Neuf ans après la première implantation d’une valve aortique percutanée, on constate des progrès technologiques constants et une simplification de la procédure. Deux dispositifs (valve Edwards SAPIEN et CoreValve) ont pu accumuler une importante expérience clinique avec plus de 17 000 implantations pour chacun d’entre eux. L’étude randomisée Partner a confirmé l’efficacité et la sécurité de la technique. Fin 2010, le TAVI (Transcatheter aortic valve implantation) est devenu le traitement de choix pour des patients sélectionnés, jugés inopérables sur la base de l’âge ou des comorbidités, et représente maintenant une alternative acceptable pour des patients opérables avec un risque chirurgical élevé. La sélection non seulement des patients, mais aussi de la technique (transartérielle ou transapicale), nécessite une approche multidisciplinaire qui reste essentielle pour le succès de l’intervention.
Le rétrécissement aortique calcifié (RAC) est la valvulopathie la plus fréquente en Europe et touche classiquement des patients âgés. La courbe de survie naturelle en présence d’un RAC sévère présente une nette cassure dès l’apparition des symptômes,1 en particulier d’une dyspnée d’effort (50% de mortalité dans les deux ans). Le remplacement valvulaire aortique (RVA) chirurgical est le traitement de choix, mais il n’est pas rare que ces patients âgés souffrent de comorbidités significatives rendant le risque opératoire élevé, voire prohibitif. En effet, plusieurs registres, dont une enquête européenne (Euro Heart Survey),2 ont montré que 30 à 40% des patients suivis par des cardiologues pour un RAC sévère symptomatique – indication opératoire de classe 1a selon les directives européennes – ne sont pas opérés. Par conséquent, malgré les bons résultats de la chirurgie, il existe une place pour une approche moins invasive : le remplacement valvulaire aortique percutané ou TAVI (Transcatheter aortic valve implantation). L’objectif de cet article est de mettre à jour les informations rapportées précédemment dans ce même journal,3,4 en discutant les données récentes de la littérature.
Depuis la première intervention par A. Cribier en 2002 à Rouen,5 deux dispositifs (valve Edwards SAPIEN et CoreValve de Medtronic) ont accumulé une vaste expérience clinique avec, à ce jour, plus de 17 000 implantations par dispositif dans plus de 30 pays. En Suisse, douze centres ont débuté un programme de TAVI (environ 230 procédures) en 2010 (figure 1) et un registre national va prochainement voir le jour.
Quanrante-six TAVI par CoreValve (44 patients jugés inopérables et deux patients à haut risque).
Mortalité à 30 jours de 8,7%. Chaque mois, une journée est consacrée à la réalisation de deux procédures.
TAVI : transcatheter aortic valve implantation.
Cette valve (figure 2A), implantée par gonflement d’un ballon (balloon-expandable), a bénéficié de modifications notables récentes. Elle nécessite maintenant des accès vasculaires de 18 French (F) pour la valve de 23 mm et de 19F pour la valve de 26 mm, au lieu de 22F et 24F respectivement, ce qui permet d’élargir sa plage d’utilisation et de diminuer les complications vasculaires. Pour rappel, une coronarographie se fait classiquement avec du 5-6F (1F = 0,33 mm). Pour obtenir cette réduction du diamètre de l’introducteur, deux modifications ont été effectuées : le stent n’est plus en acier inoxydable mais en cobalt chromium, plus facile à compacter, et le concept du chargement de la valve a été modifié. La valve est maintenant positionnée sur le ballon, non plus en dehors du patient, mais alors qu’elle se trouve déjà dans l’aorte descendante. Cette valve peut aussi être implantée par voie transapicale avec un cathéter de 26F introduit par mini-thoracotomie en regard de l’apex cardiaque. Pour l’approche transapicale, il existe aussi une valve de 29 mm pour les anneaux aortiques > 25 mm.
