Comment résumer et faciliter l‘implémentation des recommandations nationales et internationales dans la pratique clinique ? Pour répondre à ce besoin, nous présentons un travail de synthèse sur la prise en charge des dyslipidémies sous la forme d‘une marche à suivre à l‘attention des médecins en formation de la Policlinique médicale universitaire de Lausanne et destinée plus généralement à tous les médecins praticiens de la région. Les stratégies mises en exergue sont basées sur les recommandations nationales et internationales en se focalisant sur leur application en pratique clinique, ce qui implique un certain nombre de choix, notamment en ce qui concerne les scores cliniques ou les médicaments proposés, par exemple.
La Policlinique médicale universitaire de Lausanne (PMU), en tant que lieu d‘apprentissage est investie, entre autres, d‘une mission de formation. Les connaissances, dans le domaine de la médecine interne générale, se nourrissent, tout comme dans d‘autres domaines, de nombreuses sources d‘information. Leur explosion numérique à l‘époque contemporaine a donné naissance à ce que l‘on appelle les sciences de l‘information. Parmi elles, l‘informatique est devenue un outil incontournable d‘aide au tri, au classement, en d‘autres termes à l‘organisation des contenus.1
Suite notamment au mouvement d‘Evidence based medicine (EBM), les médecins ont appris à apprécier la validité scientifique de l‘information, par exemple au travers de la collaboration Cochrane. Cependant, l‘exercice de tri est difficile, tant les sources d‘informations sont nombreuses.
A ce titre, le concept de Patient oriented evidence that matters (POEM), introduit dans les années 90, aide les cliniciens à focaliser leur attention, dans une démarche EBM, sur les informations apportant une plus value quantitative ou qualitative pour les patients.2
Si ces démarches sont indispensables au clinicien pour l‘aider à choisir les informations les plus utiles, elles sont consommatrices de ressources et en particulier de temps. Le temps étant souvent compté durant une journée de consultation, il nous a paru utile de développer des résumés de pratiques cliniques (RPC) dans les domaines les plus fréquemment rencontrés pour permettre aux médecins de la policlinique un accès rapide à l‘information. La diffusion de ces résumés se fait par le biais du réseau intranet accessible depuis tous les bureaux de consultation.
Le but initial de notre démarche était de permettre aux médecins en formation à la PMU de mieux mettre en application les guidelines existantes, qu‘elles soient internationales ou helvétiques, dans les différents domaines considérés. C‘est l‘un de ces résumés que nous vous livrons dans une version adaptée à la Revue médicale suisse en espérant qu‘elle s‘avère utile aux médecins praticiens. La version originale tient sur cinq pages, références comprises.
Nous avons choisi le sujet des dyslipidémies pour cette présentation, car il s‘agit d‘un sujet relativement complexe au vu des nombreux changements dans les recommandations et au vu des niveaux d‘interventions (seuil de LDL-cholestérol) qui varient selon le risque cardio-vasculaire du patient.3-5 Cette stratégie est complexe mais semble plus efficace qu‘une stratégie basée exclusivement sur l‘âge seul ou un seuil de risque unique et permet un meilleur rapport coût-efficacité.6
Les maladies cardiovasculaires représentent la première cause de mortalité et de morbidité dans les pays industrialisés. L‘intérêt d‘une prévention est donc majeur. Les principales causes de dyslipidémie sont :
l’hérédité, notamment dans les dyslipidémies familiales.
Le mode de vie : alimentation et manque d’exercice.
Les médicaments : par exemple les corticoïdes, olanzapine, isotrétinoïne, ritonavir, progestérone.
Certaines maladies : hypothyroïdie, syndrome néphrotique.
Classification phénotypique (forme simplifiée de celle de Fredrickson) :
hypercholestérolémie pure : LDL-cholestérol élevé.
Hyperlipidémie mixte : LDL-cholestérol et triglycérides élevés.
Hypertriglycéridémie : triglycérides élevés.
Classification des taux de cholestérol et de triglycérides selon l‘ATP III4 (tableau 1).
Quand adresser un patient au spécialiste ?
triglycérides > 8 mmol/l: principal objectif : éviter la pancréatite aiguë.
Hypertriglycéridémie résistant aux traitements non médicamenteux.
Hyperlipidémie résistant aux traitements.
Suspicion de dyslipidémie familiale : hypercholestérolémie familiale ou hyperlipidémie familiale combinée.
Dyslipidémie familiale, à suspecter si :
antécédents personnels ou familiaux de maladies vasculaires précoces.
