Les dix ministres cantonaux de la Santé chargés par leurs pairs de trancher ne sont pas arrivés à mettre de l’ordre dans la concentration de la médecine de pointe. Pas encore. A part pour la protonthérapie, utilisée pour traiter des cancers rares, ils ont décidé de ne rien décider avant 2013.
Les greffes du cœur, qui sont devenues le symbole du combat que se livrent les cantons pour garder le plus d’opérations pointues possible, vont continuer à être pratiquées dans trois centres hospitaliers universitaires, à Lausanne, Zurich et Berne. Les experts recommandaient, pour des raisons de qualité avant tout, de concentrer sur deux sites au maximum la trentaine de transplantations cardiaques effectuées chaque année en Suisse.
En maintenant le statu quo pour presque toutes les interventions de pointe – les transplantations d’organes en général, mais aussi les brûlures graves, les transplantations allogènes de cellules souches de la moelle et du sang utilisées pour traiter les leucémies, ainsi que les implants auditifs dans l’oreille interne –, les politiciens ont-ils porté un coup fatal au processus de concentration de la médecine de pointe, qui n’avance pas depuis dix ans ?
Présentant la décision vendredi en fin de journée à Altdorf, le Vaudois Pierre-Yves Maillard (PS), président de la Conférence des directeurs de la santé (CDS), ne le croit pas. Il se veut même optimiste : « Le concordat était en danger. En reportant la décision à fin 2013, nous donnons des chances supplémentaires au processus de concentration. D’abord, nous serons plus proches de 2015, date limite à laquelle la Confédération peut forcer les cantons à agir s’ils ne se sont pas mis d’accord entre eux. Mais aussi, ce délai de deux ans offre des chances supplémentaires de trouver un consensus politique. D’ici là, il y aura peut-être des indications supplémentaires justifiant l’ouverture d’un deuxième centre de protonthérapie. Les cantons ont ainsi la possibilité de décider s’ils veulent devenir des centres d’excellence pour les transplantations cardiaques ou pour le traitement du cancer. »
Entre les lignes, on comprend que les cantons ne sont pas arrivés à faire fléchir Zurich, qui ne voulait en aucun cas renoncer aux greffes du cœur. Et qu’ils ne voulaient pas prendre le risque, avec une décision prise de justesse, de s’engager dans un long bras de fer juridique. (…)
Donnant quelques détails sur les négociations serrées menées par le comité de décision, Pierre-Yves Maillard a surpris en annonçant qu’il aurait été d’accord de renoncer aux greffes du cœur à Lausanne. Mais la proposition de ne garder qu’un seul centre à Berne a échoué au vote, en raison de l’opposition de Zurich et de quelques alliés parmi les cantons non universitaires. « Nous aurions montré que la Suisse romande était prête à faire un geste, pour autant qu’il ne soit pas unilatéral. » (…)
Le Temps du 29 mai 2010