Après plus de dix ans de développement, A. Cribier réalisait en 2002 le premier remplacement valvulaire aortique percutané, intervention « curative » en cas de sténose aortique sévère qui représente une alternative à la chirurgie pour des patients à haut risque chirurgical. En peu de temps, on a assisté à un perfectionnement du matériel et à une simplification de la procédure, qui se pratique actuellement comme une vraie intervention percutanée dans la plupart des centres. Deux dispositifs (CoreValve Revalving system, Edwards SAPIEN) bénéficient d’une expérience de plus de 1500 cas chacun. Récemment, d’autres systèmes ont connu leur première implantation en clinique. La sélection des patients demeure essentielle et même si cette technique suscite beaucoup d’enthousiasme, la chirurgie conventionnelle reste la thérapie de choix fin 2008.
La sténose aortique calcifiée est la valvulopathie la plus fréquente dans le monde occidental et une augmentation de sa prévalence est attendue avec le vieillissement de la population. On estime que 4,6% des adultes de plus de 75 ans présentent une sténose aortique modérée à sévère dont l’évolution naturelle progresse rapidement dès l’apparition des symptômes.1,2 Du point de vue thérapeutique, le remplacement valvulaire aortique (RVA) chirurgical est le traitement de choix, cependant il existe une catégorie de patients à haut risque chirurgical pour lesquels le RVA percutané, également appelé RVA par cathéter, représente une alternative attractive. Actuellement, plus de 4000 patients ont pu bénéficier de cette technique à travers le monde. L’objectif de cet article est de mettre à jour les informations rapportées en 2007 dans ce même journal,3 tout en parcourant les éléments essentiels pour le praticien concernant le RVA percutané.
Depuis le premier RVA percutané réalisé par A. Cribier en avril 2002 à Rouen4 pour traiter un patient en choc cardiogène récusé par les chirurgiens, on a assisté à une rapide amélioration technologique et à une simplification de la procédure.
Deux dispositifs ont pu accumuler une importante expérience clinique et ont reçu le certificat de Conformité européenne (CE mark), synonyme de commercialisation pour l’Europe. Il s’agit du système CoreValve (CE mark, avril 2007) et de la valve Edwards SAPIEN (CE mark, août 2007). Récemment, d’autres systèmes (tableau 1) ont connu leur première implantation en clinique.
Il s’agit de la nouvelle génération de la valve implantée par gonflement d’un ballon (Balloon-expandable) Cribier-Edwards, montée sur un stent en acier inoxydable. La valve Edwards SAPIEN THV (figure 1) est faite de péricarde bovin traité et nécessite des accès vasculaires de 22 French (Fr) (valve de 23 mm) ou 24 Fr (valve de 26 mm). Une coronarographie se fait classiquement avec du 6 Fr (1 Fr = 0,33 mm). Cette valve peut également être implantée par voie transapicale à l’aide d’un cathéter de 26 Fr (initialement 33 Fr) introduit par mini-thoracotomie en regard de l’apex cardiaque. On attend prochainement des valves de 18 et 29 mm. Dans peu de temps, la taille de l’introducteur devrait également diminuer de 3 à 5 Fr.
La CoreValve est un dispositif autoexpansible, partiellement repositionnable pour lequel la taille de l’accès a rapidement été réduite de 25 Fr lors de la première implantation en juillet 2004 à 21 Fr puis 18 Fr dès le mois de mai 2006. La valve comprend trois feuillets de péricarde porcin (figure 1) suturés dans un cadre en nitinol de 55 mm de long divisé en trois parties. La partie inférieure génère une importante force radiale pour écraser les feuillets natifs. La partie centrale contient la valve et par sa forme convexo-concave évite les ostia coronaires. La partie supérieure quant à elle sert à maintenir l’orientation du système. Le calibre de cette valve devrait être prochainement diminué à 16 Fr. Elle est également implantable par voie transapicale.
Après s’être assuré de la sévérité de la sténose valvulaire et de la présence de symptômes associés, il faut évaluer le risque d’une chirurgie de RVA en recourant à des scores de risque tels que l’EuroSCORE ou le STS score (Society of thoracic surgeons, figure 2). Ces scores, développés à partir d’importantes bases de données multicentriques impliquant essentiellement des interventions de pontages aorto-coronariens (100% pour le STS score, 30% d’interventions valvulaires pour l’EuroSCORE), ont été validés durant leurs développements puis par la suite pour des populations de RVA chirugical isolé. Récemment, il a été démontré que le STS score pouvait être plus précis que l’EuroSCORE pour prédire la mortalité périopératoire et à long terme dans le contexte d’un RVA chirurgical isolé lorsque l’on considère des patients à très haut risque.5 Soulignons que ces scores négligent certaines comorbidités significatives (aorte porcelaine, cirrhose, thorax hostile à une sternotomie suite à une brûlure ou une irradiation) pour lesquelles le jugement clinique garde toute son importance. Actuellement, en l’absence de données à long terme, la seule préférence d’un patient à faible risque chirurgical de ne pas subir une sternotomie ne doit pas suffire à retenir l’indication à un RVA percutané.6
Disponible en ligne à http://66.89.1 12.1 10/STSWebRiskCalc261/ Exemple d’une patiente de 90 ans (1 53 cm pour 72 kilos) souffrant d’une sténose aortique sévère avec une créatinine de 120 µ.mol/1 (clairance à la créatinine de 19 ml/l), une fraction d’éjection du ventricule gauche à 50% et une hypertension artérielle pulmonaire mesurée invasivement à 65 mmHg. L’échographie révèle une régurgitation mitrale modérée ainsi qu’une régurgitation aortique discrète. Des fonctions pulmonaires permettent de retenir le diagnostic de maladie pulmonaire obstructive chronique modérée.