Signes cliniques : gérontoxon précoce, xanthomes tendineux et cutanés.
Cholestérol-total > 7 mmol/l, LDL-cholestérol > 5 mmol/l ou triglycérides > 5,6 mmol/l.
Penser à une dyslipidémie secondaire à une hypothyroïdie et doser la TSH si :
symptômes ou signes d’hypothyroïdie.
Elévation du taux de cholestérol en absence de changement de traitement.
Cholestérol-total > 7 mmol/l à partir de 40 ans sans notion antérieure d’hypercholestérolémie.
Dépistage à une fréquence de 1 x/5 ans :
femmes > 45 ans.
Hommes > 35 ans.
Pour les personnes avec un autre facteur de risque, des antécédents familiaux de dyslipidémie ou de maladies cardiovasculaires précoces : avancer l’âge du dépistage.
Détermination du risque cardiovasculaire en quatre étapes (tableau 2), permettant de définir les cas de figure suivants :
risque élevé : situations dites à haut risque d’événement cardiovasculaire (maladies des gros vaisseaux) ou diabète ou risque calculé > 20% à dix ans.
Risque intermédiaire : deux facteurs de risque au moins et risque calculé 10-20% à dix ans.
Risque faible : deux facteurs de risque au moins et risque calculé < 10% à dix ans.
Risque très faible : 0-1 facteur de risque.
L‘objectif primaire du traitement concerne le contrôle du taux de LDL-cholestérol. A chacune des strates de risque ci-dessus correspondent un objectif thérapeutique (figure 1) et des seuils pour l‘instauration de mesures non pharmacologiques en premier (tableau 3). Le traitement pharmacologique sera lui instauré après échec des mesures non pharmacologiques et lorsque le taux de LDL-cholestérol dépasse le seuil pour intervention médicamenteuse. Les seules exception sont : la prévention secondaire, c‘est-à-dire en cas d‘athérosclérose symptomatique, et le diabète. Dans ce cas, le traitement pharmacologique est souvent introduit d‘emblée si la valeur cible est dépassée. L‘approche pharmacologique est détaillée dans la figure 2. L‘équilibre du HDL-cholestérol et celui des triglycérides (TG) sont des objectifs secondaires. La prise en charge de ces paramètres est détaillée dans le tableau 4.
Suivi du traitement :
si introduction juste après un syndrome coronarien aigu,10 un accident vasculaire cérébral ou une opération : contrôle à trois, six et douze mois.
Si introduction hors SCA : contrôle à six semaines, puis à six et douze mois.
Si stable sous traitement : 1 x/an.
Syndrome métabolique, si trois critères présents (adapté de l’ATP III et réf.4)
périmètre abdominal: > 102 cm (homme), > 88 cm (femme).
TG ≥ 1,7 mmol/l.
HDL-cholestérol < 1 mmol/l (homme), < 1,3 (femme).
TA ≥ 130/85 mmHg.
Glycémie à jeun ≥ 5,6 mmol/l.
La démarche diagnostique et thérapeutique décrite dans cet article est destinée à faciliter l‘application des guidelines existant dans le domaine des dyslipidémies.3-5 Dans sa conception originale, elle a été crée pour être accessible directement sur le lieu de consultation par l‘intermédiaire de l‘intranet de la PMU. A terme, ce résumé pratique est destiné à côtoyer une trentaine de sujets devant couvrir les thématiques les plus fréquemment abordées par les cliniciens dans une pratique de médecine interne générale. Déjà très largement utilisées par les médecins en formation de notre institution, leur utilité pour les médecins installés demande à être explorée.
> La prise en charge des dyslipidémies passe par une estimation du risque cardiovasculaire global
> A chaque niveau de risque correspond un objectif thérapeutique propre en termes de LDL-cholestérol
> La prise en charge non médicamenteuse devrait toujours précéder la prise en charge médicamenteuse, à part chez les patients ayant déjà une maladie cardiovasculaire
> Le traitement est choisi selon le profil lipidique, puis adapté en fonction de la réponse au traitement
> Le LDL-cholestérol est la cible primaire du traitement. Le HDL-cholestérol et les triglycérides sont des cibles secondaires
How to summarize and facilitate the implementation of national and international guidelines in clinical practice ? To adress these issues, we present a summary of dyslipidemia management for general practitioners. To achieve these aims, we adopted strategies based on international and national guidelines and focused on clinical applications which implies to choose specific options, such as the use of cardiovascular risk score and specific therapies as first options.