L’éducation thérapeutique se développe de manière continue depuis plus de 30 ans pour mieux soigner les malades chroniques. Cet article propose une synthèse des méta-analyses récentes ayant pour objet d’évaluer son efficacité.
L’analyse reflète plus de 500 études concernant une dizaine de maladies. Il en ressort que les interventions éducatives sont peu décrites et qu’il est fréquent que les groupes contrôles aient bénéficié d’une éducation sommaire. En dépit de ces biais, l’efficacité de l’éducation thérapeutique est clairement démontrée pour la majorité des études (60%), et ceci quels que soient les pathologies et les indicateurs utilisés.
Concernant l’obésité, on se situe exactement dans la même tendance, avec des pertes de poids conséquentes et durables.
Les maladies chroniques sont les principales causes de consultations médicales et participent à 70% de tous les coûts de santé.1 Selon les estimations de l‘Organisation mondiale de la santé, plus de 80% de toutes les consultations médicales concernent les maladies chroniques.2
Dans les dernières décennies, des efforts importants ont été faits en termes de nouvelles méthodes diagnostiques et nouvelles approches thérapeutiques. La plupart d‘entre elles sont valables dans des situations aiguës. La gestion de la maladie chronique a été également améliorée par de nouvelles technologies, médicaments ou procédures novatrices. Cependant, la spécificité de la médecine chronique est étroitement liée avec le patient en tant qu‘individu, qui doit vivre avec sa maladie et pendant tout le reste de sa vie. Le patient chroniquement malade doit être activement impliqué dans le suivi de sa maladie.
Les réponses que peuvent proposer les soignants consistent en un accompagnement visant à améliorer la santé par une approche bio-psycho-sociale, de ces personnes malades.3 Dans ce sens, l’éducation thérapeutique consiste à permettre au patient d’apprendre nombre de connaissances et compétences, d’adapter certains comportements, ceci pouvant l’aider à améliorer certains indicateurs de santé, sa qualité de vie, et diminuer d’éventuelles complications médicales.4
Pour y répondre, nous nous sommes posé trois questions méthodologiques avant de tirer nos conclusions.
1. En quoi consiste l’éducation thérapeutique pour les différents auteurs, quels en sont les ingrédients, pour eux ?
2. Quels sont les critères qui permettent d’en évaluer l’efficacité ?
3. Et quelle est son efficacité ?
L’abondante littérature médicale concernant des études cliniques d’éducation thérapeutique (plus de 50 000 articles référencés sur Medline à ce jour) nous oblige à opérer des choix quant à leur analyse. Nous avons choisi de spécifier les principales maladies chroniques pour lesquelles l’éducation thérapeutique du patient est reconnue et pratiquée couramment aujourd’hui. La base de données Medline (PubMed) a été interrogée entre septembre 2007 et juin 2008, avec les mots-clés suivants : patient education, efficacy, et par maladies diabetes, asthma, etc. De plus, notre analyse s’est restreinte aux méta-analyses. Pour chaque type de pathologies, une analyse des méta-analyses référencées a été conduite. Elles sont au total de 34 et reflètent 557 études concernant environ 54 000 patients (tableau 1).
Les méta-analyses et articles de synthèse ont été analysés dans leur capacité à rendre compte du contenu des interventions éducatives réalisées par les auteurs des études originales. Les critères pour la qualité de description sont les suivants : le type d’intervention et le modèle pédagogique utilisés, le contenu des cours et ateliers, leur forme (en individuel ou en groupe), la durée et la fréquence de ces interventions éducatives, la profession des intervenants.
Des indicateurs pour la qualité de description des interventions éducatives en ont été déduits, allant de la note 1 (correspondant à l’absence de description quelconque) à la note 4 (présence d’une description détaillée permettant de reproduire à l’identique l’intervention éducative pratiquée). Ces critères, ainsi que le classement des descriptions fournies par les études, telles que relatées dans les méta-analyses, sont présentés dans le tableau 2.
Il ressort très nettement qu’une très faible proportion des analyses d’études rend compte de la méthodologie de l’éducation thérapeutique mise en place (4%). Le plus souvent, une simple dénomination des cours réalisés est indiquée, par exemple «un ensemble de six séquences didactiques à raison d’une intervention par semaine a été réalisé, par une infirmière, à l’hôpital, concernant le diabète». Les premiers résultats montrent que seulement 27% des études évaluant l’efficacité de l’éducation thérapeutique décrivent correctement la méthodologie.
Au vu de la qualité de description peu détaillée, il est, de fait, assez difficile pour les auteurs des méta-analyses de relier l’efficacité (que ce soit sur la base de critères biologiques ou psychosociaux) avec le type et la qualité de l’intervention éducative. Néanmoins, il apparaît que nombre d’études ont fait part d’une amélioration significative des différents critères de santé communément admis, et cela dans toutes les pathologies étudiées. L’amélioration significative décrite est due à la mise en place de séances d’éducation thérapeutique (figure 1). Une première analyse rendant compte d’une série de 255 études montre une proportion élevée de 58% pour une amélioration significative grâce à l’éducation thérapeutique. 35% des études ne montrent aucun effet ou un effet peu significatif, et 7% montrent une péjoration des critères de santé due à l’éducation.