La CoreValve est un dispositif autoexpansible, partiellement repositionnable, pour lequel la taille de l’accès vasculaire est de 18F depuis mai 2006. La valve comprend trois feuillets de péricarde porcin suturés dans un cadre en nitinol de 55 mm de long divisé en trois parties (figures 2 B-C). Le cathéter permettant le largage de la valve a été amélioré pour augmenter la stabilité de la valve lors du déploiement. Auparavant, elle avait tendance à avancer en direction du ventricule, forçant l’opérateur à exercer une traction sur le cathéter. Tout prochainement, une troisième taille de valve, pour des anneaux plus grands que 27 mm, sera également disponible. Lorsque les accès fémoraux sont inadéquats (< 6 mm de diamètre, calcifiés de manière circonférentielle, avec des rétrécissements significatifs ou extrêmement tortueux), la CoreValve est aussi approuvée (CE Mark en janvier 2011) pour un abord par l’artère sous-clavière, technique nécessitant l’exposition chirurgicale de l’artère. Les données sur cette approche sont encourageantes. La série italienne rapporte 54 cas avec 100% de succès procéduraux et 0% de mortalité procédurale à 30 jours.6 Certains centres ont utilisé la voie directe aortique, nécessitant une mini-sternotomie pour ponctionner l’aorte ascendante au moins 6 cm au-dessus de la valve native (la CoreValve mesure 55 mm). Cette dernière approche est utile en l’absence d’accès fémoraux ou sous-claviers. En revanche, l’adaptation de la CoreValve à la voie transapicale n’a jamais abouti en clinique.
A. Valve Edwards SAPIEN : valve suturée sur un stent de 14 à 16 mm de hauteur, selon la taille de la valve, et montée sur un ballon. B. Système de livraison transfémoral NovaFlex, montrant la valve montée sur le ballon.
C. Valve CoreValve : valve montée sur un stent en nitinol et divisée en trois parties : la partie inférieure (1) génère une importante force radiale pour écraser les feuillets natifs. La partie centrale (2) contient la valve (péricarde porcin et fonction supra-annulaire) et par sa forme convexo-concave évite les ostia coronaires. La partie supérieure (3), quant à elle, sert à maintenir l’orientation du système.
Ces deux points ont été extensivement décrits dans ce même journal en 2009.3 Brièvement, avec l’expérience grandissante, on a pu confirmer que le STS (Society of thoracic surgeons) score est plus réaliste que le Logistic EuroSCORE pour prédire la mortalité à 30 jours. Définir l’opérabilité d’un patient reste cependant un défi et le concept de patient fragile (frailty index) a pris de l’importance. Les scores restent calculés de routine, mais servent à guider et non à dicter la prise en charge. Le bon sens clinique et l’approche multidisciplinaire sont indispensables pour évaluer au mieux ces patients.
Dans le bilan précédant un TAVI, la coronarographie reste indispensable, tout comme la bonne visualisation des axes ilio-fémoraux, en particulier de la bifurcation fémorale. Le choix de la taille de la valve repose sur des mesures de l’anneau aortique et de la racine aortique par plusieurs techniques d’imagerie. L’échocardiographie transthoracique est réalisée de routine et permet une première appréciation. Le CT-scan, avec son évaluation tridimensionnelle, s’affirme comme un outil précieux en particulier lorsque l’anneau est ovale. Quand la fonction rénale contre-indique un scanner injecté, l’échocardiographie transœsophagienne représente une alternative intéressante. Dans tous les cas, il faut au moins deux modalités d’imagerie pour juger de la taille de l’anneau et de la racine aortique.
Concernant la technique d’implantation, l’accès transfémoral reste l’accès le plus fréquemment utilisé, le plus souvent avec une préfermeture percutanée (Prostar XL). Certaines équipes préfèrent encore une incision chirurgicale de routine ou dans des cas sélectionnés. La procédure d’implantation d’une CoreValve est purement percutanée (figure 3), le plus souvent sous anesthésie locale avec sédation. L’échocardiographie transœsophagienne, imposant une anesthésie générale, est utilisée par certains groupes implantant des valves Edwards pour optimaliser le placement de la valve.
Une valvuloplastie au ballon est effectuée sous pacing rapide (A) avant de déployer la valve prothétique progressivement sous contrôle angiographique avec des injections itératives pour confirmer le bon positionnement (B-C). Une aortographie finale (D) permet d’évaluer la position de la valve, la présence d’une régurgitation et la perméabilité des coronaires. La pression artérielle reste habituellement stable durant le déploiement, hormis parfois transitoirement durant la phase intermédiaire de déploiement. Si la pression chute, le déploiement entre B et C est accéléré.
La CoreValve est associée à un plus haut taux de pacemakers définitifs postprocédure que la Valve Edwards. Cependant, depuis que la cible de positionnement de la Core Valve n’est plus 8 mm sous l’anneau, mais plutôt 4-6 mm, le taux de pacemakers implantés dans les suites de la procédure semble avoir diminué. Le pacemaker provisoire, préférentiellement inséré par voie jugulaire pour permettre une mobilisation rapide à J1, est maintenu habituellement 48 heures.
