système digestif, etc. Par ailleurs, il n'était pas de notre fait de décrire les très nombreuses études neuropsychologiques ou psychologiques pour les troubles envahissants du développement.
Des recherches coordonnées plus poussées doivent encore être accomplies pour dégager une véritable physiopathologie des affections du spectre autistique. Gageons que les concepts actuels vont s'enrichir et se différencier ces prochaines années. A notre sens, il est fort probable que nous passerons progressivement, en particulier grâce aux progrès de la génétique et grâce aux recoupements avec les affections médicales associées, de classifications descriptives cliniques à des classifications étio-pathogéniques.
De part leur complexité, les syndromes du spectre autistique constituent pour les scientifiques une leçon de modestie. Ils sont particulièrement intéressants, compte tenu de leurs caractéristiques propres : qu'elles soient relativement spécifiques telles que les aptitudes sociales ou qu'elles soient communes au retard mental. Ce d'autant que certaines «surcompétences» (hyperlexie, mémoire visuelle ou auditive parfois étonnante chez une personne autiste), à la fois isolées et peu fonctionnelles, constituent un champ d'investigations privilégié pour la compréhension des mécanismes mnésiques, sociaux et comportementaux de l'être humain.