Une «structure qui génère l’opacité», des comptes qui mélangent l’argent des primes maladie de base et celui des complémentaires: le Groupe Mutuel, un des poids lourds de l’assurance maladie en Suisse, en prend pour son grade. Dans un arrêt rendu la semaine dernière, le Tribunal des assurances sociales du canton de Genève lui administre même une volée de bois vert.
Voilà qui réjouira un assuré genevois qui contestait depuis sept ans une hausse de primes. Cet assuré n’est pas tout à fait comme les autres: l’avocat Mauro Poggia préside en effet l’Association suisse des assurés. (…)
Le Tribunal genevois des assurances sociales lui donne largement raison. A lire son arrêt, le Groupe Mutuel est plus qu’une holding de caisses-maladie: une véritable usine à gaz. Ainsi, dans ses comptes, il mélange assurance de base et complémentaires. «Il est dès lors impossible de vérifier si les primes des assurés profitent à la seule LAMal et non aux assurances complémentaires.» Le Tribunal soupçonne même que les primes de l’assurance de base servent à financer la publicité et le démarchage de nouveaux clients.
Mais les juges genevois vont plus loin : à leur avis, le Groupe Mutuel dégage des bénéfices à hauteur de «plusieurs millions» par an en encaissant de ses caisses-maladie «des montants plus élevés que les coûts qu’ils sont censés couvrir». En clair, la holding encaisserait de ses filiales des cotisations sans contrepartie ; propriétaire des bâtiments, elle leur facturerait par ailleurs des loyers déconnectés des prix du marché immobilier, loyers dont elles s’acquitteraient en partie via les primes maladie…
Mauro Poggia se délecte de ces conclusions. Mais l’avocat veut plus qu’une simple ristourne sur ses primes maladie. «Je demande un démantèlement de la structure opaque du Groupe Mutuel. Je demande aussi un contrôle efficace des caisses par l’Office fédéral de la santé publique, car aujourd’hui les assureurs font ce qu’ils veulent.» L’Association suisse des assurés va de son côté intervenir auprès du Groupe Mutuel pour que tous les assurés puissent récupérer au moins une partie de ce qu’ils ont payé en trop.
Mauro Poggia n’a toutefois remporté qu’une victoire d’étape. Le Groupe Mutuel annonce en effet qu’il fera recours auprès du Tribunal fédéral des assurances. (…)
Tribune de Genève des 1er et 2 mars 2008