La chirurgie laparoscopique par abord unique (Laparoendoscopic Single-Site Surgery, LESS) fait ces premiers pas en clinique et permet d’envisager une chirurgie sans cicatrice visible, moins traumatisante. L’éclosion du LESS rappelle la révolution qui vit éclore la laparoscopie. L’expérience clinique acquise en LESS montre que cette approche est valide, semble sûre et répond aux attentes des patients. Cette chirurgie LESS, demandant une grande expertise en laparoscopie, a stimulé le monde chirurgical et l’industrie à améliorer l’ergonomie chirurgicale engendrant de rapides innovations qui marqueront la chirurgie de demain. Il est de notre devoir de maintenant contrôler son évolution afin de construire un futur raisonné pour la chirurgie minimalement invasive combinant les désirs et la sécurité des patients, les intérêts et besoins de la population.
La chirurgie laparoscopique par abord abdominal unique (Laparo-Endoscopic Single Site Surgery, LESS) semble promise à un plein essor en cette fin de décennie.1,2 Les premières expériences cliniques ont démontré sa faisabilité dans diverses procédures viscérales (appendicectomie, cholécystectomie, colectomie, etc.) et urologiques (néphrectomie, etc.). La chirurgie LESS par voie trans-ombilicale représente un espoir d’une chirurgie sans trace, évitant toute cicatrice visible, et donc moins traumatisante de l’image corporelle du patient. Cet espoir d’une chirurgie sans trace sera probablement le principal moteur du développement de cette approche, en parallèle avec le désir des chirurgiens d’effectuer des actes moins traumatisants et le progrès technique permettant leur réalisation de manière plus aisée et sûre.3-5
Nous allons voir dans cet article les avancées et les perspectives d’avenir de la chirurgie LESS en y associant une analyse des attentes des patients envers un traitement chirurgical.
La chirurgie LESS est réalisée au travers d’une incision abdominale unique, généralement au travers de l’ombilic (figure 1). L’ombilic étant une cicatrice embryonnaire, résidu du cordon ombilical, une incision ombilicale est souvent invisible après cicatrisation.6 La chirurgie LESS est réalisée de manière intracorporelle sous pneumopéritoine avec utilisation d’un laparoscope.7 L’unique incision cutanée et pariétale en plus d’offrir un meilleur résultat cosmétique (figure 2), permettrait de diminuer les risques de complications associés aux multiples ports de la laparoscopie conventionnelle (hémorragie pariétale, infection de plaie, éventration, etc.) et de minimiser les douleurs postopératoires favorisant ainsi la récupération après chirurgie.3,8,9
Actuellement, la chirurgie laparoscopique par abord unique (LESS) connaît un développement rapide en chirurgie viscérale et urologique qui est en partie attribuable aux récents progrès techniques de l’instrumentation chirurgicale. Mais, déjà dans les années 70, quelques chirurgiens avaient testé cette approche, notamment en chirurgie gynécologique pour des ligatures tubaires, avec d’excellents résultats cliniques malgré une instrumentation laparoscopique balbutiante.10 Puis dans les années 90, l’appendicectomie et la cholécystectomie de même que diverses interventions gynécologiques furent décrites par abord ombilical unique.11-13 Mais ces techniques ne se développèrent pas en raison des difficultés techniques liées au manque d’instrumentation et d’un manque d’intérêt de la communauté chirurgicale.14
La récente renaissance de la chirurgie laparoscopique par abord unique est intimement liée à la grande médiatisation apparue ces dernières années autour de la chirurgie NOTES (natural orifice transluminal endoscopic surgery, par orifice naturel). Bien que la chirurgie NOTES soit encore du ressort de la recherche préclinique, sa médiatisation a mis en lumière l’intérêt des patients potentiels pour une chirurgie sans cicatrice. Cet élément fut le moteur pour une nouvelle ère de la chirurgie par abord ombilical unique qui permet de réaliser une intervention abdominale sans cicatrice visible. Ainsi depuis fin 2007, de multiples publications scientifiques démontrent chaque semaine les progrès réalisés en chirurgie LESS dans les domaines de la chirurgie viscérale (tableau 1) et urologique principalement. Ces nouvelles avancées sont actuellement favorisées par les progrès de l’instrumentation chirurgicale qui se font avec la participation active de groupes chirurgicaux de recherche universitaire.