Concernant le régime antiplaquettaire, en plus de l’aspirine cardio, 300 mg de Plavix sont prescrits la veille de la procédure suivis de 75 mg pour une durée de trois mois. La procédure se fait sous couverture d’héparine (pas d’indication à une anticoagulation pour la valve par la suite) et prophylaxie antibiotique. En cas d’indication à du Sintrom (fibrillation auriculaire, FA par exemple), seule l’aspirine sera prescrite pendant trois mois sans Plavix.
Les résultats de l’étude randomisée Partner (cohortes A et B), réalisée avec la Valve Edwards SAPIEN essentiellement dans des centres américains débutant leur expérience, sont maintenant connus. La cohorte B (randomisation de 358 patients jugés non opérables par deux chirurgiens cardiaques, entre TAVI et traitement standard incluant une valvuloplastie au ballon dans 83% des cas), publiée en octobre 2010,7 a clairement montré une supériorité du TAVI, avec 20% de différences de mortalité globale à un an entre les deux groupes (30,7 vs 50,7% de mortalité globale à un an), ceci malgré l’incidence plus élevée d’accident vasculaire cérébral (AVC) majeur (5 vs 1,1% à 30 jours, p = 0,06) et de complications vasculaires majeures (16,2 vs 1,1%, p < 0001). Le nombre de patients à traiter pour sauver une vie n’est que de cinq (NNT de 5). La différence est encore plus importante si l’on considère la mortalité cardiaque (24%, soit 20,5 vs 44,6%, NNT de 4,1 patients) et la mortalité ou les réhospitalisations (29,1%, soit 42,5 vs 71,6%, NNT de 3,4 patients). A noter cependant que tous les patients non opérables n’ont pas été inclus ; les principaux critères d’exclusion sont cités dans le tableau 1.
La cohorte A (randomisation de 699 patients entre TAVI vs chirurgie pour des patients avec STS score > 10% ou risque chirurgical évalué > 15%), présentée au congrès de l’American college of cardiology 8 début avril 2011, a montré la non-infériorité du TAVI par rapport à la chirurgie dans une population de patients à haut risque chirurgical (mortalité globale à un an, 24,2% après TAVI vs 26,8% après chirurgie). Le groupe TAVI a été attribué à l’approche transfémorale (70%) ou transapicale (30%) en fonction des accès vasculaires fémoraux. Le critère de non-infériorité est également atteint pour l’approche transfémorale (mortalité globale à un an à 22,2% après TAVI transfémoral vs 26,4% après chirurgie) alors que l’approche transapicale (29%) fait un peu moins bien que la chirurgie conventionnelle (27,9%).
La mortalité à 30 jours est inférieure aux prédictions des scores de risque (STS score à 11,7%) pour les deux bras de l’étude. Dans cette population réellement à haut risque, la mortalité à 30 jours, en considérant le traitement effectivement reçu, s’élève à 8% pour la chirurgie et 5,2% pour le TAVI. L’analyse en intention de traiter sous-estime la mortalité sachant que certains patients n’ont finalement pas eu la thérapie attribuée. En effet, après randomisation pour la chirurgie, 8% des patients se sont retirés et 5% du groupe TAVI n’ont pas reçu de valve Edwards suite à une conversion chirurgicale (2,6%) ou à une procédure avortée (2,4%).
L’approche transfémorale est encore plus performante (3,7% de mortalité à 30 jours), avec les meilleurs résultats jamais rapportés malgré l’inexpérience des centres américains (premières interventions faites sous supervision de formateurs) et l’ancienne génération de valve utilisée (introducteur de 22 et 24F).
Ces éléments contribuent certainement aux 11% de complications vasculaires majeures dans le groupe TAVI (vs 3,2%, p < 0,01 pour la chirurgie). On peut penser que ces complications diminuent avec l’expérience et la réduction de la taille des introducteurs. Le taux d’AVC et/ou accident ischémique transitoire (AIT) dans le groupe TAVI est aussi plus élevé (5,5 vs 2,4%, p = 0,04), mais sans affecter le taux combiné de décès/AVC majeurs (à 30 jours 6,9% après TAVI et 8,2% après chirurgie et à un an respectivement 26,5 vs 28%). Selon des études utilisant la résonance magnétique, l’aspect des lésions cérébrales évoque une étiologie embolique plutôt que liée à des hypotensions au cours de la procédure. Des dispositifs de protection des troncs supra-aortiques sont en cours d’évaluation.