Il reste à déterminer si le patient est techniquement abordable par voie percutanée (tableau 2). Certaines limitations sont dépendantes du type de valve utilisée et d’autres sont communes aux différents dispositifs. Cette étape est capitale pour le succès de la procédure. Elle comprend une évaluation angiographique des axes vasculaires, de l’anneau aortique, de l’aorte ascendante et des artères coronaires. La mesure de la taille de l’anneau peut varier significativement en fonction de l’imagerie choisie (échographie transthoracique (ETT), aortographie, CT-scan, résonance magnétique). Il n’y a pour l’heure pas de gold standard. Il est cependant recommandé d’effectuer au moins un ETT et une aortographie.7 L’ETT permet habituellement de s’assurer que le diamètre de l’anneau au niveau de l’insertion des feuillets dépasse 18 ou 20 mm, valeur minimale requise respectivement pour la valve Edwards et la CoreValve (figure 3).
Lors de ce processus de sélection, cardiologues et chirurgiens doivent travailler en équipe tout en impliquant les anesthésistes et les radiologues pour optimiser la sélection des patients.
La technique pour le système CoreValve a rapidement évolué vers une procédure purement percutanée sous anesthésie locale avec sédation et sans assistance cardiaque ni incision chirurgicale. Une valvuloplastie au ballon est effectuée avant de déployer la valve prothétique progressivement sous contrôle angiographique avec des injections itératives pour confirmer le bon positionnement (figure 4). La pression artérielle reste habituellement stable durant le déploiement qui n’empêche pas le maintien d’un débit cardiaque. Un pacemaker provisoire est en place en cas de bloc atrioventriculaire (BAV) durant l’implantation. Par la suite, le système de fermeture Prostar, installé en début de procédure est simplement noué pour fermer le point d’accès fémoral. Les temps médians nécessaires à l’implantation de la valve et de la procédure au complet sont respectivement de 8 et 120 min dans le registre européen de 646 patients.8
Certains centres qui implantent des valves Edwards préfèrent l’incision chirurgicale inguinale au système de fermeture percutané (Prostar) surtout pour la grande valve nécessitant un introducteur de 24 Fr. L’échographie transœsophagienne, imposant une anesthésie générale, est utilisée par certains groupes pour optimaliser le placement de la valve. Elle permet aussi d’évaluer le degré de fuite aortique finale.
Une différence dans la procédure entre ces deux dispositifs est l’utilisation d’un pacing rapide (200-220 bpm) lors de l’implantation de la valve Edwards. Le but est de réduire le flux sanguin pour faciliter le positionnement et diminuer le risque de migration de la prothèse.
Après la procédure, les patients sont sous monitoring cardiaque et conservent leur pacemaker provisoire durant quelques jours. Nous l’installons par voie jugulaire pour favoriser une mobilisation rapide à J1. Concernant le régime antiplaquettaire, en plus de l’aspirine cardio, 300 mg de clopidogrel sont habituellement prescrits la veille de la procédure suivis de 75 mg pour une durée de six mois. La procédure se fait sous couverture d’héparine et prophylaxie antibiotique.
Dans la littérature sont rapportées des données sur plus de 840 patients. Pour la valve Edwards, il s’agit principalement des séries issues de Rouen9-10 (A. Cribier) et de Vancouver11 (J. Webb) alors que pour la Core Valve, on retrouve la description de la série initiale de Siegburg,12 de l’étude de sécurité et efficacité13 à laquelle l’Institut de cardiologie de Montréal a participé et finalement les résultats du registre européen postcommercialisation comprenant 646 patients (tableau 3).8
Dans les séries les plus récentes, on assiste à une augmentation du taux de succès de la procédure (>95%) et une diminution de la mortalité à 30 jours qui se chiffre actuellement à moins de 10%. Ces taux sont comparables à ceux obtenus par chirurgie conventionnelle chez l’octogénaire (6,1-9,3%).7 Les patients implantés présentent une évidente amélioration hémodynamique et de leur classe fonctionnelle. La régression du gradient transvalvulaire et l’augmentation de la surface valvulaire aortique sont similaires à ce que l’on peut obtenir avec un RVA chirurgical et ces bénéfices persistent au cours du temps. Le plus long suivi est actuellement de cinq ans avec la valve Edwards, mais la plupart des patients n’ont pas encore dépassé les trois ans d’évolution. La survie à moyen terme des premières séries reste limitée par les comorbidités chez ces patients à haut risque. Aucune dysfonction valvulaire n’a néanmoins été observée au cours du suivi avec les deux types de valves.
