Edito: Rationnement dans le système de santé suisse et personnes âgées : time for action !
C. Büla
Rev Med Suisse
2007; volume 3.
32639
Résumé
A la fin de l'été, le groupe de travail mandaté par l'Académie suisse des sciences médicales a présenté son rapport consacré au rationnement dans le système de santé helvétique.1 Le constat est sans appel : le rationnement (défini comme «tout mécanisme implicite ou explicite qui prive une personne d'une prestation utile lors de sa prise en charge médicale») existe en Suisse. Le constat ne s'arrête pas là : en s'appuyant sur les travaux de recherche sur le rationnement en Suisse,2 les auteurs rappellent que tous les individus ne courent probablement pas le même risque d'y être exposés. Les personnes âgées et, parmi elles, celles souffrant d'une pathologie mentale, semblent particulièrement à risque.Les professionnels prenant en charge des personnes âgées doivent applaudir les recommandations du groupe. Reconnaître le caractère inévitable des limites au sein du système de santé, fixer explicitement des objectifs en matière de santé afin de définir les priorités en termes de politique de santé, tout en garantissant l'accès sur des bases transparentes et explicites, autant d'objectifs auxquels nous ne pouvons qu'adhérer. Faire l'économie d'une telle réflexion serait en effet extrêmement dangereux en regard des perspectives du vieillissement démographique qui se poursuit. Sans cette base, la pression éthique pour les professionnels serait encore accentuée, alors que, déjà, ils doivent parfois combattre des décisions de rationnement, basées plus ou moins explicitement sur le seul critère de l'âge.Bien sûr, il y a encore de la marge en termes de rationnalisation dans notre système. L'assistance pharmaceutique dans les EMS fribourgeois a par exemple permis d'homogénéiser les pratiques de prescription et réaliser des économies, sans affecter les soins.3 La question des traitements pro-cognitifs en long séjour, abordée dans l'article de Locca et coll.,4 illustre parfaitement le risque qu'il y aurait à faire l'économie d'une réflexion concernant le rationnement. Au-delà du débat autour de ces traitements, c'est plus globalement la question de l'accès aux traitements onéreux en long séjour lorsque l'enveloppe est limitée. Il n'y a, à notre avis, aucune justification à utiliser le lieu de vie d'une personne comme seul critère décisionnel. Qui admettrait qu'une personne, vivant en EMS en raison de conditions locales ne permettant pas son maintien à domicile, ne puisse bénéficier d'un traitement qui serait offert sans restriction à une autre souffrant de problèmes de santé similaires et tout aussi dépendante, mais qui aurait la chance d'être maintenue à domicile grâce à de meilleures conditions locales ? Pourtant, c'est une situation qui existe actuellement. Mettre ce type de problème sur la table, en débattre et tenter de définir explicitement les critères nous permettant de décider, c'est justement ce que propose le groupe de travail. Au boulot !
Bibliographie
1 Académie suisse des sciences médicales. Document disponible online : www.assm.ch
(-> projets), consultation le 09.09.2007.
2 Santos-Eggimann B. Is there evidence of implicit rationing in the Swiss health care system ? Lausanne : Institut de médecine sociale et préventive, 2005.
3 Locca JF, Michiellan E, Bugnon O. Medikamentenkosten dans Partnerschaft unter Kontrolle. Managed care 2006;3:10-3.
4 Locca JF, Zumbach S, Büla C, Bugnon O. Du delirium au syndrome démentiel : recommandations pratiques pour la prise en charge médicamenteuse dans les EMS fribourgeois. Rev Med Suisse 2007;3:2519-30.
Contact auteur(s)
Christophe Büla
Médecin-chef de service
Service de gériatrie et réadaptation gériatrique
Département de médecine
CHUV, Lausanne