Alors que l’attrait de la chirurgie minimalement invasive, laparoscopique n’est plus à démontrer chez nos patients,15 de récentes études de population ont illustré l’intérêt pour une chirurgie sans cicatrice. Ainsi des études américaines ont montré que les patients seraient prêts à accepter des risques chirurgicaux majorés, pour une cholécystectomie, s’ils pouvaient bénéficier d’une sans cicatrice, à savoir une chirurgie par orifice naturel (NOTES).16,17 Récemment, une étude de population que nous avons réalisée à Genève, a montré que les patients sont demandeurs d’une chirurgie sans cicatrice visible dans la grande majorité (< 90%) pour un risque chirurgical similaire,18 mais que 40% restent demandeurs d’une approche par abord ombilical unique même si les risques chirurgicaux devaient être doublés !4 Concernant le type d’abord chirurgical pour une chirurgie sans cicatrice visible, le choix des patients genevois, dans cette étude, se portait premièrement sur un abord ombilical (LESS) en défaveur des abords par orifice naturel (NOTES).4
Cette large acceptation, ou ce plébiscite, de la chirurgie « sans trace » implique une grande sagesse du monde chirurgical, qui ne devrait pas révolutionner la chirurgie minimalement invasive sans en évaluer les risques préalablement.
Les premières interventions par chirurgie laparoscopique avec abord ombilical unique, à savoir des cholécystectomies et appendicectomies, furent réalisées dans les années 90,11 néanmoins cette approche fut par la suite mise à l’écart en raison de difficultés techniques en dehors des appendicectomies toujours réalisées en pédiatrie par cette technique dans de nombreux centres européens.12,19
La chirurgie LESS est réapparue récemment en chirurgie abdominale et son évolution actuelle rappelle la révolution de la laparoscopie durant le siècle passé, alors que la sagesse médicale voudrait en limiter l’éclosion incontrôlée afin d’en évaluer la balance bénéfices-risques pour les patients. Ainsi, de nombreuses interventions par chirurgie LESS ont été décrites de manière scientifique, malheureusement souvent noyée dans une masse de publications online à but publicitaire (notamment aux Etats-Unis). Plusieurs centres universitaires américains et européens (dont les HUG) ont débuté des programmes de recherches cliniques dans le but d’évaluer cette nouvelle approche et ainsi rapporter leurs expériences (tableau 1). Alors que les techniques d’appendicectomies,4 de cholécystectomies,8 de sleeve gastrectomy,20 de nécrosectomies pancréatiques,21 et de cure de hernies ventrales22 semblent actuellement bien définies, les interventions plus complexes, telles que les colectomies, nécessitent encore des recherches principalement concernant l’instrumentation pour être validées.7,23
La chirurgie LESS connaît un large essor en chirurgie urologique, notamment aux Etats-Unis ces deux dernières années, ceci étant probablement lié à l’entraînement des chirurgiens urologues pour la chirurgie endoscopique par exemple lors de prostatectomie endoscopique.24 On doit certainement relever que le renouveau de la chirurgie LESS doit être attribué à ces groupes qui les premiers ont relancé les recherches dans ce domaine.25 Ainsi de nombreuses techniques chirurgicales LESS ont été décrites allant même jusqu’au prélèvement de rein de donneur vivant pour transplantation avec des résultats impressionnants en qualité.2,26
Un programme de chirurgie LESS a été débuté en 2007 dans le service de chirurgie viscérale des HUG dans le cadre de la recherche clinique et préclinique pour les nouvelles technologies chirurgicales. Plus d’une centaine de patients (127 cas) ont à ce jour bénéficié d’une chirurgie LESS aux HUG (tableau 1 ) pour diverses indications allant de l’appendicectomie à la cholécystectomie et aux chirurgies plus complexes telles que des colectomies. La morbidité globale a été de 1,5% sans mortalité. Aucune complication chirurgicale liée à la technique n’a été relevée. Actuellement plusieurs protocoles d’études ayant pour but de valider les résultats de cette approche comparativement à la chirurgie laparoscopique conventionnelle sont en cours.