En revanche, après chirurgie conventionnelle, il y a plus de saignements majeurs à 30 jours (19,5 vs 9,3, p < 0,01) et de FA nouvelle (16 vs 8,6%, p < 0,01). Finalement, la classe fonctionnelle et le test de marche de six minutes s’améliorent plus rapidement dans le groupe TAVI et il existe un petit bénéfice hémodynamique pour la valve percutanée en termes de gradient moyen et de surface valvulaire, avec en contrepartie un peu plus de fuites paravalvulaires.
Avec la CoreValve, les études randomisées sont en cours. Il n’y aura pas d’étude contre le traitement standard, la Food and drug administration aux Etats-Unis considérant une telle étude non éthique au vu des résultats de l’étude randomisée Partner (cohorte B). En revanche, une étude (US Pivotal trial), devant randomiser 1300 patients à haut risque chirurgical entre CoreValve et chirurgie, est en cours depuis fin 2010 dans plus de 40 centres américains. SURTAVI, étude randomisant des patients à risque modéré (Logistic Euro SCORE de 6%), devrait débuter prochainement.
En 2011, en l’absence de données à long terme, la seule préférence d’un patient à faible risque chirurgical de ne pas subir une sternotomie ne doit pas suffire à retenir l’indication à un RVA percutané.9 En revanche, pour le patient à haut risque, le TAVI peut être considéré comme une alternative acceptable. Le concept du Heart Team (approche multidisciplinaire) garde toute son importance pour que le patient soit évalué et informé le plus justement possible. Le TAVI étant encore une thérapie jeune s’améliorant continuellement, sa place dans l’arsenal thérapeutique ne peut raisonnablement que s’accroître. A Munich, où les chirurgiens effectuent les deux techniques, le pourcentage de TAVI représente déjà 45% des traitements de RAC sévère en 2010.
Fin 2010, le TAVI est devenu le traitement de choix pour des patients avec sténose aortique sévère sélectionnés, jugés inopérables pour une chirurgie traditionnelle, et représente maintenant également une alternative acceptable pour des patients opérables avec un risque chirurgical élevé. La sélection non seulement des patients mais aussi de la technique (transartérielle ou transapicale) nécessite une approche multidisciplinaire qui reste essentielle pour le succès de l’intervention. Avant d’envisager l’utilisation de cette thérapie pour des patients plus jeunes ou à risque opératoire faible, il faut que les résultats à long terme lors d’études randomisées confirment les attentes.
> Le TAVI (Transcatheter aortic valve implantation) est techniquement réalisable par approche transartérielle (transfémorale, par l’artère sous-clavière, par voie aortique directe) ou par voie transapicale. L’intervention est efficace pour traiter une sténose aortique sévère et permet une amélioration hémodynamique et fonctionnelle
> La sélection non seulement des patients mais aussi de la technique (transartérielle ou transapicale) nécessite une approche multidisciplinaire qui reste essentielle pour le succès de l’intervention. Une connaissance approfondie des critères de sélections clinique et anatomique en vue d’une telle procédure est indispensable
> La cohorte B de Partner (randomisation entre traitement standard incluant une valvuloplastie au ballon dans 83% des cas et TAVI pour des patients jugés non opérables) a montré une indiscutable supériorité du TAVI avec un nombre de patients à traiter de cinq pour sauver une vie (NNT de 5)
> La cohorte A de Partner (TAVI versus chirurgie conventionnelle pour des patients à haut risque chirurgical) a montré que le TAVI était non inférieur à la chirurgie et par conséquent peut représenter une alternative acceptable pour des patients à haut risque chirurgical. Les données à long terme ne sont pas encore disponibles
Since the first transcatheter aortic valve implantation 9 years ago, constant technological progress and simplification of the procedure have been observed. For two devices in particular (Edwards SAPIEN valve and CoreValve), considerable clinical experience has been gained, with over 17000 implantations each. The safety and efficacy of this technique have recently been confirmed in the randomized trial Partner. Consequently, the end of 2010 saw the TAVI (Transcatheter aortic valve implantation) become the standard-of-care for selected patients deemed inoperable on the basis of age or co-morbidities and now is an acceptable alternative to surgery in selected high-risk operable patients. However, the selection of patients and the technique used (trans-arterial or trans-apical) require a multidisciplinary approach which remains essential for procedural success.