Il est à relever que les critères d’efficacité sont multiples et variés (hémoglobine glyquée, qualité de vie, handicap, douleur, réadmission hospitalière, etc.).
La littérature scientifique est étonnamment pauvre en ce qui concerne l’éducation thérapeutique pour les patients obèses. Une méta-analyse récente de Snethen et coll. fait un point sur ce type d’études publiées ces vingt dernières années, en se concentrant sur l’obésité chez l’enfant et l’adolescent.5 Ces auteurs n’ont inclus dans la méta-analyse que les études avec groupe contrôle (sept études au total, pour quatorze interventions et 356 patients traités).
Ce qui apparaît en premier lieu dans cette publication, c’est la quasi-absence de description du type d’interventions éducatives. Ceci se retrouve malheureusement dans les études et les méta-analyses, ce qui pose problème dans l’interprétation des éléments favorisant l’apprentissage et le changement chez les patients. De plus, il est presque impossible de reproduire l’intervention sans une description détaillée du programme pédagogique (nombre de séances, durée de l’intervention, lieu, profession des intervenants, modèle pédagogique, etc.). L’unique paramètre évalué est la perte de poids et ceci sur une période relativement courte (trois à douze mois entre les évaluations pré et postintervention). Toutes les études font part d’une perte de poids statistiquement significative pour les groupes ayant bénéficié de l’intervention éducative, alors que les patients des différents groupes contrôles ont pour la plupart gagné du poids durant la période.5 Cette métaanalyse relate également l’intérêt d’inclure les parents dans le programme éducatif.
Une revue de littérature se concentrant sur les interventions comportementales pour la perte de poids chez l’adulte obèse montre l’intérêt de combiner ce type de psychothérapies avec les cours de diététique et la remise à l’activité physique.6 Une perte de poids moyenne d’environ 10 kg (sur un poids de départ moyen de 94 kg), ainsi que le maintien de ce nouveau poids à moyen terme (6-12 mois) ont été mis en évidence sur les douze études analysées par ces auteurs.
Une éducation thérapeutique interdisciplinaire, multidimensionnelle a permis, à Genève, de maintenir des pertes de poids à cinq ans de plus de 50%.7 Dernièrement, une combinaison entre un suivi hospitalier et ambulatoire semble montrer des résultats plus satisfaisants à long terme.8
Sur la base de nos résultats préliminaires (neuf métaanalyses), peu d’études (27%) fournissent une méthodologie pédagogique qui permettrait de reproduire les séances éducatives, ceci étant relevé à de nombreuses reprises par les différents auteurs des méta-analyses. Néanmoins, il ressort de manière claire que 58% des études montrent une amélioration significative. Lorsque l’éducation est complexe et structurée, avec des indicateurs très précis et un groupe contrôle sans intervention éducative, l’éducation thérapeutique montre une grande efficacité dans toutes les maladies chroniques considérées. Ceci peut s’expliquer par l’effet cumulé d’une éducation la plus large possible : travail sur les conceptions et croyances de la personne, qui permet de lever certains obstacles aux changements de comportements, associé à des thérapies cognitivo-comportementales. Ces approches sont directement axées sur l’expérimentation de nouveaux comportements comme, par exemple, l’activité physique, la prise de médicaments. L’amélioration de la relation soignant-patient qui en découle permet une prise en charge plus rapide en cas de complications. La création d’un modèle d’éducation thérapeutique complexe et des transpathologies est souvent demandée par les différents auteurs des méta-analyses et nous proposons un modèle d’éducation thérapeutique en cinq dimensions.4
> L’éducation thérapeutique est un élément indispensable de la prise en charge des patients chroniques
> Ce qui montre la plus grande efficacité clinique est la combinaison de différents types d’interventions éducatives (cours, travail en individuel et en groupe, expérimentations par le patient, travail sur les conceptions du patient, approches cognitivo-comportementales, etc.)
> La qualité de cette relation, où le patient est mis en position d’apprenant, n’est pas plus coûteuse en temps et en moyens, et permet au patient de mettre en place des changements de comportements dans sa vie quotidienne
Therapeutic patient education has been developed over more than 30 years, to better treat chronic patients. The purpose of this article is to summarize its efficiency, based on recent meta-analysis publications.
This analysis reflects more than 500 studies concerning ten diseases. It appears that the educative interventions are poorly described and that it is frequent that the control group also received some basic education.
Despite these biases, the efficiency of the therapeutic patient education is clearly demonstrated in the majority of the studies (60%), whatever the pathologies or indicators are.
Concerning obesity, one can find exactly the same tendency, with consequent and long lasting weight losses.