Qu’il est loin le temps où l’on estimait que l’assurance maladie était une sécurité en cas de grave maladie ; où « je ne voulais pas charger mon assurance » car « d’autres en avaient plus besoin que moi ». Et si la maladie m’épargnait, j’acceptais mon effort pour que d’autres, moins chanceux, puissent être soignés. En ces temps anciens (30 ans...) l’assurance s’appelait encore mutuelle.
Mais, progressivement, à l’instar d’autres secteurs de la société, en matière d’assurance aussi, l’argent est venu prendre la place principale : les mutuelles se sont transformées en entreprises commerciales qui doivent être rentables. « Je » ne paye plus aujourd’hui des primes par solidarité mais pour obtenir un retour sur investissement, pour que l’assureur me rembourse, même s’il s’agit de médicaments de confort ou de voyage...
Autre temps, autres mœurs... Les autorités gouvernementales se mettent au diapason : après avoir réduit les subsides aux assureurs, elles ne parlent plus qu’en termes d’économicité et de rentabilité. Freiner les frais de santé devient leur seul credo. Depuis quelques années, elles prennent diverses mesures, intempestives et impopulaires, sans grande concertation, un peu à la sauvette. Certaines ont avorté dans l’œuf. Les dernières touchent aux remboursements considérés comme inutiles : les frais de lunettes, les accessoires pour incontinents, le temps consacré dans les EMS aux transmissions d’informations entre soignants ; et, si l’on n’est pas membre d’un réseau, la participation aux frais d’hospitalisation et aux soins ambulatoires. Ce matériel et ces soins sont-ils devenus moins chers ? Les contacts entre soignants sont-ils devenus moins nécessaires ? A l’évidence, non ! Ces frais continuent à courir, et, dorénavant, ce ne sont plus les assureurs qui les paient, mais les malades ou leur famille... Ces mesures ne réduisent en rien les frais de santé, mais uniquement les dépenses des caisses. Et ceux qui sont en droit d’attendre une aide sont encore plus pénalisés. En fait, en langage politique, ce qu’on appelle aujourd’hui « frais de santé » correspond uniquement aux dépenses à la charge des caisses-maladie.
M. Burkhalter nous montre ainsi qu’il se préoccupe davantage des assureurs que des malades. Au mépris de l’esprit de solidarité... Qu’est donc devenue cette société civile qui recherche le profit avant l’entraide, sans se soucier de la charge ainsi mise sur les épaules de malades de moins en moins aidés ? A Genève, une récente étude révèle que 30% de la population a dû réduire ou supprimer ses soins de santé (dentiste par exemple), n’arrivant plus à les payer.
Retrouver l’esprit de solidarité ? Cela doit passer par une volonté affirmée des gouvernants de gérer l’assurance obligatoire avec clarté, objectivité, fermeté. Par la détermination de remettre le malade au centre des préoccupations sociales. Par une interrogation ouverte des assurés. Les interpeller en les confrontant aux coûts de la médecine d’aujourd’hui qui est de haute qualité dans ce pays. Leur demander s’ils sont d’accord de la financer. Si oui, jusqu’où ?
Prendre les gens au sérieux. Leur redonner un rôle d’interlocuteur actif. Cesser de suivre aveuglément les chemins tracés par les assureurs en leur laissant la priorité des décisions dans l’organisation et la gestion de notre système de santé. Revenir à cette solidarité, à cette certitude que nous ne sommes pas seulement des individus gérant leur vie mais bien des concitoyens, affrontant tous ensemble les aléas de l’existence.
M. Burkhalter, serez-vous celui qui saura redonner à ce pays le sentiment d’être une société solidaire, faite de gens qui s’entraident ? Ou serez-vous, comme votre prédécesseur, prioritairement à l’écoute des assureurs, acceptant donc la primauté de l’argent ? Saurez-vous redonner une âme à notre système de santé ou serez-vous le fossoyeur de la solidarité face à la maladie ?
Groupe de presse de l’Association neuchâteloise des médecins omnipraticiens (ANMO)