Alors que d’importants progrès techniques ont déjà été réalisés pour la chirurgie LESS, des améliorations sont encore à venir notamment pour améliorer l’ergonomie du chirurgien afin de faciliter cette approche et d’améliorer sa sécurité. Deuxièmement, comme souvent, les nouvelles technologies peuvent engendrer une augmentation des coûts, ce qui est le cas actuellement en raison de l’utilisation de matériels nouveaux et de temps opératoire souvent plus long. De plus, en dehors de l’avantage cosmétique évident, les autres avantages potentiels de la chirurgie LESS n’ont pas encore été démontrés. Leur évaluation demanderait la réalisation d’études prospectives randomisées. En résumé, le développement de la chirurgie LESS pourra signifier un gain pour le patient et la communauté, mais à la condition de mettre en balance les avantages cosmétiques, les résultats cliniques, la sécurité et les coûts.
Les nouvelles technologies chirurgicales réunissent les approches robotiques, LESS, NOTES et les progrès réalisés en imageries médicales qui, ensemble, influenceront la chirurgie de demain. Alors que la chirurgie par orifice naturel (NOTES) est encore du domaine de la recherche préclinique, la chirurgie laparoscopique par abord ombilical unique (LESS) a déjà fait ses premières avancées cliniques et démontré sa faisabilité. Maintenant que les patients vont probablement rapidement demander cette approche, la sécurité de la chirurgie LESS doit être démontrée dans un cadre scientifique. Il semble certain que la chirurgie LESS marquera la chirurgie minimalement invasive de demain, mais il reste à découvrir si elle sera un chemin vers la chirurgie par orifice naturel (NOTES), avec laquelle elle partage beaucoup de caractéristiques techniques, ou si elle représentera l’approche de routine en chirurgie minimalement invasive. Par ailleurs, les développements de la robotique qui, une fois miniaturisée, permettra l’introduction de mini-robots dans la cavité abdominale viendront se joindre à ces techniques pour en améliorer la faisabilité, et probablement la sécurité.
Après avoir été un mythe, la chirurgie sans cicatrice semble devenir une réalité par le développement de la chirurgie laparoscopique par abord ombilical unique (LESS). Ce domaine passionnant, demandant une expertise avancée en chirurgie laparoscopique, représente une opportunité de recherche et de développements techniques. Ceux-ci imprimeront leur marque sur la chirurgie du futur pour le service des patients, en leur proposant une approche non invasive encore plus respectueuse de leur image corporelle.
> La chirurgie laparoscopique par abord unique (LESS) diminue au maximum le trauma pariétal et les cicatrices associées à toute chirurgie abdominale. Elle offre un avantage cosmétique majeur comparativement aux techniques actuelles et permet d’entrevoir concrètement une chirurgie sans cicatrice (chirurgie par orifice naturel, NOTES)
> La chirurgie LESS permet de réaliser actuellement de multiples interventions en chirurgie viscérale notamment les appendicectomies, cholécystectomies, et d’autres interventions plus complexes
> La chirurgie LESS nécessite une nouvelle expertise chirurgicale et doit être pratiquée dans le cadre de protocole de recherche afin d’en valider les résultats de manière scientifique. Elle ne devrait pas engendrer une révolution chirurgicale sous la pression des patients et du dictat de l’image corporelle que vit notre société
Laparoendoscopic Single-Site Surgery (LESS) has made its fore ways into clinical practice, and allows foreseeing a less traumatic surgery without visible scar. Its development reminds the revolution associated with apparition of laparoscopy. Actual clinical experience gained showed that LESS is valid, seems as safe as conventional laparoscopy, while offering patients a surgery without trace. LESS development, which requires advanced laparoscopy training, has made surgeons and industry rethink surgical ergonomic thus allowing rapid technical innovations. These innovations will change minimally invasive surgery in a near future, if they did not already. We, now, have to control its evolution to build a safe and reasonable future for minimally invasive surgery combining patients’ desire and safety, populations needs.