(...) Exactement 67 personnes sont mortes en 2009 alors qu’elles attendaient une transplantation d’urgence. « La situation est malheureusement très préoccupante », s’inquiète la conseillère d’Etat Liliane Maury Pasquier, qui soutient la cause. « Même après une légère amélioration du nombre de donneurs en 2009, trop de personnes décèdent en attendant un organe. »
Pourquoi le taux de donneurs demeure-t-il si bas malgré de nombreuses campagnes de sensibilisation ? Nadine de Carpentry, coordinatrice de transplantation aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et organisatrice du gala ProTransplant, pointe du doigt le manque de communication dans les ménages suisses.
« Régulièrement, des campagnes d’affichage rappellent l’existence de la carte de donneur, observe Nadine de Carpentry. Les gens ne sont pas contre, mais lorsqu’il s’agit d’envisager leur propre mort, ils ne se sentent pas concernés. » Les campagnes de sensibilisation sont-elles donc trop molles ? « Si l’Office fédéral de la santé publique a mené une campagne neutre, c’est pour ne pas faire de pression », répond Samia Hurst, professeure à l’Institut d’éthique biomédicale de l’Université de Genève. « Cela dit, une campagne plus encourageante est possible sans ôter la liberté aux gens. » La bioéthicienne ouvre d’ailleurs la question aux lecteurs de son blog en comparant deux affiches. D’un côté, la campagne helvétique, quatre mots en larges caractères : « C’est moi qui décide. » De l’autre, la version brésilienne. Une jeune fille pose à côté d’une poubelle, avec l’inscription : « L’un des deux recevra vos organes. A vous de décider. »
« Les campagnes ne doivent pas se limiter à informer, ajoute Liliane Maury Pasquier. Chaque personne doit se poser la question : et moi, s’il m’arrivait quelque chose ? » La socialiste précise qu’il ne s’agit pas là de convaincre mais « d’encourager les personnes à se positionner ». (…)
En Suisse, la politique en matière de don d’organes repose sur le consentement explicite. Pour que le cœur, le foie ou le poumon soient prélevés sur une personne décédée, celle-ci aura soit exprimé son consentement au moyen d’une carte de donneur, soit oralement aux membres de sa famille. En France, en Belgique et en Autriche, la méthode inverse est pratiquée. La loi considère tout individu comme donneur. Celui qui souhaite refuser d’offrir ses organes après sa mort s’inscrit sur un registre national. Un modèle plus contraignant que la conseillère nationale Viola Amherd (PDC/VS) a proposé en 2008 d’appliquer à la Suisse. La motion avait été accueillie froidement par les milieux concernés, davantage tournés vers l’amélioration du système actuel car l’exemple de l’Espagne prouve que le consentement explicite peut être efficace s’il est accompagné d’autres mesures. Le pays enregistre en effet le plus haut taux de dons d’organes au monde grâce à une forte politique de communication. (…)
Le Courrier du 21 mai 2010