L’amélioration du matériel, la transmission de l’expérience des pionniers et une meilleure sélection des patients sont les éléments clés qui ont permis la réduction des complications en particulier vasculaires. Lorsque les accès vasculaires ne se prêtent pas à une approche transfémorale, des alternatives sont envisageables comme la voie transapicale,14 transaxillaire ou sous-clavière.
Les fuites paravalvulaires sont moins fréquentes avec la disponibilité de valves plus grandes et sont rarement plus importantes qu’un grade 2.
La nécessité d’implanter un pacemaker est l’événement le plus fréquent décrit dans les 30 premiers jours post-RVA percutané (5,7% à 20%).8,15,16 Selon le type de prothèse utilisée, son positionnement se situe entre 2 et 6 mm en dessous de la base des feuillets valvulaires aortiques, ce qui peut interférer avec le nœud atrioventriculaire, situé très proche de la région sous-aortique et du septum membraneux. Avec la Core Valve, il a été montré que les patients qui ont nécessité un pacemaker postimplantation avaient une valve positionnée significativement plus bas dans le ventricule (10,3 ± 2,7 vs 5,5 ± 4,4 mm).15 Cette complication, bien qu’un peu moins fréquente, existe aussi avec la valve Edwards16 et le RVA chirurgical.
Actuellement, le RVA percutané s’adresse aux patients à haut risque chirurgical présentant une atteinte valvulaire aortique à prédominance de sténose. Les patients avec une bioprothèse chirurgicale dégénérée, vu le haut risque lié à une réintervention chez ces patients le plus souvent âgés, constituent une autre catégorie de cas à considérer. Le concept de « valve-in-valve » a déjà été réalisé avec succès non seulement en position aortique,17 mais également en position mitrale (voie transapicale).
Avant d’étendre les indications aux patients plus jeunes et avec moins de comorbidités, il faut raisonnablement obtenir davantage de données sur l’évolution à long terme. Cette procédure n’est actuellement pas reconnue aux Etats-Unis. La FDA (Food and drug administration), organisme de contrôle médical, attend une étude randomisée démontrant que cette technologie n’est pas inférieure au RVA chirurgical lorsque le patient est à haut risque chirurgical (STS score > 10% ou risque opératoire évalué par chirurgiens et cardiologues > 15%) et qu’elle est supérieure au traitement médical si le patient est jugé inopérable. Cette étude est en cours avec la valve Edwards (PARTNER-US) en Amérique du Nord avec plus de 400 cas inclus sur les 1050 prévus. A noter que certaines projections futures (Millennium Research Group) voient le pourcentage de RVA percutanés par rapport au nombre total d’interventions valvulaires aortiques passer de 0,2% en 2007 à 41,1% en 2012.
Le RVA percutané est actuellement une alternative à la chirurgie pour des patients à haut risque chirurgical. Cette technique permet une amélioration hémodynamique et fonctionnelle qui persiste à moyen terme. La sélection des patients et l’approche multidisciplinaire demeurent essentielles et comme pour toute nouvelle technologie, il existe une courbe d’apprentissage significative qui nécessite une formation spécifique. Malgré l’enthousiasme suscité par cette technique, le RVA conventionnel reste la thérapie de choix actuellement. Les résultats de l’étude PARTNER ainsi que des données à plus long terme concernant la durabilité de ces prothèses permettront de mieux évaluer la place future de cette technique qui semble être là pour rester.
> Le remplacement valvulaire aortique (RVA) percutané est techniquement réalisable chez les patients à haut risque chirurgical. L’intervention est efficace pour traiter une sténose aortique sévère et permet une amélioration hémodynamique et fonctionnelle
> La survie à moyen terme des premières séries reste cependant limitée par les comorbidités dans cette population de patients à haut risque
> Avec le temps, cette technique a évolué dans la plupart des centres vers une procédure purement percutanée sans assistance cardiaque ni incision chirurgicale. L’intervention peut se faire sous anesthésie locale avec sédation. La collaboration multidisciplinaire reste primordiale
> Comme toute nouvelle technologie, le RVA percutané présente une courbe d’apprentissage significative. Une connaissance approfondie des critères de sélection clinique et anatomique en vue d’une telle procédure est indispensable
> Grâce à une meilleure sélection des patients (accès vasculaires, atteintes cardiaques associées ou comorbidités) et à la transmission de la courbe d’apprentissage des pionniers, la sécurité et l’efficacité de la procédure se sont rapidement améliorées
After more than ten years of development, A. Cribier accomplished in 2002 the first percutaneous aortic valve replacement (AVR), which is a « curative » procedure for severe aortic stenosis and an alternative to surgery for high risk patients. With material improvements over time, the procedure has evolved to become a purely percutaneous intervention in most centers. Currently, two different valve systems, the CoreValve Revalving system and the Edwards SAPIEN valve, have each been implanted in more than 1’500 patients. Careful patient selection, including consideration of vascular access, associated cardiomyopathies and annulus size, remains critical. Although this technique has generated great enthusiasm, conventional surgery remains the gold standard in late 2008.