Adoptée le 20 novembre 1989, la Convention internationale des droits des enfants vient de fêter ses vingt ans. Elle affirme que les droits des enfants priment sur ceux des adultes. Elle a été ratifiée par tous les Etats signataires, à l’exception des Etats-Unis et de la Somalie. La Suisse aussi l’a ratifiée après quelques atermoiements en 1997.
Malgré la Convention, les droits d’un milliard d’enfants dans le monde restent bafoués.1 Et pas seulement dans les pays les plus pauvres. En Suisse, plusieurs groupes apparaissent particulièrement vulnérables, dont les enfants élevés sans statut légal ou les requérants d’asile mineurs non accompagnés. Leur statut d’enfant n’est pas assez pris en compte.2
Nous, comme citoyens et comme médecins, ne pouvons pas rester indifférents à la responsabilité morale que cette Convention nous impose.
Il n’y a pas que les enfants migrants, dont nous avons constaté maintes fois la détresse. Il existe un oubli des droits des enfants aussi dans les familles de nos patients. Nous avons le devoir éthique et légal de nous engager de façon à assurer la protection des mineurs.
Même si l’intervention médicale ne concerne directement qu’un individu, elle doit tenir compte des interinfluences qui s’opèrent entre l’entourage et le malade.
La perspective éthique sous-tendue par la Convention implique notamment que nous renoncions à nous réfugier à l’égard de nos patients dans une position de stricte neutralité. Il nous revient d’abord d’évaluer avec eux les répercussions, les limitations que la maladie induit chez eux et les conséquences qu’elle pourrait avoir sur leurs enfants. Il nous faut donc agir, ne serait-ce qu’en amenant les parents à se demander comment, malgré leur maladie, ils exercent leur responsabilité parentale : ils y sont tenus par les lois en vigueur en Suisse. Nous avons à prévenir les formes de négligence ou de mauvais traitement et, le cas échéant, à aider les parents à traiter leurs enfants avec respect.
L’élargissement du champ d’intervention de la médecine répond à une exigence éthique de notre travail. Nous occuper des droits des enfants dont nos patients ont la charge ne signifie en aucune manière renoncer au soutien à l’égard de nos malades. La relation singulière que nous nouons avec eux représente la dimension essentielle de la médecine, celle qui nous permet de les rencontrer et de les soigner. Nous avons à être empathiques avec eux.
L’empathie constitue le sens de base de l’alliance de travail. Nous somme alliés avec nos patients et nous les encourageons à sauvegarder cette partie essentielle de leur existence qu’est le soin de leurs enfants mineurs.
L’empathie n’exclut pas la confrontation. La prise en charge médicale exige bien souvent la mobilisation des deux. Si le médecin est seulement empathique, il risque de se priver de sa clairvoyance et la relation, de s’immobiliser ; s’il est seulement dans la confrontation, il risque d’assumer une attitude d’incompréhension, de rejet et de moralisation.
Comment accorder alors empathie et confrontation ? La Convention dont nous fêtons l’anniversaire nous définit clairement quels sont les droits des enfants, ce qui nous aide à départager les niveaux de la responsabilité et de la compréhension. Pour le dire grossièrement, nous n’avons pas à juger les personnes, mais certainement il nous faut discriminer ce qui, dans leurs actes, est nocif de ce qui est bienfaisant.
Nous avons à nous référer à la Convention et jouer ainsi un rôle essentiel dans une démarche protectrice de tous les enfants, nationaux et migrants, autrement nous risquons de contribuer, par notre cécité ou par notre indifférence, à faire perdurer leur souffrance, à bafouer à notre tour leurs droits.