L’affaire est d’une banalité à pleurer. Mais dans le même temps c’est un prodigieux révélateur des contradictions que nous allons devoir gérer. Les grands clairons médiatiques tricolores nous apprenaient, il y a quelques jours, que sept collégiens de la banlieue de Toulouse étaient infectés par le A(H1N1). Evénement : il s’agissait là de l’émergence inaugurale, en France, du virus chez des personnes qui n’ont eu aucun contact direct avec d’autres de retour de pays où ce virus commence à circuler de manière endémique. Un foyer autonome sans cas index. Autant dire le mystère.
« La spécificité de cette situation, c’est que ces cas ne sont pas liés à un déplacement à l’étranger. Le virus est présent dans notre pays » expliqua ainsi à la presse la préfecture de Haute-Garonne. « C’est la première fois qu’on suspecte l’apparition de cas groupés, notamment dans un milieu scolaire, ce qui avait déjà été observé en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Espagne récemment » observait pour sa part le Pr Didier Houssin, délégué interministériel français en charge de la lutte contre la pandémie. Détail qui passionnera les épidémiologistes : plusieurs autres cas de grippe A(H1N1) avaient récemment été diagnostiqués dans la région de Toulouse. On doit être aujourd’hui à une trentaine de cas confirmés ; peut-être plus. Parviendra-t-on un jour à retracer le cheminement du virus ? Et est-ce vraiment nécessaire ?
Une première impose des détails. On apprit ainsi que ces sept cas avaient été confirmés chez des collégiens d’une classe de 6e du Collège de Quint-Fonsegrives ; une classe de quinze élèves (curieux effectif puisque les enseignants de l’Hexagone ne cessent de dénoncer le surnombre de leurs élèves...). On apprit aussi que tous furent hospitalisés après avoir manifesté les habituels symptômes grippaux. Mis sous traitement antiviral (du Tamiflu, sans aucun doute), leur état n’a jamais inspiré d’inquiétude. Egalement hospitalisés, les huit autres collégiens de la même classe purent quant à eux rapidement regagner leur domicile. D’autres analyses de cas éventuels sont en cours et le collège fut fermé durant plus d’une semaine tandis que l’on mettait en place un suivi médical des familles des élèves de la classe.
En a-t-on trop fait ? La France (toujours au niveau 5) doit-elle passer mécaniquement au niveau 6 de l’alerte comme le réclame l’OMS ? « Ce serait sans doute prématuré car ce n’est qu’une suspicion de cas groupés. Il faut qu’on pousse un peu plus loin les investigations » estime, prudent comme il sait toujours l’être, le Pr Houssin. Avant les cas toulousains la France comptait 80 cas confirmés dont 68 importés.
Et, toujours, ce formidable paradoxe qui fait que la puissance publique alerte les médias pour leur faire dire... qu’il n’y a rien à dire. « C’est une épidémie qui n’a pas de raison de nous inquiéter plus que les épidémies de grippe saisonnière que nous connaissons, a déclaré à la presse le Pr Bruno Marchou, chef du Service de maladies infectieuses de l’Hôpital de Purpan de Toulouse. Il n’y a pas lieu d’hospitaliser tous les cas. A posteriori on se rend compte que les moyens mis en œuvre étaient disproportionnés, par rapport à la gravité de la maladie ». Comment apprendre, en somme, à ne pas trop en faire... ?
Plus grave, peut-être. « Il est tout à fait anormal d’hospitaliser des personnes souffrant de grippe qui ne présentent pas de symptômes de détresse respiratoire, fait valoir le Pr Patrick Berche, spécialiste de microbiologie (Paris-V), dans les colonnes du Figaro. Il faut que ces personnes soient traitées à domicile par le généraliste, qui doit donner des conseils à l’entourage pour empêcher la contamination. » Plus grave, sans doute. Pr Berche : « Il est dangereux de les envoyer à l’hôpital ».
Autre sujet. Parviendra-t-on un jour à comprendre pourquoi il arrive que ce virus généralement bénin parvienne, parfois, à tuer ? Une personne vient de mourir en Ecosse. C’est le premier décès de ce type enregistré au Royaume-Uni mais aussi en dehors du continent américain, ont annoncé les autorités. « Nous restons l’un des pays les mieux préparés au monde, déclarait peu avant l’annonce du décès, le secrétaire d’Etat britannique à la santé. Comme dans tous les autres pays, l’écrasante majorité des personnes ayant contracté le virus ne présentent que de légers symptômes ». Emotion outre-Manche. Les autorités sanitaires écossaises ont précisé qu’il s’agissait d’une femme qui « avait des problèmes de santé annexes ».
Une première impose des précisions. « Jacqueline Fleming, une femme de 38 ans, avait accouché il y a deux semaines, nous rapporte l’Agence France-Presse. Elle est décédée au Royal Alexandra Hospital à Paisley dans le sud-ouest de l’Ecosse. "Toute notre famille est absolument effondrée et nous faisons tout ce que nous pouvons pour soutenir les deux fils de Jacqueline et son compagnon", a indiqué la famille dans un communiqué. La malade, qui était en soins intensifs, avait accouché trois mois avant terme d’un garçon. L’enfant prématuré est décédé lundi, a annoncé en soirée un porte-parole du service de santé public écossais, précisant que cette mort n’était pas, elle, due à la grippe porcine. »
Une première impose-t-elle des excuses ? La ministre écossaise de la Santé, Nicola Sturgeon, a présenté ses condoléances à la famille tout en indiquant qu’il n’y avait pas lieu de paniquer. « Aussi tragique que soit ce décès, je voudrais souligner que la vaste majorité de ceux qui sont atteints du A(H1N1) souffrent de symptômes relativement légers » a-t-elle déclaré.
Avec 1320 cas officiellement confirmés lundi, le Royaume-Uni est, à l’heure où ces lignes sont écrites, le pays d’Europe où le A(H1N1) semble le plus circuler. Il existe désormais un foyer écossais, un foyer londonien et un troisième dans le centre-ouest de l’Angleterre. « Compte tenu du nombre de cas que l’on voit, c’est vraiment quelque chose qui devait arriver tôt ou tard, a expliqué aux médias Hugh Pennington, bactériologiste à l’Université d’Aberdeen. Cela ne veut pas dire que le virus devient plus dangereux. Tous les éléments connus à ce jour suggèrent que le virus ne mute pas du tout. C’est un virus grippal, ce n’est pas différent d’un virus de la grippe ordinaire, donc s’il y a beaucoup de cas, certaines personnes vont être hospitalisées et certaines vont mourir. »
Hospitaliser ou pas ? Telle semble être, pour l’été, pour l’automne et pour l’avenir, la principale question.